C'est une question qui revient souvent et dont la réponse a déjà été fournie il y a quelques années dans une pub télévisée: est-il préférable de rembourser son hypothèque ou de cotiser dans son régime enregistré d'épargne-retraite (REER)? Pourtant, Colette, de Laval, se la pose elle aussi aujourd'hui. Et elle a bien raison, car les réponses varient selon le contexte économique et la situation financière de chacun.

Celle de Colette est d'ailleurs bien particulière. À 50 ans, elle vient de se séparer et, grâce à la vente de ses parts dans deux propriétés qu'elle détenait avec son ex-conjoint, elle dispose d'une somme de 150 000$. Avec cette somme, elle compte acquérir, avec un ami, une nouvelle demeure et peut-être investir un peu pour sa retraite.

D'ailleurs, elle vient justement de faire une offre sur un duplex, et se demande quelle serait la meilleure stratégie dans les circonstances, soit de mettre un maximum de comptant sur la maison ou d'utiliser les liquidités pour épargner pour ses vieux jours. Elle sait aussi qu'elle devra prévoir une somme à allouer dans son REER pour compenser les 50% de gain en capital qu'elle a réalisé de la vente de la propriété à revenus qu'elle possédait avec son ex.

«Qu'est-ce qui serait le plus avantageux pour moi?», se questionne cette représentante aux ventes, qui se demande combien allouer pour le duplex, les REER ou le compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

Au fil des ans, Colette n'a pas beaucoup épargné. Si bien qu'elle dispose pour environ 50 000$ de droits de cotisation REER non utilisés. Son salaire lui rapporte environ 50 000$ par année. Elle a encore un enfant à charge et un autre majeur, mais encore aux études.

Pour son duplex, elle en est consciente, elle devra aussi allouer une certaine somme pour effectuer des rénovations et l'achat de meubles; pour le moment, elle arrive difficilement à budgéter tout ça.

«J'ai peur de prendre de mauvaises décisions», dit-elle.

Alors que faire?

REER ou CELI?

Tout d'abord, réglons la question du REER ou du CELI. Évidemment, dans un monde idéal, il serait préférable de maximiser les deux, mais, sinon, lequel privilégier? En fait, la logique est simple, explique le conseiller en placements Sylvain Lapointe, qui a analysé le cas de Colette.

«Si vous prévoyez un taux marginal d'impôt plus élevé à la retraite qu'aujourd'hui, il est préférable de privilégier le CELI. Si, au contraire le taux risque d'être plus faible, alors le REER est à favoriser».

Pour la majorité des investisseurs, dit-il, l'impôt risque d'être moins important à la retraite en raison de revenus plus faibles et d'un niveau de vie réduit. Les taux en vigueur au moment de la retraite vont également jouer un rôle important. Il est impossible de les prédire. Toutefois, il est difficile d'imaginer des niveaux d'impôts plus élevés qu'en ce moment! Pour cette raison, dans la situation de Colette, le spécialiste lui recommande de privilégier le REER plutôt que le CELI pour ses investissements à long terme.

REER ou hypothèque?

Maintenant pour l'hypothèque, une vieille croyance veut qu'il soit préférable de se libérer de ses dettes le plus rapidement et d'en avoir le moins possible. Un raisonnement simpliste et inexact, selon M. Lapointe. Tout d'abord, explique-t-il, il faut absolument distinguer les dettes de consommation de celles qui servent à acquérir des actifs qui s'apprécient dans le temps.

«Parlez-en aux entrepreneurs aisés: sans endettement, ils n'auraient jamais pu bâtir leurs entreprises!», dit le conseiller, pour qui une résidence principale ne se classe pas comme un bien de consommation. Pour lui, il est donc justifiable, dans certaines circonstances, d'allouer des surplus à ce type d'endettement, particulièrement dans un contexte de très faibles taux d'intérêt, comme en ce moment.

De plus, avec son revenu annuel de 50 000$ et sa situation familiale, Colette pourrait récupérer en impôt un taux supérieur de 45% sur ses cotisations REER, selon les courbes de Claude Laferrière (www.cqff.com/claude_laferriere/courbes2011/11-courbe-151.pdf).

Ses courbes permettent de calculer le taux d'imposition sur les revenus supplémentaires. Il lui serait même possible de récupérer un taux frôlant les 70% sur une partie de ceux-ci, toujours selon ces courbes.

Pour toutes ces raisons, Sylvain Lapointe lui recommande de minimiser sa mise de fonds sur l'achat du duplex et de maximiser ses REER. D'autant plus que le moment est bien choisi, puisque les marchés boursiers mondiaux offrent des occasions de rendements futurs intéressants en raison des chutes de 30% et plus en 2011.

Combien et comment

Il reste à déterminer de quelle manière allouer les sommes.

Afin d'obtenir un paiement hypothécaire maximum souhaité de 500$ par mois, M. Lapointe a calculé que cette mise de fonds devra être de 69 000$. Dans le but également d'annuler l'effet du gain en capital sur la vente de la propriété à revenu, il faudra compter sur une cotisation REER minimale en 2011 de 37 500$.

Il reste donc 43 500$ (150 000$ moins 69 000$, moins 37 500$). Après un petit exercice budgétaire, Colette a estimé à 26 000$ les dépenses de notaire, pour la taxe de mutation, pour les travaux et l'achat de meubles.

Nous arrivons donc avec un surplus de 17 500$, que le spécialiste lui suggère de placer dans son REER. Et voilà, le tour est joué! Enfin presque. Car Colette n'a pas de fonds d'urgence, et il serait bon d'en constituer un. Ce montant correspond normalement à trois mois de dépenses. Certaines personnes préfèrent le conserver en argent, d'autres sous forme de marge de crédit hypothécaire.

«Dans le cas de Colette, le CELI pourrait être un véhicule de choix pour cette réserve», conclut Sylvain Lapointe.