Ceux qui ont la chance d'avoir des enfants et de vivre assez vieux pour les voir grandir se posent inévitablement la question un jour ou l'autre: que vais-je faire de ma vie lorsqu'ils quitteront la maison? Marie, de Montréal, en est rendue là, elle dont le fils unique de 22 ans vient tout juste de quitter le foyer familial pour s'installer en appartement. À 58 ans, elle se retrouve seule et doit maintenant envisager comment elle vivra le dernier tiers (ou plus) de son existence.

Mais avant les projets, les finances. Car à quoi bon faire des plans si on n'a pas les moyens de les réaliser? C'est ce qu'elle se dit, soucieuse, mais surtout curieuse de savoir comment elle pourrait planifier ses vieux jours, financièrement parlant.

Elle a plusieurs questions qui lui trottent dans la tête, notamment sur ce qu'elle devrait faire d'une somme d'environ 90 000$ qui vient de lui tomber dessus à la suite d'une double transaction impliquant la vente de sa maison et de l'achat subséquent d'un condo, où elle habite depuis peu. Mais surtout, elle se demande comment maximiser ses prestations de retraite gouvernementales (Régie des rentes du Québec, Pension de vieillesse et Supplément de revenu garanti), qu'elle compte toucher vers 65 ans, le jour où elle arrêtera de travailler pour de bon.

«Je suis complètement perdue, malgré toutes mes recherches, je n'arrive pas à trouver des réponses complètes à mes questions», dit Marie.

Perdue peut-être, mais pas complètement sans moyens. Au fil des ans, elle a accumulé dans ses REER une somme de 126 850$. Elle a aussi pour 14 899$ de droits de cotisation non-utilisés. Elle possède 10 000$ dans un CELI, et compte ajouter 5000$ de plus cette année. À cela, il faut bien sûr ajouter ce montant de 90 000$ qu'elle vient d'obtenir via les transactions immobilières.

Côté salaire, comme gérante dans un magasin d'alimentation, elle touchera cette année environ 25 000$. C'est d'ailleurs ce qu'elle prévoit gagner au cours des sept prochaines années, soit jusqu'à sa retraite définitive. C'est suffisant pour vivre, dit-elle, mais certainement pas assez pour épargner. À la retraite, elle aimerait conserver ce modeste train de vie.

Alors quel plan de match pour Marie?

On entend souvent dire que la retraite doit se construire comme une maison à trois étages, où chacun des étages représente une source de revenus: les épargnes personnelles, les rentes de l'employeur et les rentes gouvernementales. L'addition des trois donne habituellement une bonne retraite. Pour Marie, par contre, pas de rente d'employeur; elle devra donc se débrouiller avec seulement deux étages. C'est plus difficile, certes, mais pas impossible.

Trois scénarios

Pour aider Marie à s'orienter, le planificateur financier Daniel Laverdière, expert-conseil à Banque Nationale Gestion privée, lui a concocté trois scénarios plausibles. Tous lui permettraient d'atteindre ses objectifs de retraite, mais certains sont meilleurs que d'autres. Dans tous les cas, le spécialiste à pris pour hypothèses un coût de vie de 25 000$ par an, un taux d'inflation de 2,25% et un taux de rendement sur les placements de 3,5%.

Dans le premier scénario, Marie commence à toucher ses prestations de la RRQ dès 65 ans. Elles sont estimées à 678$ par mois. Jusqu'à 70 ans, le reste des revenus proviendra d'une combinaison de la pension de vieillesse (PSV) et du supplément de revenu garanti (SRG) du fédéral, ainsi de retraits de ses épargnes non-enregistrés. À partir de 71 ans, elle commencera à décaisser ses REER et son CELI; puisque les retraits REER sont considérés comme des revenus, cela aura pour effet de réduire à presque zéro ses prestations de SRG... qui reprendront lorsqu'elle n'aura plus d'épargne, soit à 86 ans. Si elle choisit cette option, Marie devrait donc dès maintenant utiliser ses liquidités pour maximiser ses REER.

Le deuxième scénario que propose M. Laverdière est sensiblement le même, à la différence près qu'elle décaisse ses REER immédiatement pour qu'ils tombent à zéro au moment de sa retraite dans sept ans. Bien sûr, comme ses revenus seront plus élevés, elle paiera plus d'impôt durant ces années; Daniel Laverdière lui suggère d'injecter graduellement les surplus de revenus dans le CELI... qu'elle utilisera plus tard. Cette stratégie lui permettra de toucher davantage de SRG durant ses vieux jours. Mieux, son capital-retraite survivra jusqu'à ce qu'elle ait 94 ans, soit 8 ans de plus que dans le premier scénario.

Pour ce qui du troisième scénario, il est quelque peu audacieux, en convient M. Laverdière, puisqu'il consiste à prendre le risque de retarder les prestations de la RRQ jusqu'à 70 ans (à plus ou moins une ou deux années). Mais le spécialiste fait valoir qu'avec l'espérance de vie qui augmente continuellement, une femme comme Marie a toutes les chances de vivre encore longtemps. D'autant plus qu'en retardant la RRQ, la bonification accordée par Québec est très intéressante; à partir de 2013, chaque mois que l'on retarde après 65 ans donne 0,7% de bonus. Pour Marie, ses prestations passeraient donc de 678$ à environ 915$, selon les calculs du pro.

«Il ne faut pas toujours se précipiter pour toucher ses prestations de la RRQ; parfois ça vaut la peine de les retarder un peu», dit M. Laverdière.

En combinant cette stratégie avec celle des retraits REER anticipés du deuxième scénario, Marie attendraient aussi ses objectifs... et son capital-retraite ne serait épuisé que lorsqu'elle atteindra l'âge vénérable de 99 ans.