Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Christian Godin, de Monstrusco Bolton...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

L'agence de crédit Moody's a prévenu qu'elle pourrait abaisser la cote de crédit d'une quinzaine de grandes banques internationales (UBS, Credit Suisse Group, Morgan Stanley, Citigroup, Bank of America, etc.). Si ces banques sont décotées, leurs coûts d'emprunt pourraient augmenter. Elles pourraient avoir un peu plus de difficulté à se financer, ce qui ralentirait l'accès au crédit pour tous les acteurs économiques.

La menace vise surtout des banques qui ont une part importante de leurs prêts à des pays européens. Même si ce n'est pas son cas, la Banque Royale figure aussi sur la liste de Moody's. Pourtant, la Banque Royale est bien positionnée pour se conformer à la réglementation qui entrera en vigueur d'ici deux ans. Mais elle est plus présente dans les marchés des capitaux (notamment dans la négociation d'obligations), ce qui la rend peut-être plus vulnérable que les autres banques canadiennes aux yeux de Moody's.

Malgré cette grosse nouvelle macroéconomique, la Bourse se porte assez bien grâce à la divulgation des résultats des entreprises pour l'année 2011 qui sortent en ce moment. Les résultats sont relativement bons, ce qui a permis aux Bourses de maintenir leur avance depuis le début de l'année (+5% au Canada, +7% aux États-Unis).

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je vais suivre les écarts de crédit. Je ne souhaite pas voir un élargissement de l'écart entre le taux d'intérêt sur les obligations de sociétés et le taux d'intérêt des obligations gouvernementales en Amérique du Nord. Cela indiquerait un ralentissement de la circulation des capitaux. On vit dans un monde où le crédit est important. Si les gens sont plus nerveux, ils seront moins disposés à renouveler les emprunts... et il y aura moins d'argent disponible pour faire rouler l'économie.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'investirais dans un fonds d'actions à dividendes élevés. Il est fort probable que les revenus annuels d'un tel fonds soient plus importants que ceux d'un fonds d'obligations. Présentement, les obligations du Canada ont un taux d'intérêt de 2% sur 10 ans, tandis que le rendement du dividende de l'indice S&P\TSX composé de la Bourse de Toronto s'élève à 2,7%. Plusieurs fonds de dividendes offrent un rendement de 4 à 5%. Et s'il y a le moindrement d'inflation, il y a plus de risque de baisse pour les fonds d'obligations que pour les fonds de dividendes.

Une autre option: les actions des banques qui versent 3 ou 4% en dividendes. Je considère la majeure partie des actions des grandes banques canadiennes comme un bon placement. Si un investisseur achète l'action d'une banque, il va mieux faire qu'avec des obligations.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Je pense que la morosité est installée pour très longtemps en Europe. J'éviterais donc les entreprises qui sont très dépendantes de la santé des consommateurs européens. On peut penser aux banques européennes, par exemple.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

La morosité en Europe pourrait perdurer plusieurs années, peut-être jusqu'en 2015. Leurs problèmes d'endettement sont encore loin d'être réglés.

Christian Godin est vice-président principal et chef des actions canadiennes chez Placements Montrusco Bolton, où il est entré en 2001 après avoir travaillé chez Merrill Lynch Canada. Fondée en 1946, la société montréalaise gère des actifs de plus de 5 milliards de dollars, dont la moitié sous la supervision de M. Godin, en suivant une approche ascendante fondée sur la sélection de titres.