Un sac à dos en mousse moulée. Un moulinet de pêche qui tient de l'aérospatiale. Un kayak démontable qui se range dans un sac.

La recherche de la haute performance, dans les sports et le plein air, impose d'aller à l'essentiel. Cet essentiel est souvent esthétique, toujours étonnant.

Organisée à l'occasion des Jeux olympiques de Vancouver, il y a tout juste un an, l'exposition High Performance - Sport, design et innovation au Canada est depuis hier reprise - et augmentée - au Centre de design de l'UQAM.

Georges Labrecque, chargé de projets d'expositions, résume son objet: la beauté des formes performantes. «Quand on veut qu'un objet performe, la fonction et la forme doivent dialoguer», dit-il joliment.

Nous avons la chance de parcourir l'exposition avec un designer volubile et expérimenté (la volubilité vient souvent avec l'expérience). Nous sommes guidés par Koen de Winter, un des ténors du design industriel québécois, professeur invité à l'école de design de l'UQAM.

Une de ses créations, le ponton de pêche en plastique thermoformé Bass Raider 10e de Pélican, y est exposée. Un des critères de conception: le bateau devait être suffisamment étroit pour s'insérer dans la caisse d'une camionnette. Le designer montre les renfoncements circulaires ménagés dans ses plats-bords pour déposer hameçons et autres agrès. «Les représentants voulaient s'assurer qu'on pouvait y déposer aussi une bouteille de bière», rigole-t-il.

Plus loin, une tente-hamac pour les terrains très accidentés, conçue par Tom Hennessy, de Colombie-Britannique, est suspendue à distance du sol. La directrice du Centre de design, Angela Grauerholz, observe qu'on y accède par une fente sur le côté, qui se referme d'elle-même sous l'effet du poids du corps. «C'est une façon innovatrice de s'intégrer à la nature, comme un cocon», commente Koen de Winter.

La performance repose aussi sur le choix du bon matériau. Tous les bâtons de baseball sont semblables? Il faut voir. Les bâtons Sam Bat, fabriqués à Ottawa, sont tournés en érable de l'est du Canada, plus dense et plus résistant que le frêne utilisé traditionnellement aux États-Unis. «Plus il y a circulation de sève, plus il y a de dépôts de matière à l'intérieur des cellules, donc les parois des cellules deviennent plus épaisses», explique Koen de Winter.

Utilisées par une centaine de joueurs professionnels, ces belles pièces d'ébénisterie sont laquées en deux tons vifs. Mais où est le design, dans ce produit? «Presque partout, puisqu'il n'y a plus rien», répond Koen de Winter, sibyllin. Cet objet s'est peu à peu approché de sa parfaite fonctionnalité, jusqu'à ce que son matériau devienne son trait distinctif. «Le processus de design est ici empirique et étalé sur une longue période de temps: c'est ce qu'on appelle l'expérience.»

Photo fournie par le Centre de design de l'UQAM

Raquette en polymère de GV Snowshoes (nation huronne de Wendake). "Ce sont les seuls fabricants qui continuent à faire toute la gamme, de la raquette en babiche jusqu'aux raquettes en polymère, en passant par l'aluminium", observe Georges Labrecque, chargé de projets d'expositions au Centre dedesign de l'UQAM.

Il donne l'exemple du kayak Elie-Strait 120 de Pelican, tout à côté. «Un kayak ne tombe pas du ciel, poursuit-il. La forme générale est une accumulation de beaucoup d'informations. Ce n'est pas l'idée géniale d'un seul. L'évolution fait de meilleures choses que la révolution.»

Il caresse du doigt la minuscule boursouflure qui marque la fusion entre le pont et la coque du kayak. Les deux pièces de plastique sont moulées par thermoformage et soudées sur leur périphérie en une même opération. «Ils maîtrisent de mieux en mieux la technique, souligne-t-il. Le plan du moule n'est plus droit.» Ah, bien oui, tiens: la ligne de joint se relève vers l'avant et l'arrière, suivant la courbe naturelle de la coque.

Du 10 février au 17 avril, le Centre de design de l'UQAM (1440, rue Sanguinet) montre les 14 objets de l'exposition de Vancouver, plus quatre autres créations québécoises ajoutées pour l'occasion. Le vélo libre-service Bixi de Michel Dallaire est là, le sculptural vélo de triathlon E112 d'Argon 18 dessiné par Michel Morelli Designers aussi. Son cadre en fibres de carbone rigidifié par une subtile arête est l'occasion d'un dernier commentaire de Koen de Winter: «Une grande partie de l'effort exercé sur les pédales se perd en torsion. C'est en torsion que le cadre doit être rigide.»

La performance est une question de détails.

 

Photo fournie par le Centre de design de l'UQAM

Le kayak Elie-Strait 120. La courbe qui marque la jonction entre la coque et le pont est un exploit de moulage: le plan du moule n'est pas droit.