La retraite, Gilles, de la Rive-Sud, y songe depuis un bon moment. En février, lorsqu'il a quitté son employeur de longue date pour se lancer à son compte, il s'était dit qu'il travaillerait dur pendant quelques années, le temps d'accumuler assez de capital pour ranger ses crayons pour de bon. Mais là, après quelques mois à ne plus compter les heures, il estime que le temps est arrivé.

«Dans un an, un an et demi max, j'aimerais tout arrêter», dit ce gestionnaire en informatique de 55 ans.

Sa femme, Ginette, l'appuie dans son objectif. Oh, elle est bien consciente que son homme soit présentement dans ses meilleures années de revenus, mais elle le trouve fatigué et se demande si ça vaut vraiment la peine de travailler autant. Elle aimerait le voir plus souvent à la maison, elle qui est retraitée depuis trois ans.

Mais en ont-ils les moyens?

C'est drôle à dire, mais Gilles n'a pas de plan particulier pour ses vieux jours. Pas d'escapade en voilier, aucune intention d'ouvrir une pâtisserie, ni de faire le tour du monde. Juste quelques voyages à l'occasion et profiter du chalet durant une quinzaine d'années, voilà ce qu'il a en tête.

«Une vraie retraite pé-père!», dit-il.

Il n'empêche, retraite pépère ou pas, Gilles a mille et une questions en tête. Il se demande à quel âge exactement il pourra arrêter. Et de combien de capital accumulé il aura besoin pour maintenir le train de vie de son couple.

«Quelle est la meilleure stratégie pour atteindre cet objectif?», se demande-t-il.

Bonne situation

Côté finances, le couple est bien positionné. Les revenus de Gilles (rente et retraits de placements) sont d'environ 54 000$ après impôts. Son entreprise génère aussi 150 000$ par année, après impôts. Quant à Ginette, elle touche une rente annuelle de 40 000$, aussi après impôts.

En actifs, Gilles a pour 182 400$ en REER, 239 000$ dans un CRI, 18 600$ dans un CELI, 246 800$ en placements non enregistrés et 34 800$ dans son entreprise. Ginette, elle, possède 34 000$ en REER et 10 500$ dans un CELI. Le couple est également propriétaire d'une maison de 350 000$ et d'un chalet d'une valeur de 100 000$.

En passifs, pas grand-chose, à part une marge de crédit hypothécaire de 150 000$, qui sert exclusivement aux investissements; les intérêts sont donc déductibles d'impôt.

Pour maintenir leur train de vie à la retraite, Gilles et Ginette devront générer environ 6500$ par mois. Actuellement, la rente de Ginette en pourvoit déjà la moitié. Leurs placements, la petite rente de Gilles, les prestations gouvernementales et l'équité sur les résidences devront donc contribuer au reste, soit environ 3250$ par mois.

Possible? Oui, estime le planificateur financier Éric. F. Gosselin. «Mais ils devront faire quelques ajustements, sinon ils vont manquer de fonds», dit-il. Gilles, notamment, devra travailler encore quelque temps. Il ne pourra pas, comme le souhaite Ginette, arrêter tout de suite.

En effet, en se basant sur l'ordre simple d'encaissement à la retraite (CELI, placements, REER-CRI), une prise immédiate de la retraite signifie un manque de revenus à partir de 75 ans, a calculé le spécialiste, qui a pris comme hypothèses un rendement sur les placements de 5%, et un taux d'inflation de 2,25%.

Jusqu'à 75 ou 81 ans

Vrai, en optimisant, année après année, les sources de revenus pour minimiser l'impôt, on peut étirer de quelques années le revenu pour couvrir jusqu'à 76 ou 77 ans. Par exemple, il pourrait être avantageux fiscalement d'encaisser une partie des REER avant l'âge de 65 ans, lorsque les prestations gouvernementales vont commencer, ce qui entrainera des revenus imposables plus élevés. Ou encore, le simple fait d'équilibrer les revenus de retraite à partir de ceux de Ginette - plus élevés que ceux de Gilles - permet d'abaisser le niveau d'imposition du couple et de l'impact d'un retrait de capital d'un type de compte par rapport à un autre.

Un autre scénario serait de vendre le chalet dans 15 ans, comme prévu. Dans ce cas, ils devront envisager d'utiliser la marge de crédit hypothécaire à partir de 75 ans pour combler le manque de revenu.

«Ce n'est pas un crime, la maison, c'est du capital comme un autre. On accumule au début, et on utilise le capital au besoin», explique Éric F. Gosselin. L'utilisation de la marge de crédit hypothécaire permet au couple de continuer à vivre dans leur résidence s'ils le désirent et, au moment de la vente, rembourser la marge, tout en continuant à se loger avec le solde du produit de la vente.

Mais la meilleure solution demeure le report de la retraite. Pas très longtemps en fait, juste un an, comme le souhaite d'ailleurs Gilles. Car la clé réside dans son entreprise de consultation qui, rappelons, génère 150 000$ de profits par année, après impôts.

Selon les calculs de M. Gosselin, l'accumulation de capital générée par cette année supplémentaire de travail permettra au couple de ne pas manquer d'argent avant 81 ans. Comment? Tout simplement en étalant le revenu de l'année de plus sur les cinq premières de la retraite.

C'est six ans de revenus de retraite de plus que l'année supplémentaire permet d'obtenir! Alors, un dernier petit effort, Gilles...