Comme bien des propriétaires de maison, les Montréalais Michel et Luc ont observé avec satisfaction leur résidence prendre de la valeur au cours des 10 dernières années. «Nous l'avons payée 134 000$ en 2001 et elle vaut aujourd'hui 350 000$. Nous avons connu une belle période de croissance dans l'immobilier, tandis que nos placements progressaient beaucoup moins rapidement», dit Luc.

À 12 ans de sa retraite, le couple se demande s'il ne devrait pas miser encore plus sur l'immobilier pour se constituer un bon pécule en prévision de ses vieux jours. Tous deux employés du gouvernement du Québec, Michel et Luc ont songé à un plan, qu'ils aimeraient valider auprès d'un expert.

Ils envisagent de vendre leur maison - dont ils viennent de finir de payer l'hypothèque - pour acheter une propriété d'environ 550 000$. Ils vendraient ensuite cette maison en 2024 pour acheter un condo de 500 000$ à Québec, où ils veulent s'installer en quittant le monde du travail. Ils ont aussi comme projet de retraite de passer quatre mois par année en Californie pour fuir l'hiver et de voyager en Europe à chaque année. Ce projet tient-il la route?  

Oui, répond Josée Laframboise, planificatrice financière pour BMO Groupe financier. «Michel et Luc pourront compter sur de bons revenus à la retraite, quelle que soit leur décision, dit-elle. Mais ils doivent être conscients que l'achat d'une propriété plus chère les obligera à se serrer la ceinture pendant quelques années.» Comme employés du gouvernement, ils jouissent d'un bon fonds de pension. Michel pourra compter sur une rente de retraite équivalente à 70% de son salaire, mais Luc n'aura que 45% de son salaire, puisqu'il n'occupe son emploi actuel que depuis quelques années seulement.

Pour leur permettre de faire leurs choix en toute connaissance de cause, Josée Laframboise a comparé deux scénarios. D'abord, s'ils vendent leur maison 350 000$ pour en acheter une nouvelle au prix de 550 000$, ils devront contracter un prêt hypothécaire de 200 000$. Pour que cette nouvelle hypothèque soit remboursée le jour où ils prendront leur retraite, Mme Laframboise suggère un amortissement de 12 ans. En optant pour un taux fixe de 3,5%, les mensualités s'élèveraient à 1700$ pour les cinq prochaines années. C'est plus élevé que les mensualités de 1260$ qu'ils payaient pour leur maison actuelle. «Comme leur budget ne semble pas être trop serré, ils devraient être en mesure de payer ces 440$ de plus par mois, mais ils doivent être conscients qu'il y aura un effort à faire», dit la planificatrice financière.  

En plus de l'achat de la nouvelle résidence, Josée Laframboise calcule que les deux hommes continueront de faire leurs contributions REER habituelles pour les 12 prochaines années (3400$ par année pour Luc, 3300$ pour Michel), et qu'ils prendront le maximum de CELI (5000$ par année chacun).  

En 2024, lorsqu'ils prendront leur retraite et vendront leur résidence, celle-ci aura pris de la valeur. Mais le couple ne doit pas s'attendre à une hausse semblable à celle des dernières années. «Si la région de Montréal a connu une forte croissance immobilière depuis quelques années, rien ne garantit que ce rythme se maintiendra à long terme, souligne Mme Laframboise. Les prévisions pour les prochaines années seront plus modestes et se situeront plus près de l'inflation.» En utilisant des hypothèses conservatrices, elle calcule que la propriété pourrait être vendue 691 000$.

En plus de cette somme, Michel et Luc auront accumulé 292 000$ dans leurs REER, et 187 000$ dans leurs CELI, pour un total de 1 170 000$ (sans compter leur fonds de pension d'employés du gouvernement).

Voyons voir maintenant ce qui se passerait s'ils conservent leur maison actuelle jusqu'à la retraite. Comme l'hypothèque est maintenant payée, ils auront suffisamment de marge de manoeuvre financière pour se prévaloir de leurs cotisations inutilisées au REER (41 000$) et au CELI (27 000$), soit un total de 68 000$. En calculant les retours d'impôts auxquels ils peuvent s'attendre, ces contributions leur coûteraient 52 000$, qu'ils pourraient si nécessaire financer au moyen de leur marge de crédit hypothécaire.  

Au moment de la retraite, le couple pourra vendre sa maison 440 000$. Il aura aussi accumulé 370 000$ dans ses REER et 238 000$ en CELI, pour un total de 1 048 000$. C'est 122 000$ de moins qu'avec le premier scénario.  

Avant de prendre leur décision, Michel et Luc doivent prendre d'autres éléments en considération. Mme Laframboise n'a pas calculé toutes les dépenses qui accompagnent la vente et l'achat d'une propriété: frais de notaire, commission de l'agent immobilier (si nécessaire), déménagement, achat de mobilier, décoration, etc. De plus, s'ils déménagent dans une maison plus chère, ils devront payer plus de taxes municipales et auront sans doute des factures de chauffage et d'électricité plus élevées. Tous ces coûts risquent d'annuler les avantages de la première option.  

Le couple peut toujours faire le pari que la valeur de sa future maison augmentera plus vite que l'inflation, surtout s'il a vraiment envie de déménager dans une résidence plus luxueuse. Mais il doit se demander si le jeu en vaut la chandelle.

Leurs autres projets, notamment l'achat d'un condo pour passer leur retraite à Québec, les hivers sous le soleil de Californie et les autres voyages, devraient être à la portée de leur budget.

La question

Devons-nous acheter une propriété de plus grande valeur maintenant, dans le but de la revendre au moment de prendre notre retraite dans 12 ans, ou encore privilégier les placements financiers? Quelle option nous rendra plus riches à 65 ans?

Les données

Michel, 49 ans

Salaire: 72 500$

Actif

RREGOP (fonds de pension des employés du gouvernement): 79 600$

REER: 26 000$

CELI: 4000$

Maison: 175 000$ (50% de la propriété de 350 000$)

Passif

Marge de crédit hypothécaire: 4000$

Luc, 52 ans

Salaire: 72 500$

Actif

RREGOP (fonds de pension des employés du gouvernement): 37 300$

REER: 72 000$

CELI: 11 000$

Maison: 175 000$ (50% de la propriété de 350 000$)

Passif

Marge de crédit hypothécaire: 4000$

«Si la région de Montréal a connu une forte croissance immobilière depuis quelques années, rien ne garantit que ce rythme se maintiendra à long terme, souligne Mme Laframboise. Les prévisions pour les prochaines années seront plus modestes et se situeront plus près de l'inflation.»

Josée Laframboise, planificatrice financière, BMO Groupe financier