La plupart des automobilistes ne l'ont probablement pas remarqué, mais leur plein d'essence les mène un peu moins loin, depuis un an.

C'est que depuis le 1er septembre 2010, l'essence vendue au Canada doit contenir au moins 5% d'éthanol. Et depuis le 1er juillet dernier, le diesel et le mazout de chauffage doivent en contenir au moins 2%.

Mais il s'agit d'une moyenne nationale. L'essence peut contenir jusqu'à 10% d'éthanol dans les provinces qui ont des règles plus exigeantes, et moins de 5% au Québec où il n'y a pas de réglementation.

Quant au diesel, la proportion d'éthanol pourrait varier au gré des saisons, car le carburant risque de cristalliser lorsque la température est inférieure à -5 degrés, indique Carol Montreuil, vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers.

Pour les consommateurs, impossible de savoir si leur carburant contient, oui ou non, de l'éthanol et, si oui, dans quelle proportion.

Mais une chose est sûre, l'éthanol ne contient que les deux tiers de l'énergie de l'essence, ce qui nécessite des pleins plus fréquents, dit Raynald Côté, agent de recherche pour le CAA-Québec.

En fait, la densité énergétique de l'éthanol se situe à 19 790 BTU (British Thermal Units) par litre, par rapport à 29 025 à 33 245 BTU pour l'essence, selon le niveau de pureté.

L'écart saute aux yeux lorsqu'on compare la consommation de carburant du même véhicule, selon qu'il roule avec 100% d'essence ou avec du E-85, un mélange qui contient 85% d'éthanol et 15% d'essence.

Prenons une camionnette Ford F150, le véhicule le plus vendu au Canada. Pour parcourir 20 000 kilomètres par année, il faudra 2220 litres d'essence, mais 2980 litres de E-85, selon le Guide de la consommation de carburant 2011. C'est un tiers de plus.

Ceci dit, les véhicules alimentés avec du E-85 ont généralement un gros réservoir, ce qui permet de parcourir la même distance qu'avec un véhicule alimenté avec de l'essence normale, explique Ressources naturelles Canada. Et de toute façon, les véhicules au E-85 ne courent pas les rues au Canada.

Lorsque l'essence contient seulement 5% à 10% d'éthanol, le déficit énergétique est beaucoup moins prononcé.

Selon Ressources naturelles Canada, le carburant contenant 10% d'éthanol produit 97% de l'énergie produite par de l'essence pure. Mais cette lacune est partiellement compensée par une meilleure combustion du mélange éthanol-essence. Au final, l'écart est de seulement 2%.

La différence est minime par rapport à d'autres facteurs, fait valoir le ministère. Par exemple, le fait de rouler à 120 km/h plutôt qu'à 100 augmente la consommation de carburant de 20% en moyenne.

Il n'en demeure pas moins que l'éthanol gonfle d'environ 50$ par année la facture d'un automobiliste type qui met 50$ d'essence par semaine dans son réservoir. «C'est en quelque sorte une nouvelle taxe qui s'applique», fait remarquer Stéphane, un lecteur de La Presse.

Et présentement, l'éthanol ne coûte pas plus cher que l'essence, comme c'était le cas en 2005-2006. À l'heure actuelle, les prix de l'éthanol et du sans plomb sont nez-à-nez, à environ 2,85$US le gallon, selon l'Energy Management Institute's Alternative Fuels Index.

Il s'agit toutefois de prix de gros pour les États-Unis qui ne tiennent pas compte de l'ensemble des frais de transport. Les taxes et les subventions ne sont pas considérées non plus.

Or, l'éthanol est largement subventionné par les gouvernements qui veulent favoriser les carburants renouvelables.

Sauf que les groupes environnementaux remettent en question les bénéfices de l'éthanol de première génération, fabriqué à partir du maïs. Il faut considérer, «l'utilisation des tracteurs nécessaires pour les récoltes ou encore des fertilisants qui peuvent contaminer les cours d'eau et la nappe phréatique ainsi que produire des émissions d'oxyde nitreux (N2O)», indique M. Côté

L'éthanol de deuxième génération, produit à partir de biomasse, aurait de plus grandes vertus vertes. Mais il reste encore des défis importants à relever pour le produire à grande échelle, dit M. Montreuil.