C'est un arc de cercle de 60 degrés qui a émancipé Xyrä.

Xyrä est une structure de jeu extérieure tout en tubes contournés. En 2007, le fabricant de Québec Jambette Évolujeux en avait confié la conception au designer industriel Marc Boudreau.

Son mandat: «Concevoir un produit qui s'inscrirait dans une nouvelle tendance sur le marché, celle de faire des jeux sans plateforme», décrit Guy Caron, copropriétaire et directeur de l'innovation chez Jambette.

Il fallait un jeu de forme inhabituelle, «très grimpeur, très physique, parce qu'on parle beaucoup de l'inactivité chez les jeunes et on voulait leur offrir des produits qui offrent du défi et de l'intérêt», explique-t-il.

L'inspiration peut jaillir des sources les plus incongrues. Un hochet par exemple. Celui qui a attiré l'attention de Marc Boudreau, à la maison, était constitué de petits tubes recourbés, comme des macaronis assemblés bout à bout jusqu'à former une boucle aux segments articulés. Le designer a aussitôt eu la vision d'une structure faite de sections de tubes d'aluminium, cintrées sur un arc de cercle de 60 degrés et aboutées pour former des courbes composites.

«C'était la flamme de départ, raconte-t-il. Quand je suis arrivé avec cette idée chez Jambette, on s'est mis à rêver.»

Sur son écran d'ordinateur, le designer formé au cégep de Sainte-Foy s'est amusé à multiplier les assemblages. «J'ai découvert des choses qui me surprenaient moi-même», dit-il. Selon le degré de rotation à la rencontre des tubes, il pouvait produire des spirales déconcertantes à partir d'éléments parfaitement identiques.

Sur ce principe, il a conçu une série de pattes dotées de fonctions spécifiques: escaliers, échelles, grimpoirs...

Il a ajouté des parois d'escalade, des barres d'équilibre, des tourniquets...

«Je voulais le plus de fonctions différentes, observe Marc Boudreau. Plus il y a de fonctions, plus ça donne de la valeur au jeu.»

Le corps du jeu, où s'attachent les pattes, est formé d'une cage en plaques d'aluminium soudées. Elle est recouverte de pièces moulées en résine de polyester, qui lui procurent une carapace arrondie, dont la forme est inspirée d'un réservoir de moto. Marc Boudreau a profité de ce procédé de moulage basse pression pour introduire à la surface de cette carapace de petites dépressions en bas-relief, aux formes de pièces de vélo, d'outils, d'insectes, comme des fenêtres ouvertes sur les entrailles du monstre, et ajoutant à son mystère.

La tête, qui incorpore des lumières DEL, est fabriquée selon le même principe.

Ces pièces de résine sont produites par un fabricant de la région de Québec, dans un matériau du même type que celui dont on fait les prises de mur d'escalade, avec une petite touche secrète qui lui procure sa texture rocheuse... ou de météorite.

«Ça a été un défi technique important, constate Guy Caron. Même les spécialistes dans le domaine des jeux se demandent en quoi elle est faite.»

Et tout cela forme un dinosaure? Une machine extraterrestre? Un insecte géant? On s'interroge, on doute... et on ne veut pas de certitude. Il s'agit de laisser flotter suffisamment d'ambiguïté pour que l'imagination de l'enfant puisse animer cette structure à sa guise.

Cette évocation informelle contraste avec les jeux beaucoup plus directifs des concurrents américains. «Ils font de gros dinosaures ou de gros dragons qui donnent l'impression de sortir de bandes dessinées», indique Marc Boudreau.

C'est ce qui distingue Jambette et lui procure sa réputation d'entreprise d'inspiration européenne.

Sur le site internet de Marc Boudreau, deux ou trois images de structures de jeu colorées se mêlent aux concepts de meubles aux lignes fermes et rationnelles, qui occupent 80% de ses activités. «J'ai travaillé sur ce projet pendant deux ans et ç'a vraiment été du plaisir, confie-t-il. Je ne pourrais jamais m'éclater autant si je ne travaillais que dans le meuble.»

Xyrä en témoigne.