Est-ce que le Régime enregistré d'épargne-études (REEE) peut être utilisé dans la planification de la retraite? Drôle de question, mais Caroline, 37 ans, de Québec, se la pose quand même. Cette maman de trois jeunes enfants a lu quelque part qu'une telle stratégie pouvait très bien fonctionner dans certains contextes et se demande si cela pourrait s'appliquer à elle et Mathieu, son conjoint.

«Avons-nous le profil requis?» demande Caroline.

Voici l'idée qui sous-tend la thèse. Parce que les deux conjoints ont chacun un régime de retraite d'employeur à prestations déterminées, ils estiment que leur taux d'impôt à la retraite sera sensiblement le même que celui d'aujourd'hui. Ils ne sont donc pas certains de vouloir maximiser leurs REER, vu qu'ils devraient les décaisser à la retraite et que cela viendrait augmenter leurs revenus et donc les impôts. Depuis quelques années, ils ont d'ailleurs priorisé le CELI. Maintenant, ils se disent qu'ils devraient aussi maximiser leurs REEE, question de générer des revenus à l'abri de l'impôt pour payer les études probables de leurs enfants.

Est-ce une bonne idée?

Avant d'y répondre, rappelons brièvement les paramètres du REEE. Ce régime permet de générer des revenus à l'abri de l'impôt jusqu'au moment du retrait. Puisque c'est le bénéficiaire du REEE qui sera imposé et, comme il sera étudiant, il aura peu de revenus, son taux d'imposition sera donc bien moindre. De plus, le REEE permet de bénéficier de subventions gouvernementales, tant au fédéral qu'au provincial. Ainsi, pour chaque dollar versé en contribution au REEE, les familles peuvent recevoir de 10% à 40% en subventions selon leur niveau de revenus - jusqu'à concurrence de 500$ par an. Des bonus de 500$ à l'ouverture d'un REER et de 100$ par an peuvent aussi être obtenus à certaines conditions.

Une illusion

À première vue, l'idée de Caroline paraît attrayante. Mais ce n'est qu'une illusion, estime le planificateur financier Éric F. Gosselin. Selon lui, chaque véhicule fiscal a son utilité propre, et il ne faut pas les mélanger. Ainsi, dit-il, le REER sert à repousser l'impôt pour les jours où le revenu sera inférieur; le CELI, lui, sert à faire fructifier son épargne sans que l'impôt ne parte avec une partie du profit; quant au REEE, il sert aux parents à financer les études de leurs enfants.

«Lorsque nous effectuons une planification de la retraite, nous n'incluons jamais le montant investi dans le REEE puisqu'il ne peut jamais être utilisé à d'autres fins que le financement d'études postsecondaires», explique le spécialiste. Oui, poursuit-il, on peut le voir comme une accumulation de richesse , mais on ne pourra jamais utiliser les sommes, même en cas d'urgence, comme on peut le faire avec le CELI ou, à la limite, le REER.

On dit souvent qu'il faut maximiser le REER, suivi du REEE et du CELI pour obtenir une efficacité fiscale optimale. Éric Gosselin fait valoir que cela est vrai si et seulement si l'on estime que notre taux d'imposition à la retraite sera inférieur à ce qu'il est actuellement. Si le taux est supérieur, c'est à dire que l'on aura plus d'impôt à payer sur chaque dollar retiré du REER qu'il ne nous a généré d'épargnes fiscales lors de la contribution, alors le CELI est définitivement le meilleur choix. Dans le cas de Caroline et de Mathieu, compte tenu de la structure de leur planification de retraite, il est envisageable que le taux d'imposition à la retraite soit équivalent, d'où l'utilisation du CELI en priorité.

CELI oui, REER non

Favoriser le REEE au dépend du REER est très risqué si les enfants ne font pas d'études supérieures, note M. Gosselin. Dans ce cas-là, en effet, le gouvernement reprend ses subventions, peu importe le montant qu'il reste dans le régime. Ainsi, dans un cas de chute boursière majeure, il pourrait rester moins dans le régime que ce que le capital investi.

«On est loin d'avoir utilisé une bonne stratégie de planification de la retraite!» dit Éric Gosselin.

En fait, il faut comprendre la nature des dollars investis dans les différents régimes. Pour le REER, ce sont des dollars «avant impôt»; 1000$ investis dans le REER, c'est 1000$ gagnés (bruts) alors que 1000$ investis dans le REEE ou le CELI, ce sont des dollars «après impôt» et représentent donc, à un taux d'imposition de 40%, un effort d'environ 1665$ brut. Le REER permet de récupérer l'impôt payé, le REEE permet au bénéficiaire (l'enfant) de recevoir une bonification gouvernementale et le CELI, de simplement bénéficier d'un congé fiscal sur les revenus générés par les investissements qui s'y trouvent.

L'ordre d'investissement devrait donc toujours être REER-REEE-CELI puis, s'il en reste, l'investir dans un compte d'investissement régulier.

En conclusion, Caroline et Mathieu ont fait de bons choix. Une petite hypothèque, des REER, des fonds de retraite, un peu de REEE et des CELI. Mais s'ils désirent poursuivre dans le bon sens, voici ce que leur suggère le planificateur: encaisser leur CELI qui n'est pas prévu pour un projet à court terme, et rattraper les contributions REEE non-effectuées. Comme le CELI, les revenus de placements s'accumuleront à l'abri de l'impôt et, en plus, ils bénéficieront d'une augmentation de la valeur de façon quasi instantanée par les subventions gouvernementales.

Par la suite, s'ils ont encore de la capacité d'épargne, ils peuvent regarnir leur compte CELI et, avec l'excédent, s'il en reste, rembourser plus rapidement le Régime d'accession à la propriété dont leur solde est actuellement de 6800$ pour Mathieu.