À cause d'un seul billet de stationnement de 35$ impayé, Mme Ste-Croix s'est fait saisir sa voiture pour 30 jours.

Au début de janvier, une voiture de police l'intercepte: «Votre permis de conduire est suspendu», lui crie le policier qui lui ordonne de se garer sous le pont Jacques-Cartier.

Le policier lui apprend que la ville de La Prairie a demandé à la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) de suspendre son permis, parce qu'elle avait oublié de payer une contravention reçue en décembre 2010. Comme elle circule avec un permis suspendu, le policier doit saisir son auto.

Mme Ste-Croix jure qu'elle n'était pas au courant de la suspension. Elle promet d'aller payer la contravention sur-le-champ. Elle ajoute qu'elle doit aller chercher son enfant à l'école sur la Rive-Sud de Montréal. «Vous demanderez à quelqu'un d'aller le chercher à votre place», rétorque le policier. Inflexible, il fait remorquer l'auto. La dame reste toute seule, sous le pont, en pleine tempête de neige.

«Ils m'ont traitée comme une criminelle pour un billet de stationnement oublié. J'en ai été traumatisée», raconte-t-elle.

Pour régulariser son dossier, elle marche jusqu'au bureau de la SAAQ le plus proche, à la Place Dupuis. Puis, elle prend un taxi jusqu'à La Prairie pour payer l'amende. Le jour même, tout est réglé.

Mais Mme Ste-Croix n'est pas au bout de ses peines: son auto reste saisie pour 30 jours. «Je trouve cette situation abusive», dit-elle. En plus d'être privée de son auto, elle devra payer 604$ en frais de remorquage et en frais de garde (15$ par jour, selon le tarif de la SAAQ). Plus l'amende pour avoir circuler avec un permis suspendu (444$). Plus le fameux billet de stationnement qui a coûté 159$ avec tous les frais.

Pour avoir laissé trainer un billet de 35$ durant 13 mois, il lui en coûtera plus de 1200$... sans compter tous les taxis, car l'école et l'épicerie sont loin de sa maison.

C'est comme si sa dette avait explosé de plus de 3000%. A côté de ça, les prêteurs a gage qui n'ont pas le droit d'exiger plus que le taux usuraire de 60%, passent pour des enfants de coeur!

Le cas de Mme Ste-Croix est loin d'être anecdotique. Depuis cinq ans, la SAAQ a saisi entre 14 000 et 17 000 véhicules par année, en raison d'amendes impayées. Ces dernières années, les policiers se sont équipés d'un système de reconnaissance des plaques d'immatriculation qui leur permet de repérer automatiquement les conducteurs qui roulent sans permis ou sans immatriculation.

La procédure appliquée dans le cas de Mme Ste-Croix est la norme.

Lorsqu'un conducteur oublie de payer une contravention, la ville lui envoie un avis de rappel. Si la personne ne donne pas suite, un verdict de culpabilité est prononcé par défaut. Le jugement est posté au conducteur, qui peut aller en appel. Si le conducteur ne donne aucun signe de vie, la ville demande ensuite à la SAAQ de suspendre le permis de conduire, nous a expliqué la ville de La Prairie.

Ensuite, la SAAQ avise le conducteur deux semaines à l'avance de la suspension de son permis. «La responsabilité de la Société est de transmettre l'avis à la dernière adresse apparaissant dans ses fichiers. Elle n'a pas à s'assurer de sa réception», précise Audrey Chaput, porte-parole de la SAAQ. Si le conducteur n'a pas fait son changement d'adresse, s'il n'a pas ouvert son courrier... tant pis pour lui.

Dès que le permis est suspendu, l'automobiliste n'a plus le droit de conduire. Sinon, il s'expose à des amendes allant de 428$ à 3760$.

De plus, le véhicule qui est immatriculé à son nom ne peut plus circuler, même si c'est un autre conducteur avec un permis valide qui est au volant. Toutefois, si le véhicule est en copropriété, d'autres peuvent l'utiliser.

Si le conducteur dont le permis est suspendu se fait arrêter, la voiture est saisie sur-le-champ, même si l'auto qu'il conduit appartient à quelqu'un d'autre. Conseil: avant de prêter votre auto à quelqu'un, assurez-vous que son permis est en règle, en appelant à la SAAQ (1 900 565-1212, des frais sont exigés).

Car une fois que la voiture est saisie, elle le reste pour 30 jours, même si le conducteur paie toutes les amendes.

Lorsque la suspension du permis est levée, le conducteur peut toutefois reprendre le volant... avec un autre véhicule. La seule issue pour Mme Ste-Crois est donc de louer ou d'emprunter une auto durant la saisie.

Et gare à ceux qui ne vont pas chercher leur voiture lorsque la saisie est levée: après 10 jours, la SAAQ entreprend les démarches pour vendre le véhicule aux enchères... aux frais du propriétaire.

Abusif? «Je dirais que ce sont des moyens dissuasifs pour que les gens aient le bon comportement», répond la porte-parole de la SAAQ.

Depuis trois ans, le Protecteur du Citoyen a reçu 46 plaintes contre la SAAQ en raison du processus de saisie pour des amendes impayés. Seulement trois ont été jugées fondées. Sauf exception, la SAAQ suit les règles. «Et la règle comme telle, on ne juge pas que c'est abusif», dit Joanne Trudel, porte-parole du Protecteur du citoyen.