La Bourse européenne a perdu le quart de sa valeur depuis le début de l'année. Après l'hécatombe, y a-t-il des trésors abandonnés sous les décombres? Peut-être. Mais avec la récession qui gronde et l'euro en péril, le parcours est semé d'embûches.

Depuis le début de l'année, les Bourses européennes ont perdu le quart de leur valeur à cause de l'intensification de la crise de la dette souveraine et des risques d'une nouvelle récession.

L'indice Euro Stoxx, qui est composé des 50 Blue Chips des pays membres de l'Union monétaire européenne, est en baisse de plus de 50% par rapport à son sommet historique de l'été 2007. Il se retrouve presque aussi creux que lors de la crise du crédit, en mars 2009.

Nul doute, les actions européennes se négocient maintenant à prix d'aubaine. Les actions y sont moins chères que dans les autres régions du monde et moins chères que leur propre moyenne historique, observe Alex Bellefleur, économiste financier pour la firme de courtage Brockhouse Cooper.

Trop baissé?

Est-ce que l'Europe a trop baissé? Non, répond-il. «Les actions ont l'air bon marché, mais c'est une attrape. Je ne pense pas que c'est le temps d'acheter. Il vaut mieux cristalliser ses pertes et aller investir ailleurs», dit M. Bellefleur qui redoute une autre baisse de 20 à 30%.

Mais d'autres financiers recommencent à se mouiller en Europe. «Pour faire de l'argent à la Bourse, il faut aller jouer dehors quand il pleut», illustre Jean-Paul Giacometti, gestionnaire de portefeuille chez Claret, qui vient de racheter des actions de sociétés européennes, à rabais.

«Il va peut-être continuer de pleuvoir, dit-il, mais je ne pense pas que ce sera le déluge, pas au point où la Bourse est rendue, pas avec des taux d'intérêt presque à zéro.»

N'empêche, les investisseurs doivent rester sur leurs gardes. «Les marchés européens ne sont pas chers, mais je pense qu'on va rester dans une zone de turbulence extrême au cours des prochaines semaines», prévient Pierre Chapdelaine, qui gère les fonds IA Clarington de valeur mondiale et IA actions internationales.

Déjà, les marchés sont la proie de soubresauts quotidiens très violents. Par exemple, l'action de la plus grande banque de France, BNP Paribas, a chuté de 11% mercredi, sur une rumeur à propos de ses difficultés à se procurer des liquidités en dollars américains, avant de rebondir de 21% en fin de séance.

Échec et mat pour l'euro

Il faut dire que l'Europe fait face à des problèmes structurels. La Grèce, qui croule sous les dettes, risque de tomber en défaut de paiement, ce qui entraînerait des pertes considérables pour les banques européennes qui lui ont fait crédit.

«Nous sommes d'avis que la Grèce doit réduire sa dette d'au moins 55%. Le Portugal aussi sera aussi forcé de faire défaut. Et nous avons de sérieux doutes quant à l'Italie et l'Espagne», dit M. Bellefleur.

Quand un pays fait faillite, la Bourse en a pour longtemps à souffrir. «L'histoire démontre que le creux boursier survient après, et non pas avant, le défaut de paiement», indique M. Bellefleur.

Lorsque l'Argentine a fait défaut, il a fallu attendre longtemps avant que la Bourse locale touche le fond du baril. Un peu comme la Grèce l'a fait cet été, l'Argentine avait conclu un accord pour restructurer sa dette en juin 2001. Mais par la suite, les actions ont plongé de 75%, atteignant leur creux six mois après le défaut de paiement du pays.

Si l'on se fie à l'exemple argentin, la Grèce n'est pas au bout de ses peines. Le pays pourrait même être obligé de revenir vers son ancienne devise, le drachme, qui serait entraînée vers le bas. Une plaie pour toutes les entreprises étrangères dont les filiales et les actifs en Grèce seraient dévalorisés.

Et même si la Grèce réussit à s'en sortir, l'euro risque d'être malmené. La récession gronde en Europe. La Banque centrale européenne pourrait devoir baisser les taux d'intérêts. Et l'euro pourrait fondre à 1,20$US, ce qui ferait perdre plus de 10% aux investisseurs nord-américains, estime M. Chapdelaine.

En même temps, une récession ferait souffrir les sociétés cycliques en Europe (industrielles, matériaux, etc.). Leurs actions en pâtiraient.

Les investisseurs étrangers recevraient alors une double gifle: une perte de change d'un côté, une perte en capital de l'autre.

Trésors cachés

Mais il est possible d'esquiver la baisse de l'euro en investissant dans des sociétés européennes qui sont naturellement protégées contre les fluctuations de la devise, dit M. Giacometti.

Il s'agit de grandes sociétés exportatrices qui réalisent leurs revenus en devises étrangères. Quand leur devise locale chute, la valeur de leur action grimpe.

On a vu cet effet de compensation automatique, il y a deux semaines, lorsque la Suisse est intervenue pour limiter la hausse de sa devise. Le franc suisse a chuté de 9%. Le même jour, le titre de Nestlé a grimpé de 4% alors que le reste de la Bourse fondait d'environ 1,5%.

D'autres exemples? Une société comme Heineken, qui exporte sa bière dans différents marchés, profiterait d'une faiblesse l'euro. De plus, les sociétés brassicoles sont assez défensives dans un contexte de récession, indique M. Chapdelaine.

«Si l'euro continue de s'affaiblir, on peut regarder vers l'Allemagne ou les pays scandinaves qui comptent beaucoup de sociétés qui exportent de la machinerie en Asie», ajoute-t-il.

Pour sa part, M. Giacometti vient d'acheter des actions du Groupe Delhaize. Le distributeur alimentaire belge exerce 70% de ses activités aux États-Unis. Son ratio cours-bénéfices de 7,7 est 20% inférieur à celui de ses concurrents américains.

M. Giacometti a aussi acheté des actions de Vivendi. Le chef de file mondial de la musique verse un dividende de 8,5%. «Il y a des risques que le dividende soit réduit», dit le gestionnaire. Mais à un ratio de 6 fois les bénéfices, c'est un risque calculé.