Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-Sébastien Garant, de Sigma Alpha Capital.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

La nouvelle à l'effet que la Chine achèterait des obligations italiennes, par l'entremise d'un important fonds souverain, a certainement attiré mon attention. La réaction du marché a été surprenante. À la Bourse américaine, le Dow Jones a connu une hausse de 2 % dans les minutes qui ont suivi l'annonce. Ça démontre à quel point les investisseurs ont soif de bonnes nouvelles.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Les marchés de l'emploi et de l'immobilier aux États-Unis, ainsi que le discours de la Réserve fédérale américaine (Fed). Ben Bernanke prétend que la Fed a encore des munitions pour assouplir davantage sa politique monétaire, et les marchés sont très sensibles à tout commentaire sur le sujet.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

Pour faire de l'argent à long terme, il ne faut pas être à la merci des marchés. Depuis 10 ans, nous avons eu la bulle des technos au début 2000, la crise du crédit en 2008 et maintenant les problèmes de la dette en Europe. Selon nous, les prochaines années vont être aussi « riches » en crises financières que les dernières l'ont été.

Avec un portefeuille à rendement absolu, comme le nôtre, l'investisseur est en meilleure position pour protéger son capital. Pour éviter les périodes de baisse, le gestionnaire peut, à sa discrétion, rester 100 % en liquidité, ou même aller plus loin et prendre des positions « vendeur » qui permettent de capitaliser sur la baisse de la Bourse.

Présentement, notre portefeuille est en position vendeur sur la Bourse dans son ensemble. Nous sommes positifs pour les marchés émergents asiatiques (Corée du Sud, Taïwan) et sur la Bourse canadienne. Par contre, nous sommes vendeurs sur le Royaume-Uni, les États-Unis, Singapour et Hong-Kong.

À défaut d'avoir accès à un fonds à rendement absolu, j'opterais pour la répartition d'actifs suivante : 70 % encaisse, 15 % marché boursier canadien et 15 % marchés boursiers émergents (Asie et Amérique Latine). Au cours des six prochains mois, je réinvestirais progressivement l'encaisse dans ces deux derniers placements, auxquels j'ajouterais des titres de technologie avec l'indice américain NASDAQ.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Les obligations américaines dont l'échéance se situe entre 10 ans et 30 ans. Peu de gens croyaient que les taux obligataires (10 ans) passeraient sous la barre des 2 %, mais c'est maintenant une réalité. Plusieurs investisseurs continuent de s'y réfugier mais tôt ou tard, la détérioration des finances publiques aux États-Unis pèsera lourd sur ces titres.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Le marasme économique dans lequel la zone euro est plongée. À mon avis, ultimement, les dirigeants européens n'auront d'autre choix que de laisser la Grèce faire défaut sur sa dette. L'alternative, qui consiste à tenter de renflouer les coffres par le biais de mesures d'austérité, n'est pas viable à long terme. Reste à voir si l'échiquier financier mondial sera en mesure d'absorber le choc et ce qu'il adviendra de l'euro.

Jean-Sébastien Garant est vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Sigma Alpha Capital, une firme montréalaise spécialisée en gestion à rendement absolu. La firme gère le produit Macro Global +, dont l'objectif annuel est d'obtenir un rendement entre 5 % et 10 %, indépendamment de la direction des marchés financiers. Les actifs sous gestion de Sigma Alpha Capital s'élèvent à 150 millions.