Les investisseurs en actions d'entreprises canadiennes doivent-ils craindre l'impact sur leurs prochains résultats d'un dollar canadien gonflé à plus de 1 $US?

La réponse dépend surtout du secteur d'activité des entreprises considérées, indiquent les analystes boursiers et les économistes bancaires.

Les entreprises les plus à risque sont évidemment celles dont le bénéfice par action dépend le plus de revenus à l'exportation qui doivent ensuite être convertis en dollar canadien.

«Même les entreprises exportatrices de matières premières et d'énergie, qui bénéficient de marchés très favorables ces temps-ci, ont de plus en plus de difficultés à compenser la hausse du dollar canadien avec leurs habituelles opérations de couverture», avertit l'économiste Peter Buchanan, de Marchés des capitaux CIBC, dans son plus récent billet sur les bénéfices d'entreprises dans le marché boursier canadien.

En contrepartie, M. Buchanan observe que les entreprises dont les revenus et les bénéfices proviennent surtout d'activités au Canada sont beaucoup moins à risque financier avec un dollar fort.

Cette catégorie de «favorisées» comprend surtout les grands détaillants et les sociétés de services financiers aux entreprises et aux particuliers canadiens.

«Parmi les détaillants en alimentation en particulier (Loblaws, Metro, Sobeys-IGA), le gonflement du dollar canadien devrait les aider à gérer la hausse de coût des aliments de base», selon M. Buchanan.

En revanche, chez les manufacturiers exportateurs, l'impact net d'un dollar canadien fort demeure difficile à cerner de façon définitive.

Pour les économistes Craig Alexander et Diana Petramala, de la Banque Toronto-Dominion (TD), il ne fait plus de doute que «la rentabilité des manufacturiers est particulièrement affectée par la hausse du dollar».

À leur avis, ça explique pourquoi le secteur manufacturier est le seul parmi les principaux secteurs de l'économie canadienne où les marges bénéficiaires moyennes sont maintenant inférieures à leur niveau d'il y a 15 ans.

Mais pour Marc Pinsonneault, économiste à la Banque Nationale, «il ne faut pas exagérer l'impact du taux de change actuel (du dollar canadien) sur la capacité des entreprises canadiennes à exporter».

L'économiste appuie cette observation sur une analyse qu'il vient de compléter, avec laquelle il a transposé sur le récent taux de change de 1,05$ US sur les résultats financiers du secteur manufacturier lors du quatrième trimestre 2010.

Cette analyse a confirmé une réduction des marges bénéficiaires des fabricants de un à deux points de pourcentage en moyenne. «Ce sont des marges moindres, certes, mais pas encore réduites à un niveau critique», estime M. Pinsonneault dans un bref bulletin économique émis cette semaine.

N'empêche, parmi les 18 secteurs manufacturiers considérés lors de son analyse, au moins quatre verraient leur marge bénéficiaire réduite à presque rien avec un dollar canadien à 1,05 $US: les produits papetiers, les équipements de transport, les pièces automobiles et les vêtements.

Et deux autres secteurs manufacturiers -l'appareillage électrique et les véhicules routiers- passeraient en «marge bénéficiaire négative», c'est-à-dire à perte.