Dur retour à la réalité pour les fonctionnaires qui pensaient avoir un emploi blindé. Ottawa est en mode compression. Et personne n'est à l'abri.

Dans son dernier budget, le gouvernement conservateur a annoncé la suppression de 19 200 postes, soit 4,8% de la fonction publique fédérale. D'ici trois ans, 12 000 postes seront abolis. Le reste des coupures sera fait par attrition: le gouvernement ne remplacera pas 7200 personnes qui partiront volontairement ou prendront leur retraite.

À quoi auront droit les employés licenciés? Les syndiqués qui seront éjectés peuvent obtenir jusqu'à un an de salaire, selon la Directive sur le réaménagement des effectifs, issue d'une négociation collective.

En fait, tous les employés qui ont entre 16 et 29 ans d'ancienneté ont droit à 52 semaines. Pour chaque année de service excédent 29 ans, l'indemnité est réduite de trois semaines, si bien qu'avec 40 ans de d'expérience, on n'a plus droit qu'à 19 semaines, par exemple.

Et pour chaque année de service en dessous de 16 ans, on soustrait deux semaines à l'indemnité, de telle sorte qu'un employé qui a sa permanence depuis un an recevra 22 semaines de salaire.

Cela paraît généreux, «mais il faut comprendre qu'avant d'être permanent, ça fait souvent au moins quatre ans qu'on est à l'emploi du gouvernement comme temporaire», explique Magali Picard, vice-présidente exécutive suppléante de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), le plus important syndicat de la fonction publique, qui représente 130 000 fonctionnaires fédéraux.

Les fonctionnaires peuvent renoncer à cette «mesure de soutien à la transition» et continuer de travailler pendant 12 mois, tout en étant inscrit sur une liste prioritaire pour décrocher un autre poste au gouvernement.

L'employé qui choisit cette option fait le pari de réussir à se relocaliser. Mais c'est un coup de dé. En temps normal, les chances de se replacer sont assez bonnes. Mais dans un contexte où le gouvernement élimine 19 200 postes, les probabilités sont très difficiles à évaluer.

L'ancienneté n'existe pas

Mais Ottawa tente de contourner les règles, dénonce le syndicat. «Ce qui est inacceptable, c'est que le gouvernement essaie d'outrepasser la directive sur le réaménagement, pour ne pas avoir à payer les indemnités», déplore Mme Picard.

L'AFPC constate qu'Ottawa prend des moyens détournés pour inciter les travailleurs plus âgés à partir de leur propre chef.

Ceux qui s'engagent à prendre leur retraite bientôt se font promettre de ne pas avoir à faire tout le processus de sélection pour conserver leur propre poste. Sinon, on leur dit: «Après 30 ans de service, ça nous prend ton CV, tu vas passer en entrevue, refaire les tests de langue... Tout est à recommencer comme si tu étais nouveau», relate Mme Picard qui a reçu, en une seule journée, 48 appels d'employés dans cette situation.

Déjà, Ottawa a envoyé des lettres à environ 20 000 employés, leur annonçant un certain nombre de licenciements dans la catégorie de postes qu'ils occupent... mais sans préciser qui au juste perdra son emploi.

L'ancienneté ne compte pas. «C'est une croyance que les gens avaient que les fonctionnaires permanents avaient une sécurité d'emploi en béton, que c'était impossible qu'ils perdent leur emploi. C'est complètement faux!» s'exclame Mme Picard.

Pour les gens qui sont à deux ou trois ans de la retraite, la pression est énorme. «C'est incroyable comment on les fait se sentir», dit Mme Picard. Mais s'ils prennent une retraite hâtive, ils ne recevront pas les indemnités et leur rente sera amputée jusqu'à la fin de leurs jours.

Toutefois, plusieurs fonctionnaires fédéraux peuvent encore toucher une indemnité de départ volontaire, qui représente une semaine de salaire par année de service, jusqu'à un maximum de 30 semaines. Cet avantage a été aboli en 2011. Les employés conservent l'indemnité pour les années accumulées... sauf que plusieurs ont encaissé le montant l'été dernier, lorsque le gouvernement leur a offert la possibilité.