Sylvie est inquiète. Elle sait qu'elle héritera sûrement de la maison de sa mère. «Je veux être certaine de ne pas faire de faux pas qui m'amèneraient à payer plus d'impôts qu'il ne faut, le cas échéant, explique-t-elle. J'aimerais aussi savoir ce qui m'attend financièrement à cause de ce legs.»

En voici la petite histoire.

La mère de Sylvie a acheté un duplex à Montréal en 1981 pour 100 000$. Sylvie a loué le logement du rez-de-chaussée de 1981 à 1990. Elle a alors acheté la moitié de la propriété à sa mère. «La valeur marchande du duplex, selon un évaluateur agréé, était de 191 000$», précise Sylvie. Elles se partagent depuis l'immeuble en parts égales, en copropriété indivise. Chacune en occupe un logement.

«À son décès, ma mère me léguera sa partie de la copropriété indivise, explique Sylvie. Ses autres liquidités iront à mes frères.» Elle estime la valeur actuelle de la propriété à 425 000$.

Mais sa mère entrera bientôt en résidence pour personnes âgées. Tous ces événements, prochains ou plus lointains, soulèvent pour Sylvie plusieurs questions préoccupantes.

Le conseiller en fiscalité Simon Beauchemin, du Mouvement Desjardins, les a abordées une à une. Suivons-le.

«Devrai-je payer l'impôt sur le gain en capital, puisque ma mère me lègue ce 50% de la propriété qui est en fait sa résidence principale?», demande Sylvie.

Simon Beauchemin rappelle d'abord que la maman de Sylvie, quand elle a vendu à sa fille la partie locative de son immeuble, a dû acquitter l'impôt sur le gain en capital réalisé sur ce logement entre 1981 et 1990.

Toutefois, «elle a pu profiter de l'exemption pour gain en capital qui pouvait atteindre 100 000$ pour les biens vendus entre 1985 et 1994», précise le conseiller.

Mais la situation est différente pour le logement que la maman occupe depuis l'achat de la propriété en 1981, et qu'elle léguera à sa fille à son décès. Il constitue depuis 1981 sa résidence principale et, à ce titre, bénéficie d'une exemption pour le gain en capital. Si la maman décède alors qu'elle habite son logement, «il n'y a aucun impôt à payer», résume Simon Beauchemin.

«Advenant le cas où ma mère déménageait dans un CHSLD et que je sous-louais son appartement pour payer ses frais de résidence, est-ce que son appartement deviendrait une propriété locative?», demande encore Sylvie.

C'est le cas en effet, ce qui soulève pour Sylvie une question sous-jacente: cet appartement serait-il dès lors assujetti à l'impôt sur le gain en capital au moment du décès de sa maman?

En fait, tout dépend de la période qui sépare le moment où la maman quitte son logement et son décès. «Malgré le changement d'usage, elle pourra profiter de l'exemption pour résidence principale durant les quatre premières années de location», énonce notre conseiller.

Si la vente ou le décès survenait durant ces quatre premières années, le gain en capital réalisé jusqu'alors serait exempté d'impôt.

«Cette possibilité est offerte à la condition de ne pas réclamer d'amortissement à l'encontre des revenus de location», ajoute Simon Beauchemin.

«Le gain en capital serait-il calculé à partir de 1981 ou de 1990? Ou le serait-il à partir du moment où le logement est loué?», se questionne aussi Sylvie.

En principe, le gain en capital est calculé à partir du moment où la propriété n'est plus considérée comme résidence principale, dans notre cas dès lors que l'exemption de quatre ans a pris fin.

Si le décès ou la vente survient après la fin de la période de quatre ans, le gain en capital est calculé à partir de la fin de cette période.

«Est-ce que ma mère peut résider en CHSLD et maintenir son logement dans notre duplex comme étant sa résidence principale?», s'interroge Sylvie.

Là, ça ne marche plus. Pour profiter de l'exemption d'impôt sur le gain en capital de quatre ans, il faut occuper l'appartement ou le louer durant cette période.

«Aurais-je avantage à acheter le logement de ma mère maintenant?», demande Sylvie.

Mauvaise idée. Le logement de sa mère deviendrait dès lors un logement locatif. Toute plus-value réalisée sur ce logement depuis son achat par Sylvie serait alors soumise à l'impôt sur le gain en capital. «Si sa mère le lui donne plus tard ou le lui lègue à son décès, le coût fiscal serait établi selon la juste valeur marchande à ce moment», indique Simon Beauchemin.

Il rappelle que toute transaction entre personnes apparentées sera considérée pour l'impôt à la juste valeur marchande du bien, que cette transaction soit un don effectué du vivant ou un legs au décès. Ce problème se posera notamment pour un immeuble locatif qui ne serait pas une résidence principale.

«La désignation pour une résidence principale dans un rapport d'impôt est plus large que la maison que l'on habite généralement, ajoute le conseiller. Ce peut être un chalet ou un condo en Floride. L'important est que ce soit un logement qu'on n'a jamais loué à des locataires.»

Une seule propriété peut être désignée comme résidence principale pour une année donnée, et une seule par couple. Elle peut être occupée de façon occasionnelle. «On n'a rien à dire à l'impôt tant qu'on ne vend pas le premier des deux immeubles», précise Simon Beauchemin. Le choix est habituellement effectué en fonction du gain en capital réalisé sur l'une ou l'autre propriété.

Mais, pour l'instant, Sylvie n'a pas à se faire du mauvais sang avec le gain en capital.

Sylvie a acheté en 1990 le rez-de-chaussée du duplex de sa mère, qu'elles se partagent depuis en copropriété indivise. Sa mère entrera bientôt en résidence, et elle prévoit léguer à sa fille sa part de l'immeuble. Les revenus de location aideraient à défrayer le loyer de la résidence. Sylvie s'inquiète du gain en capital à payer.

LES FAITS

La maman achète son duplex en 1981.

Prix payé : 100 000 $

Sylvie achète le rez-de-chaussée en 1990.

Valeur marchande du duplex en 1990 : 191 000 $

Sa maman pourrait entrer prochainement en résidence.

Valeur marchande en 2011 : 425 000 $

L'OPINION

Bien que la maman quitte son logement, l'exemption sur le gain en capital pour résidence principale s'étire encore pendant quatre ans, pourvu que le logement soit mis en location. S'il y a ensuite don, vente ou legs de l'appartement, le gain en capital ne sera calculé qu'à partir de la fin de cette période de quatre ans.