Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, James O'Shaughnessy...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Certainement, la hausse du prix du pétrole au-dessus de 100 $US le baril. Si la situation perdure, cela équivaut à une taxe sur la création de richesse et sur l'activité économique. Si le prix du pétrole restait très élevé, cela pourrait freiner la reprise économique mondiale.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Nous ne nous préoccupons pas trop de ce qui se passe à court terme. Souvent, ce n'est que du « bruit de fond ». Nous regardons toujours les éléments-clé qui permettent de déterminer quelles sont les actions gagnantes à long terme : le rendement des actionnaires (ndlr : le rendement procuré par le versement du dividende et le rachat d'actions par la société), le « momentum » du prix des actions, ou encore des mesures d'évaluation comme les ratios cours/cash-flows, cours/ventes et cours/bénéfices.

Que feriez-vous avec 10 000 $ à investir ?

Nous croyons que la meilleure chose à faire est de diversifier un peu mieux son portefeuille.

Le marché boursier canadien a fait beaucoup mieux que le marché américain depuis 10 ans. Ce n'est pas la Bourse canadienne qui m'inquiète, mais le comportement des investisseurs canadiens. L'investisseur moyen a environ 80 % de son portefeuille en actions canadiennes. C'est très élevé.

Ce phénomène n'est pas unique au Canada. La plupart des investisseurs à travers le monde préfèrent investir dans leur propre pays. Ceux qui ont le moins à perdre sont les Américains, car leur marché boursier représente 40 % de la valeur boursière mondiale. Mais si vous êtes en France ou au Canada et que votre Bourse ne pèse que 3 %, vous faites un pari plus extrême.

Après une très belle période de 10 ans, les Canadiens devraient réfléchir aux avantages de diversifier leur portefeuille dans les marchés qui ont moins bien fait. Prenez 10 % à 15 % de vos actifs et redéployez-les à l'extérieur du Canada.

Dans les marchés financiers, une chose dont on peut être pratiquement certain, c'est le retour vers la moyenne. Les arbres ne poussent pas jusqu'au ciel ! D'où l'importance du concept très simple du rééquilibrage pour revenir à sa répartition d'actifs cible.

Un rééquilibrage est particulièrement approprié à l'heure actuelle, compte tenu qu'il y a une bulle immobilière en Chine. Si les prix se dégonflent, cela aura un impact sur les prix des matières premières... et sur le Canada indirectement.

Nous ne disons pas que cela va se produire. Mais il faut garder l'esprit ouvert à ce genre de risque. Je ne dis pas de fuir le marché canadien. Mais je crois qu'un investisseur devrait tirer profit de l'ensemble des marchés boursiers mondiaux. Et le marché américain, même après une hausse de presque 100 %, peut encore s'apprécier.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

J'éviterais les obligations de long terme. Il faut s'en tenir à des échéances d'un an ou deux. Les taux d'intérêt sont très bas. Quand ils vont remonter à un niveau plus normal, le prix des obligations baissera. C'est purement mathématique.Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement ?

Les gens sous-estiment la capacité d'une économie avancée, particulièrement celle des États-Unis, de recréer un scénario de croissance économique très dynamique à long terme. Comme le disait Winston Churchill : les États-Unis font invariablement la bonne chose, mais seulement après avoir épuisé toutes les autres options !

Après avoir épuisé toutes les possibilités, je pense que les Américains vont revenir à une approche plus pratique pour redonner vie à l'économie. Les gens ont oublié que les États-Unis sont peuplés de gens qui sont génétiquement prédisposés à être des aventuriers ! Ils ne seraient pas là sinon. Ils sont venus parfois dans d'horribles conditions pour se bâtir une nouvelle vie. C'est dans leur ADN.

Pionnier de la gestion quantitative, l'Américain James O'Shaughnessy a fait sa marque en décortiquant le comportement passé des Bourses pour identifier les stratégies gagnantes. Auteur du best-seller What Works on Wall Street, il a fondé O'Shaughnessy Asset Management en 1987. La firme du Connecticut gère plus de 5 milliards de dollars US, notamment une série de fonds communs de la Banque Royale disponible au Canada.