Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jeffrey Tory, de Pembroke.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Cette semaine, la Réserve fédérale américaine (Fed) a signalé qu'elle garderait les taux d'intérêt très bas pendant encore plus longtemps que prévu.

On peut voir cette annonce sous deux angles. D'un côté, ça veut dire que l'argent facile va se poursuivre pour une longue période. C'est une bonne nouvelle pour les entreprises en croissance, qui ont des projets d'investissement à financer. Elles seront récompensées sur les marchés financiers.

Mais d'un autre côté, ça nous indique que la Fed a peur de la fragilité de la reprise de l'économie et du marché immobilier.

Et puis à long terme, quelles seront les conséquences de tout cet argent facile durant autant d'années?

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'année dernière, les ressources naturelles ont eu la vie dure, à cause des craintes d'un ralentissement de l'économie mondiale. La Bourse canadienne, qui est composée à 50% de ressources, en a subi les contrecoups. Depuis le début de 2012, les investisseurs sont plus optimistes. Je continue de surveiller l'évolution de ce secteur en fonction du cycle économique.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'investirais 8000$ en actions de croissance et je conserverais une réserve 2000$ en liquidités, ce qui me permettrait de racheter les mêmes actions à un prix inférieur, au cas où il y ait un repli boursier.

Par exemple, je choisirais Peer 1 Network Enterprises (PIX), une société de Vancouver qui se spécialise dans le stockage de données informatiques. Son action n'est pas chère par rapport à celle de ces concurrents. Et la société vient de compléter une période d'investissements importants, dont elle devrait récolter les fruits cette année et l'année prochaine.

Aussi, j'achèterais des actions de la société torontoise FirstService (FSV), un fournisseur de services dans l'immobilier commercial et résidentiel, notamment sous la bannière Colliers International, le troisième plus important courtier commercial au monde. Ils ont mis beaucoup d'efforts et d'investissements pour améliorer l'image de la marque. Ils en profiteront si la croissance revient dans cette industrie.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

L'an dernier, j'aurais eu du mal à investir dans les obligations de long terme... et c'est la catégorie d'actifs qui a le mieux performer! 2011 devait être l'année de la remontée des taux d'intérêt. Mais avec la crise en Europe, les taux d'intérêt sur les obligations de 30 ans ont plutôt baissé de 3,6% à 2,4%, ce qui a fait bondir la valeur des titres.

Mais aujourd'hui, à 2,4%, je serais très prudent avec les obligations. Les investisseurs doivent en garder une portion dans leur portefeuille. Mais ils devraient favoriser le court terme. Si jamais les taux remontent à un niveau plus normal, cela aura un effet incroyable sur les obligations, surtout celles de long terme.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Les sociétés et les gouvernements ont fait de grandes promesses aux travailleurs. Je crois que tout le monde sous-estime la difficulté qu'ils auront à remplir toutes ces promesses, surtout dans un contexte de taux d'intérêt à 2% et de croissance économique faible. Avec plus de retraités et moins travailleurs, les gouvernements auront beaucoup de pression pour maintenir les services auxquels les gens s'attendent.

Jeffrey Tory est président du conseil de Gestion privée de placement Pembroke, qui offre ses services à des clients fortunés. La firme est une filiale de Gestion Pembroke qui existe depuis 44 ans et gère des actifs de 1,5 milliard, selon une approche fondée sur la recherche de titres de croissance de grande qualité.