Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Denis Durand, de Jarislowsky Fraser.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

La volatilité excessive s'est poursuivie dans le secteur des ressources naturelles. Cela découle de l'évolution des problèmes de dettes souveraines en Europe, ainsi que du conflit entre les républicains et les démocrates qui n'arrivent pas à s'entendre à propos du plafond de la dette aux États-Unis.

Tout cela fait en sorte qu'il y a une perception que les taux d'intérêt pourraient monter, ce qui rend les spéculateurs plus nerveux. Depuis le début de la reprise, en 2009, plusieurs ont emprunté afin de spéculer sur le prix des matières premières, comme l'or et les métaux. En ce moment, 43% de la demande pour l'or vient du secteur financier, par rapport à 15% en temps normal.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

C'est le règlement du contentieux à propos du plafond de la dette américaine qui attire mon attention. Les démocrates prétendent qu'il faut le relever, alors que les républicains veulent s'occuper tout de suite du déficit, et le relever plus tard. Si les partis ne s'entendent pas, le gouvernement ne pourra faire autrement que de réduire dans les dépenses: sécurité sociale, Medicare, etc.

La date fatidique approche. En juin, la dette américaine aura atteint le plafond de 14 300 milliards US. Les observateurs demeurent optimistes et croient toujours qu'il y aura une entente. Mais les marchés obligataires sont de plus en plus nerveux: ils craignent que cela fasse grimper les taux d'intérêt. D'ailleurs, le volume de transactions et le prix des CDS (ndlr: les Credit Default Swaps sont une forme de police d'assurance) ont bondi depuis quelques jours.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Je garderais de 25% à 30% en encaisse et j'investirais le reste dans quatre ou cinq entreprises solides qui versent des dividendes élevés de 3 ou 4%. Je choisirais deux sociétés au Canada, par exemple Rogers Communications, qui a une belle croissance dans le câble et la téléphonie mobile et qui verse un dividende de presque 4%. Et je choisirais trois sociétés américaines et étrangères comme Sanofi, Vodafone et PepsiCo.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

J'éviterais de spéculer sur un tas de petites sociétés minières en phase d'exploration qui n'ont aucun revenu ni aucun profit. Leur phase d'expansion boursière est passée. Leurs actions seront les premières à souffrir si les taux d'intérêt remontent. Il vaut mieux prendre des profits.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Du côté positif, je crois que les marchés sous-estiment la continuité de la croissance des bénéfices des entreprises. L'an dernier, les investisseurs ont été surpris par l'augmentation de 27%, alors qu'ils prévoyaient seulement 12% au début de 2010. Maintenant, ils se disent que ça ne peut pas se reproduire. Mais nous croyons que les bénéfices pourraient augmenter de 12% encore cette année, alors que certains s'attendent à seulement 3 ou 4% de hausse.

Du côté négatif, je pense que les problèmes de dettes en Europe vont créer des soubresauts pour encore 18 à 24 mois, ce qui amènera de la volatilité sur les marchés. Quand les problèmes de la Grèce sont survenus en 2010, on disait déjà que ça prendrait au moins trois ans avant que la situation se calme.

Denis Durand travaille depuis plus de 25 ans pour la firme de gestion Jarislowsky Fraser, dont il est associé principal. Fondée en 1955, la firme montréalaise gère des actifs de 48 milliards pour des clients institutionnels, des personnes fortunées ainsi que le grand public avec une famille de trois fonds communs à frais modiques.