Le Québec est la mecque de l'épargne-études en Amérique du Nord, constate une récente étude. Malheureusement, les familles profitent peu de l'aide gouvernementale, en particulier les familles moins bien pourvues. Que vous soyez riche ou fauché, voici des astuces pour tirer le maximum de la générosité de l'État... en ne sortant pratiquement rien de vos poches.

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Cette semaine, quelque 60 000 étudiants québécois ont boycotté leurs cours, envahi le square Phillips, rue Sainte-Catherine, bloqué le pont Jacques-Cartier.

Ils manifestaient contre la hausse des droits de scolarité de 325$ par année. En fait, Québec a l'intention de relever de 2200$ à 3800$ le coût d'une année d'études à l'université, d'ici cinq ans.

Chiche, l'État? Pas quand on regarde du côté du Régime enregistré d'épargne-études (REEE). Le Québec a l'un des programmes les plus généreux en Amérique du Nord, selon une étude comparative qui vient d'être publiée par François Vaillancourt, fellow du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

Avec le REEE, les enfants ont droit à une subvention combinée de 30% (20% Ottawa, 10% Québec). En versant 2500$, les parents peuvent obtenir la subvention maximale de 750$ par année, par enfant.

Malheureusement, la majorité des familles passent à côté des cadeaux du REEE. Au Québec, 424 354 enfants ont reçu la subvention en 2010, selon Revenu Québec. C'est seulement le quart de tous les enfants de moins que 18 ans au Québec.

Pour améliorer l'accès aux études postsecondaires, peut-être vaudrait-il mieux offrir des programmes de prêts et bourses plus généreux, fondés sur l'excellence, sans égard au revenu familial, avance M. Vaillancourt.

«Idéalement, on voudrait que les cerveaux aient les mêmes chances de réussir quelle que soit leur origine sociale, dit-il. On ne veut pas manquer le prochain Mozart... ou Armand Frappier!»

Reste que le REER gagnerait à être mieux utilisé. «Mais le programme est d'une complexité inouïe!», s'exclame Annie Boivin, directrice de la planification fiscale et successorale chez Richardson GMP.

Étudions-le en détail, question d'en tirer le maximum.

1- LE BON: 2000$ TOMBÉS DU CIEL!

Les familles qui ont des revenus inférieurs à environ 41 000$ ont droit à un vrai cadeau: le Bon d'études canadien. Tous les enfants nés à partir de 2004 peuvent amasser 2000$, plus intérêts.

Ottawa verse 500$ aux parents dès l'ouverture du REEE. Même pas besoin de contribuer! «Dès qu'un bébé naît, il faut ouvrir un REEE, même si on ne met pas un sou dedans», insiste Mme Boivin.

Si la famille répond toujours aux critères d'admissibilité, Ottawa verse ensuite 100$ par année, durant 15 ans. D'où l'importance d'ouvrir le REEE le plus vite possible, pour aller chercher le maximum.

Le hic: moins du quart des familles admissibles ont fait les démarches pour obtenir cet argent qui tombe du ciel. Dommage, car ce sont les familles qui en auraient le plus besoin.

2- L'EXTRA ET LES FAMILLES SÉPARÉES

Un autre avantage méconnu du REEE: la subvention supplémentaire. Depuis 2005, la subvention fédérale a été bonifiée pour donner un coup de pouce aux familles qui ne roulent pas sur l'or. L'Incitatif québécois à l'épargne-études (IQEE) reprend la même formule.

Pour la première tranche de 500$ de cotisation annuelle, la subvention est bonifiée à 45% pour les familles qui gagnent moins de 85 400$, et à 60% pour les familles qui gagnent moins de 42 700$. Un fameux rendement!

Les familles peuvent donc obtenir un «extra» de 75$ ou 150$ par année. Une cotisation de 500$ leur vaudra une subvention totale de 225$ ou 300$.

Plus de la moitié des familles québécoises qui reçoivent l'IQEE ont droit à la majoration, calcule Revenu Québec.

Deux conseils à propos de cet extra:

Premièrement, vérifiez si vous le recevez, car certaines familles qui ont droit à l'extra ne l'obtiennent pas. Normalement, l'institution financière s'occupe des démarches. Pour ce faire, elles doivent faire remplir un formulaire aux parents lors de l'ouverture du compte. Mais si le compte a été ouvert avant la création de l'extra en 2005, cela n'a pas été fait.

Deuxièmement, les familles séparées peuvent s'organiser pour aller chercher l'extra. Prenons des conjoints qui ont des revenus inégaux (30 000$/100 000$). Ensemble, ils n'avaient pas droit à l'extra. Séparés, oui.

Les règles ont changé en 2011 pour les enfants en garde partagée. Désormais, c'est «le revenu du responsable dont le nom apparaît sur la transaction de cotisation» qui sert à établir la subvention supplémentaire, a pu confirmer Mme Boivin auprès du fédéral.

Dans les formulaires du REEE, il faut donc désigner le conjoint qui gagne le moins comme personne responsable de l'enfant. Peu importe qui fait la cotisation (grand-parent, parrain, ex-conjoint, etc.), c'est le revenu familial net du conjoint responsable de l'enfant qui détermine le montant de la subvention, indique Mme Boivin.

3- EMPRUNTER POUR COTISER: 1500$ SANS EFFORT

Obtenir un rendement astronomique en quelques mois, sans courir le moindre risque: trop beau pour être vrai? Pas si vous empruntez pour cotiser au REEE d'un enfant qui arrive bientôt au cégep.

Disons que vous avez une marge de crédit hypothécaire assortie d'un taux de 3% ou un autre mode de financement peu coûteux. Vous empruntez 2500$ juste avant les 17 ans de votre enfant pour cotiser à son REEE.

Vous pouvez même emprunter et déposer 5000$, car il possible d'obtenir la subvention en double, si vous n'avez pas cotisé l'année précédente.

La cotisation vous permet d'obtenir une subvention de 1500$. Pour ne prendre aucun risque, vous investissez l'argent dans un placement garanti. Dès que votre enfant entre au cégep, vous pouvez retirer l'argent.

L'opération vous coûtera 150$ d'intérêts tout au plus, et vous rapportera 1500$.

«On peut même commencer plus tôt, à 15 ans. Le rendement de la subvention va battre les intérêts», assure Sylvain Chartier, expert-conseil chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

Un bémol très important: il y a des règles particulières pour les enfants de 15 à 17 ans.

Pour pouvoir toucher la subvention REEE, il faut avoir déjà versé au moins 2000$ au REEE avant la fin de l'année des 15 ans de l'enfant, ou encore il faut avoir versé au moins 100$ par an, au cours de quatre années antérieures.

Cette règle peu connue est l'un des plus grands sujets de plainte entourant le REEE.

4- INVESTIR 14 000$ DÈS LE BERCEAU

Le REEE permet de mettre à l'abri de l'impôt jusqu'à 50 000$ par enfant, à vie. On peut le mettre d'un seul coup, rappelle M. Chartier.

Mais cela ferait perdre les subventions qui sont plafonnées à 750$ par année (500$ Ottawa, 250$ Québec) et à 10 800$ à vie (7200$ fédéral, 3600$ provincial).

Pour obtenir la subvention maximale, il faut verser 36 000$ dans le REEE, à raison de 2500$ par année, durant plus de 14 ans. Mais cela laisse 14 000$ d'espace de cotisations REEE qui ne donne pas droit à des subventions.

Les gens fortunés peuvent donc investir 14 000$ dans le REEE de leur enfant, dès le berceau, sans se priver des futures subventions.

5- LE REEE AVANT LE REER

Peu de familles ont le luxe de remplir leur REEE. Leurs ressources sont limitées.

«Leur premier réflexe est de rembourser l'hypothèque et de cotiser au REER. C'est très rare que les gens mettent la priorité sur le REEE, constate M. Chartier. Mais avec une subvention de 30%, c'est un cadeau incroyable!»

De plus en plus de planificateurs financiers suggèrent de cotiser au REEE en priorité. Il sera toujours temps de rattraper les cotisations REER dont les droits s'accumulent dans le temps. Peut-être même que la déduction sera plus payante si votre salaire a augmenté.

Autant d'argent dans le REEE, est-ce une bonne idée? Les droits de scolarité ne coûteront pas si cher?

Vrai, mais le REEE peut servir à payer toutes sortes de dépenses liées aux études. Et il est possible de retirer jusqu'à 20 000$ par année, sans fournir de factures.

Et si l'enfant ne fait pas d'études postsecondaires?

1- Le parent peut récupérer ses cotisations sans payer d'impôt.

2- Suivant certaines règles, les subventions peuvent être attribuées à un frère ou une soeur. Sinon, elles doivent être remises à l'État.

3- Le parent devra payer l'impôt sur les revenus accumulés dans le REEE, selon son taux d'imposition habituel, auquel s'ajoute une pénalité de 20%. Moins drôle.

4- Mais pour éviter cette pénalité, le parent peut verser les revenus générés dans son REER, s'il a l'espace disponible.

5- Toujours pour éviter une éventuelle pénalité, M. Chartier donne le conseil suivant aux grands-parents qui veulent contribuer au REEE. «On leur suggère de donner l'argent à leurs enfants qui vont ouvrir eux-mêmes un REEE pour les petits-enfants, dit-il. Car après 72 ans, il est impossible de transférer la partie revenu dans le REER.»