«Je suis inquiète, je suis embêtée, indique Brigitte. J'ai 75 ans, une rente plutôt modeste, un duplex qu'on vient de réévaluer avec une augmentation de valeur de 50%. J'ai très peur de l'avis d'imposition foncière qui viendra en janvier.

Elle habite cet immeuble depuis 22 ans et s'y plaît beaucoup. Il valait 303 000$, selon l'évaluation municipale de 2010. Le nouveau rôle d'évaluation pour 2011-2013 lui attribue une valeur de 454 200$.

Le logement lui procure un revenu annuel net de 9400 $. Elle touche en outre 4277$ par année de la RRQ, et 6350 $ en PSV. Elle détient 60 500$ en FERR, 50 000$ en placements non enregistrés, 15 000$ en CELI -et un prêt levier de 10 000$.

Le compte de taxe à venir l'incite à considérer la vente de l'immeuble. Cependant, explique-t-elle, «je ne sais comment calculer le revenu probable de l'argent placé par mon courtier, par rapport au revenu généré par la location du logement, l'impôt à payer lors de la vente, etc. Je pourrais sans doute obtenir plus de 50 0000$ à la vente. Si je vends, dit-elle, je crois qu'un loyer qui me plaise, dans le coin où mes amies habitent, me coûterait environ 1000$ par mois.»

Enfin, elle aimerait pouvoir faire un voyage chaque année.

Rester? Vendre?

Impôt et patrimoine

Le compte de taxes foncières qui inquiétait tant Brigitte est arrivé: il passe de 3272$ pour 2010 à 3653$ pour 2011. C'est une solide hausse, mais rien qui mette en péril son budget.

Reste sa préoccupation à l'égard de l'impôt lors de la vente.

Gaétan Veillette, planificateur financier au Groupe Investors, s'est attaqué à ce problème, avec le soutien de l'évaluateur agréé Yvon Rudolphe.

La résidence principale est exemptée de l'impôt sur le gain en capital, qui ne s'appliquera donc que sur la partie locative de la propriété de Brigitte. Or, elle a habité au rez-de-chaussée de 1989 à 2003, et à l'étage à partir de 2004. Nos deux experts attribuent donc l'exonération pour résidence principale à 60% de la propriété pendant cette première période où Brigitte a occupé le plus grand logement, et à 40% de la propriété ensuite.

En outre, Brigitte n'a pas réclamé, dans sa déclaration de revenu 1994, l'exonération de gain en capital sur la valeur acquise en date de 1992. Dans son cas, le gain en capital se calcule donc depuis la date de l'achat, en 1987.

La propriété avait alors été achetée 135 000 $. Si on accepte qu'elle vaut présentement 550 000$, les deux spécialistes estiment le gain en capital pour la partie locative à 249 400 $. La moitié est sujette à l'impôt, soit un ajout de 124 700$ aux revenus de Brigitte.

Mais ce n'est pas tout. Pour réduire l'impôt sur ses revenus de location, Brigitte a réclamé, année après année, l'amortissement fiscal de 4% du coût d'acquisition du bâtiment (il ne s'applique pas au terrain). Cet amortissement doit être récupéré au moment de la vente de la propriété. Il est estimé en 2011 à 63 720$, et il s'ajoutera lui aussi aux revenus de Brigitte. Le revenu imposable de Brigitte totaliserait ainsi 214 000$, produisant des impôts de 87 000 $. «Conséquemment, Brigitte pourra investir 445 000$ à la suite de la disposition du duplex», indique Gaétan Veillette.

Mais vaut-il mieux le conserver?

«L'évolution du patrimoine au cours des années est le facteur-clé pour évaluer la pertinence des deux scénarios», exprime le planificateur.

Il fixe aux placements de Brigitte un rendement annuel moyen de 6,5%. Brigitte a estimé son coût de vie actuel à 36 000$. Sur cette base, et en supposant que Brigitte conserve son duplex, les projections du planificateur montre que ses épargnes non enregistrées s'épuiseraient vers 2015, et que son FERR serait à sec en 2017. Si elle ne se départit pas de son duplex, elle devra alors contracter une marge de crédit hypothécaire dans laquelle elle puisera peu à peu pour compléter ses revenus.

Dans cette hypothèse, à 89 ans, le duplex de Brigitte vaudrait 832 000 $, et sa marge de crédit se gonflerait à 190 000$, pour un patrimoine net de 642 000$. Bien sûr, l'impôt sur la propriété resterait encore à payer, ce qui ramènerait sans doute la valeur finale sous les 500 000$.

Dans un second scénario, Brigitte vend son duplex en 2011, lui permettant de verser 445 000$ dans ses placements, après impôts et frais. La vie en logement ajouterait un loyer mensuel de 1000$ à ses dépenses, et lui retirerait environ 10 000$ en revenus nets de location.

À ce rythme, «la projection établit que son patrimoine vaudra 385 000$ à 89 ans», annonce Gaétan Veillette.

Ce capital serait totalement épuisé à son 97e anniversaire.

Le second scénario est moins favorable sur le plan du patrimoine, mais « quel que soit le scénario adopté, Brigitte a suffisamment de patrimoine et de droits de prestations de l'État pour maintenir son niveau de vie actuel longtemps », conclut notre planificateur.

Le portefeuille a parlé, le coeur peut s'exprimer.

LA SITUATION

L'évaluation municipale de son duplex a bondi de 50%, et Brigitte s'attend à un nouveau compte d'impôts fonciers exorbitant. À 75 ans, c'est peut-être le temps de vendre, mais elle ne sait pas comment évaluer la situation, notamment l'impôt payable à la vente.

LES DONNÉES

Brigitte, 75 ans

RRQ : 4277$ par an.

PSV : 6350$ par an.

Revenu locatif brut: 15 720$

Revenu locatif net: 9379$

FERR: 60 500$

CELI: 15 000$

Placements non enregistrés: 50 000$

Placements avec prêt levier: 10 000$

Duplex : valeur de 550 000$, libre d'hypothèque

Dettes de consommation: 3000$

L'ANALYSE

Une fois les impôts acquittés, la vente de la propriété ajouterait 445 000$ à ses épargnes.

Si elle la conserve, elle épuisera ses épargnes en 2017 et devra alors contracter une marge de crédit hypothécaire pour couvrir ses dépenses. Mais les deux avenues la mènent sans encombre à 90 ans et plus.«Quel que soit le scénario retenu, il faut cesser d'appliquer l'amortissement de 4% par année sur la partie locative du duplex dans ses déclarations annuelles de revenus. » -Gaétan Veillette, Fellow administrateur agréé et planificateur financier, Groupe Investors. Pour cette analyse, il a reçu la collaboration de M. Yvon Rudolphe, évaluateur agréé et administrateur agréé.