L'appétit des investisseurs pour les fonds négociés en Bourse ne se dément pas. Pour l'assouvir, les quatre grands promoteurs canadiens ont ajouté 25 nouveaux produits sur les tablettes en 2011. Comment s'y retrouver à travers cette offre de plus en plus sophistiquée?

L'industrie des fonds négociés en Bourse est plus prolifique que jamais. Depuis le début de 2011, 25 nouveaux fonds ont été lancés par les quatre groupes qui se partagent le marché: iShares, Horizons, Claymore et BMO.

Au Canada, on dénombre maintenant 212 différents fonds négociés en Bourse (FNB). «Et je ne serais pas surpris qu'on termine l'année avec 250», prédit Alain Desbiens, vice-président pour les fonds de BMO.

L'engouement des investisseurs ne se dément pas. Depuis la crise financière, les actifs de l'industrie des FNB ont plus que doublé. Au Canada, les FNB renfermaient 46 milliards de dollars à la fin de mars dernier, selon le Groupe TMX.

Même si l'industrie des FNB file à la vitesse grand V, elle est encore loin d'avoir doublé celle des fonds communs de placement traditionnels, un poids lourd de 662 milliards de dollars au Canada, selon l'IFIC.

Mais les investisseurs sont nombreux à faire le saut vers les FNB qui leur permettent de diversifier leur portefeuille à frais modiques: seulement 0,07% par année, alors que les fonds classiques exigent facilement 2,25%.

Le secret des FNB: il n'y a pas de gestionnaire. Le fonds achète les mêmes titres qui composent l'indice de la Bourse. Point à la ligne. Ainsi, en achetant une seule action, les épargnants achètent la Bourse au complet. Ou un sous-indice de la Bourse. Ou un panier d'obligations. Ou des marchandises... Car les FNB deviennent de plus en plus pointus et sophistiqués.

Recréer la Bourse, bloc à bloc

Au début de la semaine, la famille iShares, chef de file de l'industrie, a mis au monde six nouveaux FNB, dont quatre fonds sectoriels qui se concentrent sur les soins de santé, les métaux de base, les services publics et la consommation de base.

Ces outils s'adressent aux investisseurs plus actifs qui veulent investir de manière tactique pour profiter d'une thématique ou d'un secteur. Avec 10 fonds sectoriels couvrant les grands pans de la Bourse, la famille iShares permet de se constituer un portefeuille sur mesure.

«C'est intéressant pour ceux qui veulent se distinguer de l'indice général du marché», dit Dominic D'Aoust, analyste principal, produits structurés et solutions gérées, chez Valeurs Mobilières Desjardins.

De plus en plus d'épargnants considèrent que l'indice de la Bourse canadienne ne correspond pas à leur profil. Les ressources naturelles forment la moitié de l'indice S&P/TSX60, un peu trop au goût des investisseurs vieillissants qui ne veulent pas tant de risques, souligne M. D'Aoust.

Au lieu d'acheter un FNB qui reflète l'indice général, les investisseurs peuvent constituer leur propre indice, à l'aide de différents FNB. «C'est comme jouer avec des blocs LEGO! Plus il y a de blocs disponibles, plus on réussit à bâtir la structure qu'on veut. Les possibilités sont nombreuses... y compris celle de construire une horreur», prévient M. D'Aoust.

Autre inconvénient: la construction sur mesure multiplie les commissions d'achat et de vente. «Pour un petit compte, ce n'est pas une bonne stratégie, dit M. D'Aoust. Il vaut mieux y aller avec des fonds communs de placement indiciels.»

Obligations: presque comme des vraies

Depuis le début de 2011, BMO a été la famille la plus prolifique, mettant sur les tablettes 10 nouveaux FNB. Dernière venue dans l'industrie, BMO a d'ailleurs dépassé le cap des 2 milliards d'actifs, au début d'avril, moins de deux ans après avoir fait ses premiers pas.

En février, BMO a notamment lancé quatre FNB d'obligations, un créneau très prisé par les investisseurs en quête de sécurité depuis la crise de crédit. Les nouveaux FNB d'obligations de sociétés ont une échéance (2013, 2015, 2020, 2025), ce qui les distingue des nombreux FNB d'obligations existants.

Avec cette caractéristique, les nouveaux fonds de BMO ressemblent davantage à de vraies obligations. Une innovation attrayante, selon John Gabriel, stratège en FNB auprès de Morningstar.

Les nouveaux FNB séduiront peut-être les investisseurs qui préfèrent acheter directement des obligations, car les intérêts et le capital sont garantis. Même si la valeur de l'obligation fluctue en fonction des taux d'intérêt, le client sait qu'il récupérera tout son argent à l'échéance (sauf si l'émetteur tombe en défaut).

Ce n'est pas le cas d'un fonds d'obligations: rien n'est garanti. Ni les intérêts ni le capital. Le fonds achète un panier d'obligations qui sont renouvelées au fil des échéances. Les obligations sont garanties, mais pas le fonds en tant que tel. Si les taux d'intérêt remontent, comme plusieurs le prévoient, la valeur des fonds d'obligations peut donc baisser.

Mais les nouveaux FNB de BMO permettent d'atténuer ce risque. L'investisseur peut choisir le FNB dont l'échéance correspond à la date à laquelle il souhaite récupérer son argent. À partir de 18 mois avant la date ciblée, le FNB contiendra de plus en plus d'encaisse. Le rendement sera alors plus faible, mais le risque de baisse de la valeur marchande sera aussi plus limité.

Pour l'instant, le rendement varie de 3,71% pour l'échéance de 2013, à 5,44% pour celle de 2025. Les frais de gestion annuel sont de 0,3%, ce qui est très concurrentiel, selon M. Gabriel.

Ressources: marcher sur des oeufs...

Cuivre, or, pétrole, café... L'envolée des prix des matières premières fait saliver les investisseurs. Les FNB leur permettent maintenant d'investir dans cette catégorie d'actifs, réservée jusqu'ici aux professionnels.

En février, BMO a lancé quatre FNB qui misent sur quatre grands segments des matières premières: les produits agricoles, l'énergie, les métaux précieux et les métaux de base. De son côté, Horizons BetaPro a ajouté un FNB de cuivre à sa gamme de fonds de marchandise qui permettent de miser sur l'or, l'argent, le pétrole et le gaz naturel.

Tous ces produits reposent sur des contrats à terme, contrairement à d'autres FNB qui détiennent réellement la marchandise. C'est le cas du Claymore Gold Bullion (CGL) et du iShares Gold Trust (IGT) qui entreposent de vrais lingots d'or dans une chambre forte.

La détention physique, c'est l'idéal, selon M. D'Aoust. Ça va pour l'or, l'argent, le platine, le palladium... mais pas pour le cuivre ou le pétrole qui occupent trop d'espace, et encore moins pour des denrées périssables comme le blé ou le maïs.

Il faut alors se replier sur les contrats à terme qui sont un engagement de vendre ou d'acheter un produit à une date future. En réalité, les investisseurs ne prennent jamais livraison des produits. Lorsque le contrat arrive à terme, ils réinvestissent leur argent dans de nouveaux contrats.

Mais attention: «Les contrats à terme sont des bibittes spéciales», prévient M. D'Aoust. Ils ne suivent pas nécessairement l'évolution du prix au comptant (spot) qui fait les manchettes. Le passage d'un contrat à terme à l'autre entraîne un «rendement de reconduction» qui peut être positif ou négatif.

Si le prix à terme est plus faible que le prix comptant, le roulement des contrats génère un gain. On parle alors de «déport». À l'inverse, quand les prix futurs sont plus élevés que les prix actuels, le roulement des contrats provoque une perte. C'est le phénomène du «report».

Dans certains cas, «on peut même perdre de l'argent avec les contrats à terme alors que le prix de la matière première monte», souligne M. D'Aoust. Cela s'est produit en 2009 et en 2010. À deux reprises, le prix du gaz naturel a grimpé de plus de 30%, tandis que l'indice de contrats à terme affichait une baisse brutale, indique M. Gabriel.

«C'est vraiment loin d'être ce que le client a en tête», dit M. D'Aoust. Certains FNB essaient d'optimiser le roulement des contrats. Mais avant d'en choisir un, il faut s'assurer de comprendre la méthodologie, ce que peu de clients prennent le temps de faire, déplore M. D'Aoust.

Stratégie d'options pour un rendement «amélioré»

Pour ceux qui s'attendent à ce que la Bourse vivote, BMO a développé un FNB qui repose sur la vente d'options d'achat couvertes de banques canadiennes. De tous ses récents produits, c'est celui qui a attiré le plus d'actifs, soit 130 millions de dollars. Horizons a vite emboîté le pas avec trois FNB AlphaPro à «revenu amélioré».

Même si on parle de produits dérivés, la stratégie est relativement prudente. D'un côté, le gestionnaire vend des options d'achat d'actions, de l'autre il se protège en achetant des actions. Si l'action reste au point mort, le gestionnaire empochera la prime (ex: 10%) que l'investisseur aura payée pour acheter son option. Ainsi, il réussira à dégager un rendement relativement intéressant, même si la Bourse n'a rien fait de bon. Par contre, son rendement sera plafonné si la Bourse explose, car l'option sera exercée. Et si la Bourse chute, son rendement ne sera que partiellement protégé par le coussin que lui procure la prime.

«La stratégie en soi, bien effectuée, peut donner de beaux résultats pour un investisseur plus sophistiqué. Mais ce n'est pas un produit qui convient à tout le monde, car ce n'est pas donné à tous de bien comprendre la stratégie», dit Dominic D'Aoust.