Les dossiers d'insolvabilité ont diminué de 10% au Canada depuis un an, résultat de l'embellie économique. Le taux d'endettement des Canadiens demeure néanmoins stratosphérique, à 148,1%. Les dettes du ménage moyen équivalent à 1,5 fois son revenu annuel disponible. Quelles sont les issues lorsque le poids de nos dettes fait finalement ployer notre édifice financier?

Êtes-vous insolvable? La situation d'insolvabilité se définit par l'incapacité à respecter ses engagements financiers. «Quand on n'est pas en mesure de payer ses dettes à mesure de leur échéance, on entre dans une situation d'insolvabilité», explique Josée Pomerleau, syndic de faillite chez Lemieux Pomerleau et associés et présidente de l'Association québécoise des professionnels de la réorganisation et de l'insolvabilité.

Mais malheureusement, constate-t-elle, «on s'en rend compte un peu trop tard».

Les signes avant-coureurs sont par exemple l'incapacité de faire le versement minimal sur sa carte de crédit, le paiement du compte d'une carte de crédit avec une autre, l'impossibilité de payer une dette qui vient à échéance. Indice plus précoce encore: l'incapacité de dégager une quelconque épargne.

Que faire quand ces lampes-témoins clignotent avec insistance? La première démarche consiste à rencontrer un conseiller budgétaire. Depuis plus de 30 ans, les associations coopératives d'économie familiale (ACEF) et d'autres organismes similaires, regroupés au sein de l'Union des consommateurs, donnent des consultations budgétaires aux ménages aux prises avec des problèmes financiers importants.

«Avant de leur proposer de rencontrer un syndic, on leur présente toutes les solutions, avec les avantages et les inconvénients», décrit Caroline Arel, avocate et responsable des services budgétaires chez Option consommateurs. Le réaménagement du budget, la négociation avec les créanciers, la consolidation des dettes seront d'abord envisagés.

Le syndic est le dernier recours, lorsque la proposition de consommateur ou la faillite semblent les seules ou les meilleures avenues.

LA CONSOLIDATION DE DETTES

La consolidation de dettes consiste à réunir des dettes éparses et à échéance variable sous un même parapluie, pour en simplifier la gestion et si possible réduire leur poids sur le budget. Il s'agira de contracter un nouveau prêt qui servira à acquitter ces créances. On cherchera habituellement à négocier un taux d'intérêt moyen plus avantageux et peut-être une échéance plus longue, de manière à ce que la nouvelle mensualité soit inférieure à la somme des précédentes.

La consolidation de dettes n'est possible que si la cote de crédit n'est pas encore trop dégradée. «Si on a beaucoup de retard dans les paiements, ça devient difficile», indique Josée Pomerleau. Il faudra généralement des actifs pour garantir le prêt, à défaut de quoi le prêteur est nettement plus frileux.

La consolidation de dettes fait partie des voies de solution que présentera le syndic, mais il n'interviendra habituellement pas dans la négociation.

«Quand les gens viennent nous rencontrer, ils arrivent à un moment où même la consolidation de dettes n'est pas possible, fait valoir Josée Pomerleau. Il faudrait que les gens se rendent compte que les syndics sont des professionnels qui peuvent les aider dès le début, dès qu'ils se rendent compte qu'ils sont en situation financière délicate.»

La consolidation de dettes n'est pas censée avoir un effet sur le dossier de crédit, «à moins qu'on en fasse à répétition», précise Josée Pomerleau.

LA PROPOSITION DE CONSOMMATEUR

La proposition de consommateur est un arrangement que vous proposez à vos créanciers pour réduire la pression de vos dettes sur votre budget. Elle est préparée et présentée par un syndic de faillite, en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

On peut par exemple proposer de réduire le montant des créances dans une certaine proportion, ou de réduire les versements pour les étaler sur une plus longue période. La période de remboursement ne peut cependant excéder cinq ans.

«Ça permet au consommateur d'éviter la faillite, explique Josée Pomerleau, et au créancier de récupérer beaucoup plus d'argent qu'en situation de faillite.» La proposition doit être approuvée par des créanciers dont les créances représentent au moins la moitié de la valeur des dettes. Le consommateur y trouve l'avantage de conserver les actifs qui auraient été saisis dans le cas d'une faillite.

Quel est son effet sur le dossier de crédit? La cote de crédit grimpe à R9, la plus mauvaise, durant toute la période sur laquelle s'étend la proposition, soit un maximum de cinq ans. Dès que les obligations de la proposition sont remplies, la cote est ramenée à R7 pour une période de trois ans.

«Là où le bât blesse, c'est que la cote de crédit associée à une proposition de consommateurs n'est pas nécessairement beaucoup plus reluisante que dans le cas de la faillite», constate Caroline Arel, responsable des services budgétaires chez Option consommateurs.

En effet, le dossier de crédit du consommateur peut dans le pire des cas être affecté jusqu'à huit ans, soit un an de plus que dans le cas d'une première faillite! «Je trouve ça sévère parce qu'on ne reconnaît pas l'effort que font les gens», déplore également Josée Pomerleau.

LE DÉPÔT VOLONTAIRE

Pour vous soustraire aux pressions insistantes de vos créanciers, qui vous menacent de saisie, ou encore pour éviter la faillite, vous pouvez demander à la Cour de faire un dépôt volontaire. Cette démarche volontaire peut être suggérée par un syndic, mais vous la ferez seul. Vous devez prendre rendez-vous au greffe de la Cour du Québec au palais de justice de sa région - un numéro de téléphone spécifique est réservé aux demandes de dépôt volontaire.

Il faudra produire la liste de vos dettes et de vos créanciers.

Vous demandez en fait à verser au Tribunal une partie de votre revenu, qui en fera la distribution aux créanciers en proportion de leurs créances. On calcule une exemption de 120$ par semaine si vous n'avez aucune personne à charge, de 180$ si vous en avez une ou deux, plus 30$ par semaine pour chacune des personnes à charge supplémentaires. Cette somme est soustraite de votre salaire brut hebdomadaire, et 30% du reste sera distribué par le Tribunal.

Ces versements se poursuivront jusqu'à ce que le dernier sou des dettes inscrites soit remboursé, en fonction d'un taux d'intérêt fixé à 5%.

Le dépôt volontaire préserve de la faillite, de la saisie du salaire, et de la saisie des meubles essentiels de la résidence principale - à moins que ceux-ci fassent justement l'objet de la créance.

Il ne protège cependant pas de la saisie d'une propriété ou d'une voiture. Autre inconvénient, tant que le dépôt volontaire n'est pas complété, la cote de crédit est placée à R9, tout comme lors d'une faillite.

«Le dépôt volontaire n'est pas bon pour tout le monde», expose Josée Pomerleau. Elle estime que cette formule est moins utile pour les dettes supérieures à 5000$. «Quelqu'un qui a une dette de 30 000$ ne s'en sortira jamais», souligne-t-elle.

LA FAILLITE

Si vous n'êtes n'est plus en mesure de respecter vos engagements et d'acquitter vos dettes par d'autres moyens, la faillite vous permettra de vous en libérer. Il s'agit d'une procédure juridique régie par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui ne peut être menée que par un syndic de faillite. Vous lui remettrez vos biens, sauf ceux exemptés par la loi, afin qu'il en dispose pour rembourser vos créanciers.

Lesquels sont exempts? Mentionnons les meubles de votre domicile nécessaires au ménage, jusqu'à concurrence d'une valeur de 6000$, la nourriture, le combustible, le linge de maison et les vêtements essentiels, le matériel nécessaire à l'exercice de l'emploi, la portion insaisissable du salaire.

Votre maison, vous l'aurez compris, n'est pas protégée.

Les REER ne sont plus saisissables, sauf la part correspondant aux cotisations versées dans les 12 mois précédant l'ouverture de la faillite.

Aujourd'hui, une situation de faillite dure un minimum de 9 mois, et peut s'étendre jusqu'à 21 mois, selon les revenus du débiteur.

Une seconde faillite dure de 24 à 36 mois, toujours selon les revenus. Les conditions d'une troisième faillite seront décrétées par un tribunal.

Durant cette période, les dettes sont suspendues et le débiteur est protégé de ses créanciers, qui n'ont aucun recours contre lui. Il devra assister à deux rencontres avec son syndic de faillite, qui révisera avec lui son budget, reviendra sur les causes de son endettement et le conseillera à propos de l'utilisation du crédit. Durant cette période, il fera des versements réguliers au syndic en fonction de ses revenus, qui les distribuera aux créanciers. Durant les six premiers mois, il devra faire un budget et remettre au syndic un relevé mensuel de ses revenus et dépenses. «C'est nouveau dans la loi et c'est intéressant: ça permet aux gens de prendre conscience de ce qu'est un budget», commente Josée Pomerleau.

Au terme de la procédure, la personne reçoit un certificat qui atteste qu'elle est complètement libérée de ses dettes. À l'exception toutefois de celles décrites à l'article 178 de la loi - dettes de fraudes ou de fausses déclarations, prêts étudiants si la faillite survient moins de sept ans après la fin des études...

La cote R9 est accolée pour la durée de la faillite, plus les six années suivantes. Durant cette période, il sera impossible de s'acheter une propriété. «Mais ce qui est un peu fâcheux, c'est que de plus en plus, ce n'est plus nécessairement des créanciers potentiels qui vont consulter le dossier de crédit, dénonce Caroline Arel. Ce peut être un futur employeur, un futur propriétaire si on cherche un logement, un assureur.»

L'INSOLVABILITÉ EN CHIFFRES

Le nombre de dossiers d'insolvabilité déposés par des consommateurs au Québec du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2010 a diminué de 8,4% en 2010 par rapport à la même période en 2009 - un signe d'amélioration de la situation économique.

Les faillites personnelles sont en baisse de 17%, mais les propositions de consommateurs ont explosé, avec une augmentation de 31,6%.

L'explication? La modification à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, en 2009, a élargi les critères d'accès à cette solution.

Auparavant, pour faire une proposition de consommateur, les dettes ne devaient pas excéder 75 000$, hypothèques exclues. «Avec 40 000$ de dettes et deux prêts auto, on dépassait 75 000$ et on n'était plus admissible à la proposition de consommateur», remarque Josée Pomerleau, présidente de l'Association québécoise des professionnels de la réorganisation et de l'insolvabilité.

Depuis 2009, le plafond a été porté à 250 000$.

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Dossiers d'insolvabilité déposés par des consommateurs entre le 1er décembre 2009 et le 30 novembre 2010

Québec

Total - 37969; Faillites - 28266; Propositions de consommateurs - 9703

Canada

Total - 135854; Faillites - 93739; Propositions de consommateurs - 42115

Sources: Bureau du surintendant des faillites