Les automobilistes qui optent pour l'assurance de remplacement, au lieu d'une protection valeur à neuf, font carrément fausse route s'ils utilisent leur véhicule à des fins commerciales.

Cette mauvaise décision peut leur coûter des dizaines de milliers de dollars si leur véhicule est déclaré perte totale. C'est ce qui a bien failli arriver à Roland Lévesque qui a dû porter sa cause devant le tribunal pour récupérer ses 39 000$.

«On a eu notre argent, mais pas au complet», dit M. Lévesque qui a versé presque le quart du montant à son avocat. «Et ça pris trois ans. C'est long. Parfois, je me levais la nuit pour aller fouiller dans mes papiers», raconte-t-il.

Revenons au point de départ. En 2003, M. Lévesque cherche un camion pour faire son travail de livraison de courrier. Il achète un Ford F-350 chez le concessionnaire dont il est client depuis 43 ans.

Pour lui, il est primordial que le camion soit couvert par une assurance valeur à neuf qui lui permet d'obtenir un autre véhicule neuf, en cas de perte totale. Avec son assureur, cette protection coûte 1500$ pour 5 ans.

Mais la directrice commerciale du concessionnaire le convainc d'opter pour une garantie de remplacement (l'ancêtre de l'assurance de remplacement). Elle l'assure que cela lui procurera la même couverture, mais à un prix plus avantageux, soit 1127$. M. Lévesque accepte.

En 2008, il se fait voler son camion qui est ensuite retrouvé et déclaré perte totale. Il réclame 39 000$ pour la garantie de remplacement. Mais, surprise, le concessionnaire refuse de payer, parce que le client utilisait son véhicule pour son travail.

Cette exclusion est inscrite en petits caractères au verso du contrat de la garantie... que M. Lévesque avait signé sans le lire au complet. Il s'était fié sur la directrice commerciale qui lui avait dit que la garantie de remplacement, c'était la même chose qu'une valeur à neuf.

Elle savait fort bien qu'il utiliserait son camion pour le travail. M. Lévesque l'avait répété à maintes reprises pendant les négociations. Sa femme qui l'accompagnait a pu en témoigner.

De plus, la directrice commerciale s'est occupée elle-même de faire immatriculer le camion qui est doté d'une plaque débutant par la lettre «F» destinée aux véhicules commerciaux.

En cour, la directrice commerciale a donné une autre version des faits. Elle a prétendu que le client lui avait dit qu'il souhaitait utiliser le camion pour faire du camping (loisir qu'il n'a jamais pratiqué). Et elle a dit qu'elle avait averti M. Lévesque de ne pas utiliser son camion pour son travail, sans quoi la garantie serait nulle.

Mais si le client avait été bien informé de l'exclusion, pourquoi aurait-il a accepté de payer la prime en sachant qu'il n'aurait jamais droit à la protection?

«Si le demandeur avait correctement été informé des exclusions de la garantie, il n'aurait pas fait l'acquisition de cette garantie de remplacement et aurait fait l'acquisition d'une assurance valeur à neuf», a tranché le juge Guy Ringuet qui a cru la version de M. Lévesque.

Le juge a considéré que la directrice commerciale avait fait des représentations trompeuses en passant sous silence un élément important du contrat. Dans ce contexte, le fait que M. Lévesque n'ait pas pris le temps de lire les clauses en petits caractères avant de signer son contrat devient une erreur excusable.

Plusieurs autres automobilistes coincés dans la même situation ont réussi à obtenir gain de cause en réussissant à prouver que le concessionnaire les avait induit en erreur ou mal informé des exclusions de la garantie de remplacement, explique Vanessa Myre Leroux, avocate à l'Association pour la protection des automobilistes (APA).

Mais bien d'autres se découragent, dit l'avocate. Ils ne vont même pas en cour parce qu'ils n'ont pas de preuve ou de témoin.

Nouveau départ

Il y a un an, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a fait le grand ménage dans les garanties de remplacement qui se trouvaient dans un vide réglementaire. Pourtant, l'industrie était loin d'être négligeable, avec 100 000 garanties par année au Québec procurant un chiffre d'affaires de près de 100 millions de dollars aux concessionnaires.Désormais, c'est l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui surveille l'assurance de remplacement. Le contrat a été standardisé, mais prévoit toujours certaines exclusions, notamment pour les véhicules à usage commercial.

De plus, les concessionnaires doivent remettre un guide de distribution pour mieux informer les consommateurs des exclusions, des modalités de réclamation, etc.

«Mais je vois encore certaines incompréhensions. Je suis convaincue que certains clients ne savent pas exactement ce qu'ils achètent», dit Mme Myre Leroux.

Récemment, elle a vu plusieurs personnes assurées en double, avec à la fois une assurance de remplacement et une valeur à neuf. Ils paient deux primes, mais ne pourront pas être indemnisés en double.

Autre amélioration à souligner: au moment de l'achat d'une assurance de remplacement, les consommateurs peuvent choisir de recevoir un montant en argent, plutôt qu'un véhicule neuf, en cas de perte totale. «Je me demande pourquoi les gens ne choisissent pas de prendre l'argent», dit Mme Myre Leroux.

Cela éviterait bien des problèmes. Quand le modèle n'existe plus, il y a toujours des frictions avec le concessionnaire s'il choisit de fournir un modèle inférieur.