Les consommateurs qui obtiennent un jugement de la cour des petites créances ne doivent pas crier victoire trop vite. Faire exécuter le jugement n'est pas gagné d'avance, surtout quand les sociétés condamnées sont dans une autre province ou un autre pays.

Guy Lanthier, de Gatineau, avait un problème avec un ameublement de salon LA-Z-BOY. Outre le fabricant de meubles établi au Michigan, il a poursuivi le détaillant où il avait acheté les canapés (au Québec), la société qui fournissait la garantie prolongée (en Ontario) et l'assureur qui offrait la garantie prolongée sur sa carte de crédit (à Vancouver).

«Je les ai poursuivis les quatre, parce que je voulais être sûr d'en attraper au moins un. Mais avoir su, j'en aurais poursuivi un seul», dit-il.

En août dernier, M. Lanthier a gagné sa cause. Un juge des petites créances a condamné les quatre sociétés à lui verser chacune 1000$, pour un total de 4000$, plus 5% d'intérêts, plus les frais judiciaires «à déterminer».

Rapidement, M. Lanthier a pu se faire payer par les trois sociétés canadiennes. Mais les frais à déterminer lui ont donné du fil à retordre. Il a dû retourner au Palais de justice pour obtenir un document précisant que les frais s'élevaient à 157$, lui permettant de réclamer un autre versement de 39,25$ à chaque entreprise.

Armé de son jugement, M. Lanthier a ensuite contacté le géant américain LA-Z-BOY. Mais personne n'a retourné ses appels et ses courriels. «Comment puis-je récupérer mon argent sans que ça me coûte une fortune?» se demande-t-il.

Réponse courte: il n'y a aucun moyen. Les frais seront certainement plus élevés que le montant en cause.

Lorsqu'une entreprise refuse de payer dans les 30 jours, le consommateur doit s'adresser à un huissier. Les huissiers demandent un dépôt variant entre 200 et 800$ pour s'assurer d'être payés, explique LouisRaymond Maranda, président de la Chambre des huissiers de justice du Québec.

Si l'huissier parvient à saisir des actifs, il ajoutera le montant de ses honoraires ainsi que le coût du bref d'exécution (entre 59$ et 148$) aux sommes saisies. Le client qui a gagné sa cause n'aura donc rien à payer, hormis les frais de gestion du dossier (80$). Par contre, si la saisie tombe à l'eau, le consommateur lésé devra éponger la facture de l'huissier... même s'il n'a pas récupéré son argent.

Notez que les honoraires des huissiers sont encadrés par la loi. Mais pour limiter les frais, les consommateurs devraient favoriser la proximité, dit Me Stéphanie Poulin, directrice des services juridiques d'Option Consommateurs. «Quand l'huissier est installé dans le même secteur que l'individu ou de la société à faire saisir, on limite les déplacements... et les frais», dit-elle.

Mais la situation se corse lorsque la personne ou l'entreprise condamnée est dans une autre province ou un autre pays. Dans ce cas, il faut faire homologuer le jugement, ce qui peut coûter plus de 1000$ en frais d'avocats, avance M. Maranda. Or, ces frais ne sont pas récupérables au moment de la saisie.

Pour des petits montants, ça ne vaut pas la peine d'entreprendre les procédures. «Les gens abandonnent l'exécution de leur jugement», constate M. Maranda.

En Europe, il existe une procédure qui permet d'exécuter plus facilement les jugements rendus dans un autre pays. Mais à l'intérieur du Canada, les jugements prononcés ne sont pas automatiquement applicables d'une province à l'autre. Cela fait en sorte que les consommateurs doivent souvent s'en remettre au bon vouloir des sociétés hors-Québec pour l'exécution de leur jugement.

Est-ce que LA-Z-BOY se plie de bon gré aux jugements rendus contre elle au Canada? Que doivent faire les clients canadiens comme M. Lanthier pour obtenir leur dû sans engager des frais judiciaires aux États-Unis?

L'entreprise n'a pas répondu aux questions formulées par La Presse. Mais quelques jours plus tard, M. Lanthier a reçu un chèque de 1000$ par courrier recommandé.