«Mes parents sont mariés, mais séparés involontaires», relate Carole.

Sa mère, frappée de sénilité, a dû être admise en résidence en 2006. Son père, touché à son tour, a quitté le domicile familial pour une autre résidence en 2008.

Carole détient pour son père un mandat d'inaptitude. Le seul bien de son père est un duplex qu'il avait hérité de sa propre mère en 1984, situé sur le Plateau Mont-Royal. Les parents de Carole occupaient le logement du rez-de-chaussée.

«Ma mère est devenue démente avant de rédiger un mandat», expose Carole. Fille unique, elle attend la confirmation qu'on lui accorde la curatelle.

Les logements du duplex sont présentement loués à bas prix. L'immeuble est âgé, demande beaucoup d'entretien, et Carole doit payer la facture de mazout du chauffage central.

«J'ai dû prendre une petite hypothèque de 60 000$ pour m'aider à payer 40 000$ pour l'hébergement de ma mère», indique-t-elle.

Elle se demande si elle doit vendre le duplex ou attendre le décès de son père, et elle s'inquiète de l'impact fiscal de la vente.

«Pour moi c'est un poids de plus, une responsabilité, des coûts, explique-t-elle. L'immeuble ne rajeunit pas. Et surtout je ne sais pas si, une fois la curatelle pour ma mère accordée, je serai en mesure de payer pour les besoins de mes parents sans avoir à toucher au duplex...»

Deux régimes de protection

L'avocate Michelle Laplante-Rousseau, directrice de comptes, Fiducie et succession, au Trust Banque Nationale, a d'abord démêlé quelques fils de l'écheveau.

Carole est la représentante légale de ses deux parents, mais chacun en vertu d'un régime de protection distinct, explique la juriste.

Son père avait rédigé en bonne et due forme devant notaire un mandat en cas d'inaptitude, dont Carole était la mandataire désignée.

«Un tel acte bien rédigé comporte normalement des pouvoirs étendus en faveur du mandataire, ce qui lui permet ainsi de prendre toutes décisions en matière financière jugée pertinente tout comme si elles étaient prises par le mandant lui-même», décrit Me Laplante-Rousseau.

La mère de Carole, de son côté, n'avait pas pris cette précaution avant de devenir inapte. C'est alors un régime de curatelle qui s'installe, selon les prescriptions du Code civil. Pour les décisions d'ordre financier, le curateur a beaucoup moins de liberté d'action que dans le cas d'un mandat en cas d'inaptitude.

«Le curateur doit notamment produire un inventaire des biens, soumettre un rapport annuel au Curateur public du Québec qui est responsable de la supervision de son administration et investir les avoirs dans des placements autorisés par le Code civil», rappelle la juriste.

Pour l'instant, les maigres actifs de la mère dans un compte bancaire ne posent pas de défis de gestion. Mais si le père de Carole décédait avant sa mère, une situation nouvelle surgirait, avec quelques incertitudes.

«La mère sera-t-elle légataire de tous les biens de son conjoint ? pose Me Laplante-Rousseau. Sinon, quels seront ses droits dans le régime matrimonial des époux et le partage du patrimoine familial ?»

Une chose est sûre, le duplex a été acquis par héritage, et se trouve par conséquent exclu du patrimoine familial.

Tant que son père est vivant, Carole peut donc en disposer selon son bon jugement, dans le meilleur intérêt de son père, et dans le respect des responsabilités de celui-ci envers sa conjointe.

Ce qui nous mène à la question suivante: Carole doit-elle vendre la propriété?

Pour l'instant, le duplex génère peu de revenus en regard des dépenses qu'il exige. Le conserver pour profiter d'une appréciation de sa valeur ? Le Plateau Mont-Royal est un quartier en demande, mais rien n'assure que la croissance des dernières années se poursuivra.

«Par ailleurs, les besoins des parents sont immédiats et la responsabilité de Carole est bien d'assurer leur confort et leur bien-être», énonce notre avocate.

En somme, Carole serait bien avisée de vendre l'immeuble et de confier le résidu de la vente à un conseiller en placement compétent, afin de concentrer son attention sur les besoins de ses parents.

Mais Carole s'inquiète de ce qu'une part importante du bénéfice disparaisse dans l'impôt sur le gain en capital qu'il faudrait alors acquitter. Pour la rassurer, Me Laplante-Rousseau a fait une petite simulation. En supposant que le duplex ait valu 100 000 $ quand le père de Carole en a hérité, et qu'il vaille aujourd'hui 600 000 $, le gain en capital s'établirait à 500 000 $.

À l'exception de la période où le logement familial aura été loué, au moins la moitié de la propriété serait considérée comme résidence principale, et à ce titre exemptée de l'impôt sur le gain en capital. Resterait donc une plus-value approximative de 250 000 $, sont 50% serait soumise à l'impôt. Avec un taux marginal d'imposition de 48,22 %, la facture fiscale s'établirait à 60 275 $.

Peut-être cet impôt serait-il encore réduit si le père de Carole avait profité de l'exonération de gain en capital offerte en 1994. À vérifier avec un comptable...

Notre conseillère prodigue un dernier conseil: «Carole doit veiller à ce que la gestion de ses dossiers soit traitée distinctement, dit-elle. Trois entités sont en jeu: le père, la mère et elle-même.»