Se lier avec son mobilier

Puis-je vous présenter à ce meuble? Le designer industriel Jérémy Couture cherche à susciter une véritable rencontre entre l'objet et son propriétaire. Il veut qu'entre les deux se tisse un lien, un rapport de responsabilité, «comme de personne à personne», décrit-il.

C'était le sujet de son mémoire de maîtrise en arts, en Finlande. Il avait alors réalisé une série de 12 chaises en bois qui partageaient la même forme élémentaire, mais qui se déclinaient en autant de versions.

L'une d'entre elles, appelée Give Back, incorpore dans l'épaisseur de son dossier de petites boîtes amovibles, recelant des semences d'arbres que l'usager pourra planter. La chaise en bois est ainsi sa propre source de développement durable. Elle porte et enfante les arbres qui lui donneront descendance.

Jolie image.

«Il est possible de faire des objets très verts, mais qui, en fin de compte, seront jetés parce qu'on ne les aime pas, énonce Jérémy Couture. J'essaie de voir comment créer un meilleur engagement avec les objets qui nous entourent.»

C'est dans cet esprit qu'avec la designer industrielle Claudia Després, il a fondé le collectif 6.1 Designers, à Québec, en 2010.

Tous deux bacheliers en design industriel de l'Université de Montréal, ils se sont rencontrés au sein de la même firme de design, à Québec. À la fermeture de celle-ci, ils ont décidé d'unir leurs forces et leurs talents. Dans cette association souple, ils créent des éléments de mobilier qu'ils veulent soit céder à des éditeurs, soit faire fabriquer pour les distribuer eux-mêmes.

Tous ces objets sont intrigants ou suscitent un sourire. Le premier qui trouvera bientôt place sur le marché québécois est une patère en forme de clôture de jardin. On accroche ses vêtements aux lattes blanches taillées en pointe.

«Souvent, les entreprises ne font que de la grande série pour aller chercher du volume, et elles laissent de côté des idées qu'on trouve intéressantes, observe Jérémy Couture. À grande échelle, ces idées ne seraient pas viables, mais à petite échelle, des gens seraient prêts à payer pour les acquérir.»

Donnons le sympathique exemple de la plinthe en bois qu'ils ont présentée lors d'une exposition au Centre Materia à Québec, en août dernier. Dans cette simple moulure achetée dans un centre de rénovation, ils ont taillé l'emblématique trou de souris en arche des dessins animés, et l'ont muni d'une porte. «À l'exposition, on espérait voir quelqu'un se pencher et ouvrir la porte, raconte Jérémy Couture. Des enfants l'ont fait, et aussi une dame d'une soixantaine d'années!»

Les deux designers cherchent à recréer l'attachement que certains rares objets ont pu inspirer à leurs propriétaires - ce que Jérémy Couture appelle le Teddy Bear factor.

«Il y a une histoire avec ces objets-là, explique-t-il. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose à faire dans les étapes de conception, comme designer, pour créer un lien plus durable?»

Claudia Després et Jérémy Couture l'ont tenté avec leur prototype de banc d'entrée Sleigh Bench. Pour exprimer les racines québécoises dans une vision contemporaine, ils ont repris la configuration de nos traînes sauvages en lames d'érable cintrées à la vapeur. Le repli supérieur est allongé pour constituer le siège, formant un «C» étiré. Les lames en frêne, en double épaisseur, enserrent en sandwich un feuillard d'acier. Détail amusant et chaleureux, un manchon en tricot de laine au motif de flocons de neige est enfilé sur le siège en guise de coussin.

Teddy Bear factor.