Avec l'arrivée du géant américain Vanguard au Canada, la concurrence monte d'un cran dans l'industrie des fonds négociés en Bourse. Ces produits d'investissement à frais modiques gagnent sans cesse en popularité. Est-ce que ce sera suffisant pour forcer les sociétés de fonds communs traditionnels à réduire leurs frais de gestion? Rien n'est moins sûr...

Le Canada a la réputation d'avoir les fonds communs parmi les plus coûteux du monde. Mais avec la multiplication des Fonds négociés en Bourse (FNB), les épargnants ont de plus en plus d'options d'investissement à frais modiques. Et ce n'est pas fini. Un nouveau concurrent entre en piste.

Mardi dernier, le géant américain Vanguard a fait ses premiers pas sur les parquets canadiens, en lançant une série de six fonds négociés en Bourse (FNB) dont les frais de gestion sont particulièrement bas.

Les FNB s'échangent comme des actions, par l'entremise d'une firme de courtage. Mais ce sont des paniers de titres qui reflètent la composition d'un indice (boursier, obligataire, etc). Ils permettent de diversifier aisément un portefeuille, un peu comme un fonds commun de placement. Mais contrairement aux fonds communs, les FNB ne sont pas gérés activement par un gestionnaire, ce qui réduit considérablement les frais et augmente, du même coup, le rendement potentiel.

Dans l'univers des FNB, Vanguard est l'un des moins chers. Constituée en mutuelle, Vanguard est détenue par ses fonds, eux-mêmes détenus pas les investisseurs. Tous les profits sont donc retournés à la clientèle, sous forme de réduction de frais.

Au Canada, les nouveaux fonds Vanguard défient la concurrence, avec des frais de gestion annuels de 0,24% en moyenne. C'est quatre fois moins que la moyenne des FNB qui existent déjà au Canada (0,88%). Et c'est presque 10 fois moins que les fonds communs classiques qui dévorent chaque année 2% de l'actif des épargnants.

«Il y a de bons gestionnaires d'actifs au Canada. Mais il est clair qu'il y a place à la concurrence au niveau des frais de gestion qui sont très élevés», affirme Atul Tiwari, directeur général de Vanguard au Canada.

La guerre des points

La concurrence va monter d'un cran avec l'arrivée de Vanguard, une des plus importantes sociétés de gestion au monde, avec des actifs de 1700 milliards. Au Canada, les nouveaux FNB Vanguard ont presque tous les frais les plus bas de leur catégorie.

Le fonds d'actions internationales est celui qui se démarque le plus: le Vanguard MSCI EAFE Index prélève à peine 37 points de base (0,37%) par année en frais de gestion, par rapport à 0,46 points de base pour son plus proche rival, le BMO actions internationales.

Mais c'est le fonds d'actions canadiennes qui est le moins coûteux: les frais de gestion du Vanguard MSCI Canada Index ETF sont de 9 points de base.

Cela signifie qu'un investisseur déboursera seulement neuf dollars pour détenir 10 000$ dans un portefeuille d'actions canadiennes (sans compter les commissions d'achat et de vente ou les honoraires versés au conseiller).

Le même investisseur se ferait gruger 257$ par année dans un fonds commun d'actions canadiennes dont le ratio des frais de gestion s'établit à 2,57% (médiane). À la longue, cela fait une énorme différence.

À 9 points de base, le fonds de Vanguard se compare avantageusement au iShares CDN S&P/TSX 60 Index, le plus gros FNB au Canada, qui est à 17 points de base. Le Horizons S&P/TSX 60 demeure le fonds le moins coûteux au pays, à 7 points de base. Cependant, ce FNB synthétique repose sur des produits dérivés qui comportent un risque de contrepartie, ce qui ne convient pas à tous les investisseurs.

La famille Vanguard est appelée à grandir. M. Tiwari compte lancer d'autres FNB dans des secteurs spécialisés, dans les obligations et dans les actions à dividendes élevés, notamment. Mais il veut garder les choses simples: «Nous ne sommes pas de grand fans de la prolifération de FNB dans toutes sortes de créneaux très pointus», prévient-il.

Beaucoup de concurrents

Vanguard ne craint pas de faire sa place au Canada, même si l'univers des FNB compte déjà beaucoup de concurrents. La famille iShares continue de dominer l'industrie, avec environ 70% des actifs. Mais Claymore, Horizons BetaPro et BMO lui ont ravi des parts de marché.

Et la pression s'intensifie. En septembre, la Banque Royale a lancé une série de FNB d'obligations de sociétés canadiennes.

Invesco PowerShares, une famille en pleine croissance, joue dans les plates-bandes de Claymore. La firme vient d'annoncer le lancement de deux FNB qui reposent sur les indices fondamentaux RAFI qui ont fait la marque de Claymore. De quoi embêter Claymore qui serait à vendre, selon l'agence Bloomberg.D'ailleurs, les fonds Horizons ont été achetés par une entreprise coréenne, le mois dernier. Mais le changement ne devrait pas avoir d'impact pour les investisseurs.

Malgré tout, le marché est loin d'être saturé, considère Vanguard. Les actifs des FNB au Canada augmentent de près de 30% par année, depuis cinq ans. Ils se situent à environ 42 milliards et pourraient atteindre 105 milliards en 2016. C'est relativement peu par rapport à l'industrie des fonds communs de placement qui renferme plus de 770 milliards.

«Les FNB vont prendre des parts de marché aux fonds communs traditionnels au fur et à mesure que les investisseurs réaliseront à quel point leurs frais sont élevés», prédit M. Tiwari.

Les fonds plus gourmands

Est-ce que la popularité grandissante des FNB sera suffisante pour inciter l'industrie des fonds communs traditionnels à réduire ses frais de gestion?

Récemment, la Banque CIBC a diminué les frais d'une douzaine de fonds indiciels. Sa nouvelle série Privilège, dont l'investissement est de 50 000$ minimum, aura des frais de gestion variant entre 0,4% et 0,65%.

Mais c'est l'exception qui confirme la règle, car la tendance est plutôt à la hausse depuis trois ans, constate Christian Charest, de la société d'évaluation de fonds Morningstar Canada.

Parmi les 100 plus importants fonds vendus au Canada, plus de 80% ont haussé leur ratio des frais de gestions depuis 2008, note M. Charest. En moyenne, la hausse se situe à 0,07%. «Une bonne partie de l'augmentation découle de l'application de la taxe de vente harmonisée de l'Ontario», précise-t-il.

Mais certaines familles comme Trimark, AGF et CI ont augmenté les frais de leurs fonds vedette de manière plus substantielle. Ainsi, le fonds Trimark Croissance Sélect a vu son ratio grimper de 0,47%, soit de 2,34% à 2,81%.