Les sites web d'enchères à un sou font miroiter des aubaines sensationnelles : un iPhone pour 2,70$, une console Wii pour 98 cents, une chaîne stéréo pour 51 cents... Mais ce n'est qu'un leurre. «Tenez-vous loin de ça», conseille Me Dominique Gervais, avocate chez Option consommateurs.

Contrairement aux enchères classiques comme sur eBay où les mises sont gratuites, les sites d'enchère à un sou font payer pour chaque mise. Les participants peuvent engloutir énormément d'argent, sans jamais rien gagner.

Les internautes ouvrent d'abord un compte, donnent leur numéro de carte de crédit, et achètent des jetons qui portent des noms loufoques comme picsous, pinottes ou bidous.

Généralement, chaque jeton coûte 1$ et permet de miser une fois. Chaque mise fait grimper le prix de l'article de 1 ou 2 sous et relance le chronomètre pour 10 à 30 secondes.

L'enchère se termine lorsque le décompte arrive à zéro, mais cela peut être long car les participants peuvent créer un robot pour surenchérir automatiquement.

Souvent, les enchères durent plusieurs jours, comme l'a constaté Carole Morin en jetant un coup d'oeil sur le site de BidFun récemment. Elle s'intéressait à un iPad 2 Wi-Fi. Jeudi 16h30 : les enchères s'élevaient alors à 150$. Finalement, l'enchère s'est terminée le dimanche au beau milieu de la nuit, à un prix de 286,72$, raconte-t-elle.

Pour le gagnant qui a pu acquérir le iPad à ce prix (plus le coût de ses jetons), il s'agit peut-être d'une aubaine, car le iPad vaut environ 800$. Mais pour tous les autres participants, c'est de l'argent jeté à l'eau.

Pour faire grimper les enchères jusqu'à 286,72$, il a fallu 14 336 mises à 2 sous. Cela signifie que les participants ont englouti 14 336$ dans l'enchère, car les jetons ne sont pas remboursables.

«Il faut que les gens soient conscients que c'est une loterie, un jeu de hasard. Ce n'est pas une façon de magasiner à bas prix», insiste Me Gervais.

Pour sa part, Mme Morin juge que le concept est encore pire que celui de Call TV, cette émission de TQS qui encourageait les téléspectateurs à faire des appels téléphoniques payants pour participer à des concours en ondes.

Mais les sites d'enchères à un sou connaissent un succès fulgurant depuis un an. Au début de 2010, il n'y en avait que deux au Québec. Aujourd'hui, le site Encheresaunsou.com en dénombre une trentaine. Aux États-Unis, il y en a plus d'une centaine.

Or, les plaintes aussi sont en ascension. Le Better Business Bureau (BBB) en a reçu plus d'un millier. Plusieurs consommateurs ont eu à payer des frais alors qu'on leur avait proposé une période d'essai gratuite.

Certains ont dû patienter de longues semaines avant d'obtenir le produit. Ou ils ne l'ont pas reçu du tout. Ou ils ont reçu un produit différent. Plusieurs ont eu du mal à résoudre leur litige avec le service à la clientèle.

Nombreux sont les utilisateurs convaincus que le site fait monter les enchères artificiellement à l'aide de robots qui placent de fausses mises. En effet, comment savoir qui se trouve réellement derrière Roadrunner88, EtouiCmoi et autres participants qui misent contre vous?

Surtout que personne ne surveille ces sites d'enchère qui tombent dans un vide juridique. Au Québec, la Régie des alcools, des courses et des jeux considère qu'il ne s'agit pas d'un jeu de hasard. Et l'Office de la protection du consommateur juge que ce n'est pas de son ressort.

«On peut dépenser des milliers de dollars sur ces sites mais personne ne réglemente ça. C'est complètement fou!» lance Me Gervais. Les utilisateurs sont donc laissés à eux-mêmes. Pour ceux qui tiennent à participer, voici quelques conseils :

> Vérifiez la réputation du site en lisant les commentaires sur les forums de discussion.

> Préférez les sites qui permettent d'utiliser le montant perdu aux enchères pour acheter le produit au plein prix.

> N'achetez pas trop de jetons à l'avance, car vous risquez de les perdre si le site ferme ses portes, dit Me Gervais. Au Québec, une dizaine de sites ont fermé ces derniers mois.

> Surveillez vos relevés de carte de crédit, conseille le BBB qui a reçu plusieurs plaintes de consommateurs à qui on avait prélevé des frais d'ouverture de compte imprévus de 150$.

> Plaignez-vous si vous êtes victime de pratiques déloyales. Option Consommateurs vient d'amorcer une vaste étude sur l'industrie des enchères à un sou. L'organisme aimerait connaître vos mésaventures (www.option-consommateurs.org).