Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-Pierre Couture, d'Hexavest.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Pour moi, le plus important, c'est que les marchés boursiers sont à la baisse depuis l'annonce de la troisième phase d'assouplissement quantitatif (QE3) lancée par la Réserve fédérale américaine (Fed) le 13 septembre dernier. Ça ne nous surprend pas. Pendant que les banques centrales continuent de gonfler le prix des actifs risqués, la conjoncture économique se détériore. L'offensive de la Fed permet d'éviter une crise, mais elle ne stimule pas l'économie réelle.

Selon nos calculs, la faiblesse des taux d'intérêt coûte plus cher aux épargnants en perte de revenus de placement qu'elle n'allège le fardeau de ceux qui ont des dettes à payer. Aux États-Unis, les épargnants reçoivent des paiements d'intérêts de 400 milliards $US. Mais pour les consommateurs qui ont des dettes, le service de la dette n'est que de 200 milliards $US. L'un moins l'autre, c'est une perte de 200 milliards $US.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je regarde les indicateurs non chinois, mais relatifs à la Chine. Les statistiques officielles chinoises reflètent un atterrissage en douceur de l'économie chinoise. Mais quand on regarde des données moins biaisées, on constate que l'atterrissage est plutôt brutal.

Entre autres, je surveille les exportations de machinerie et d'équipements de la Corée, du Japon ou de l'Allemagne vers la Chine. Par exemple, les ventes d'excavatrices en Chine sont en baisse de 30 à 40% par rapport à l'an dernier. Je regarde aussi les ventes des multinationales en sol chinois. Il y a des baisses comparables à celles de 2008-09.

Certains espèrent que la Chine interviendra pour relancer l'économie. Mais cette fois, la Chine n'a pas les moyens d'investir autant que lorsqu'elle avait lancé son grand plan de relance en 2009. On s'attend à certaines annonces de stimuli, mais au compte-gouttes.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je dirais de conserver 8000$ en liquidité parce que la Bourse américaine a grimpé de 30% depuis l'automne dernier, et les marchés mondiaux de 21%. Après une poussée comme celle-là, il ne faut pas être trop gourmand. Vaut mieux se garder des liquidités pour saisir des occasions plus tard.

Je recommanderais aussi d'investir 2000$ dans les sociétés aurifères, par exemple avec le fonds négocié en Bourse XGD. Même si le prix de l'or reste élevé, les sociétés aurifères sont très délaissées. S'il y a une perte de confiance envers les gouvernements et les banques centrales, l'or peut devenir une valeur refuge.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

L'Allemagne! Le marché boursier allemand est en hausse de 40% par rapport à son creux des 12 derniers mois. C'est le temps de sortir de ce marché-là. L'Allemagne est très exposée à la Chine qui est dans une phase d'atterrissage assez chaotique, et à la zone euro qui est en récession. Aussi, les banques européennes ont rebondi de 25% au cours de l'été, de façon assez surprenante.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les marchés surestiment la capacité des gouvernements et des banques centrales à nous sortir du bourbier. En imprimant de l'argent et en achetant des obligations de l'État continuellement, la banque centrale incite les gouvernements au laxisme. Il faudra revenir un jour à la discipline budgétaire.

De plus, le comportement des banques centrales crée beaucoup de distorsion. Les taux d'intérêt sont artificiellement bas. Cela pousse les prix des actifs risqués à la hausse, que ce soit les obligations de sociétés à rendement élevé (pacotille) ou les obligations de pays émergents. Et aux États-Unis, les sociétés à petite capitalisation dont l'indice Russell 2000 est littéralement en feu!

Nous, on s'attend à une correction des marchés de 10 à 15%, et davantage pour les actifs plus risqués.

Jean-Pierre Couture a travaillé 15 ans à la Banque Nationale puis à la Caisse de dépôt avant de se joindre à Hexavest en 2010, à titre de stratège pour les marchés émergents. Fondée en 2004, la société de gestion montréalaise compte 37 employés et gère des actifs de 10,8 milliards pour une centaine de clients institutionnels au Canada, aux États-Unis, en Asie et en Europe.