Jacqueline a pris sa retraite... timidement. Âgée de 68 ans, elle a cessé de travailler depuis deux ans. Avec la rente de son employeur, elle touche des revenus bruts de 52 000 $.

«Je vis seule et je suis en bonne santé, expose-t-elle. Je n'ai aucune famille et plusieurs des femmes des générations antérieures ont dépassé le cap des 90 ans.»

Cette longévité potentielle la préoccupe.

«Des gens de ma connaissance ont dû quitter leur maison de retraite, après y avoir habité de nombreuses années, par incapacité de continuer à remplir les charges financières, observe-t-elle. Inutile de spécifier qu'il est difficile de changer d'environnement à un âge avancé pour tomber dans une situation de presque pauvreté. Je m'inquiète à savoir si je pourrai toujours assumer mes besoins avec mes revenus, le tout jusqu'à mon décès.

Incertaine de ses limites budgétaires, elle a considérablement réduit son niveau de vie.

«En voyageant moins qu'au cours de ma vie active, j'ai réussi à épargner quelque 8000 $ pour chacune des deux années de ma retraite», relate-t-elle.

Elle n'a donc pas encore entamé les 110 000 $ qu'elle détient en REER, ni ses quelque 60 000 $ d'épargnes personnelles.

«Est-ce que je peux arrêter de m'inquiéter face à l'avenir, arrêter d'économiser pour me permettre un mode de vie plus aisé sans hypothéquer mon avenir ? demande-t-elle. À quel moment serait-il envisageable de commencer à dépenser mes acquis ? Étant sans famille, je souhaiterais profiter des sommes épargnées et durement gagnées, mais je ne veux pas terminer ma vie dans un état de misère.»

«Que me conseillez-vous ?»

Les conseils que Jacqueline demande sont prodigués par Daniel Gladu, planificateur financier chez BMO Groupe financier.

«Puisque vous avez réussi à économiser ces dernières années, lui dit-il d'emblée, je m'attends à ce que vous obteniez un surplus. Sur ce point, vous avez une marge de manoeuvre.»

Analyse à rebours

La plus sûre manière de se rassurer consiste encore à faire le relevé de ses dépenses dans un bon vieux budget. Notre planificateur invité suggère à ce propos de distinguer entre, d'une part, les dépenses fixes -  les dépenses inévitables, inamovibles et incompressibles, sur lesquelles on n'a pas ou peu de contrôle, comme le loyer, les impôts fonciers, les assurances, l'électricité - et, d'autre part, les dépenses discrétionnaires, c'est-à-dire toutes les autres.

Il propose que ces dépenses soient compilées sur une base mensuelle, pour les opposer aux revenus après impôts, qui sont versés à Jacqueline à la même fréquence.

Une évaluation sommaire du coût de vie de Jacqueline n'est pas aisée, car elle n'est pas en mesure de fournir de chiffres précis. Les virements directs et les paiements automatiques ont ceci d'ennuyeux qu'on perd le contact avec ses dépenses fixes : «Je reçois mes rentes dans mon compte et tout se paie pratiquement tout seul, constate-t-elle. Je regarde si mon compte monte ou descend. C'est en faisant le total après un an que j'ai constaté que j'avais économisé.»

Mais le calcul de ces 8000 $ d'épargnes est-il exact ? Les points de comparaison dans le temps sont-ils appropriés ?

Faute de données plus précises sur les besoins de Jacqueline, notre planificateur va travailler à rebours, pour établir combien elle peut dépenser sans danger.

Il reprend le revenu brut approximatif de 52 000 $ annoncé par Jacqueline. Après impôts, Jacqueline encaisse environ 34 900 $ par année. Voilà déjà une borne : elle pourrait donc en principe dépenser cette somme chaque année sans rogner le moindrement son capital.

Combien ses épargnes peuvent-elles y ajouter ?

À l'approche de ses 70 ans, Jacqueline a une chance sur deux d'atteindre 90 ans, et une sur quatre de vivre jusqu'à 95 ans. Pour respecter ses appréhensions à l'égard de la longévité familiale, Daniel Gladu a placé à 95 ans l'âge de l'épuisement du capital.

Mais quel capital ? Après vérification, il appert que Jacqueline détient en fait 116 000 $ en REER, 10 000 $ en CELI et 43 000 $ en épargnes non enregistrées, soit un total de 169 000 $.

En raison des investissements très (très) prudents de Jacqueline, concentrés dans des placements garantis, notre planificateur utilise pour ses projections un rendement de 2,25 %. En fait, il est inférieur au taux d'inflation de 2,5 % qu'il retient pour ses hypothèses de travail.

«Ce taux de rendement est faible, certes, mais il donne l'avantage de produire un résultat d'analyse des plus prudents», commente-t-il.

Après discussion avec Jacqueline, notre planificateur a fait l'hypothèse que sa maison sera mise en vente à 75 ans, pour prendre le relais de ses REER et CELI, alors presque épuisés. La propriété, d'une valeur actuelle d'environ 270 000 $, vaudra à ce moment 304 000 $. Cet apport de capital frais sera à son tour consumé graduellement jusqu'à 95 ans. Selon ces paramètres, Jacqueline serait en mesure de maintenir un coût de vie de 53 000 $ jusqu'à la fin de ses jours.

Même en soustrayant de ce montant une marge de sécurité de 10 000 $, par exemple pour conserver sa maison plus longtemps, Jacqueline serait encore en mesure de dépenser 43 000 $ par année, en toute quiétude.

Reste à faire un budget.

LA SITUATION

Depuis le décès subit de son conjoint, il y a quelques mois, Jacqueline s'inquiète de sa situation financière. Elle craint de trop dépenser et de manquer d'argent à la fin de ses jours. En fait, depuis sa retraite, il y a deux ans, elle a continué à épargner 8000 $ par année !

«Bizarrement, je voyage peut-être moins que lorsque je travaillais. J'ai décidé de faire attention.» - Jacqueline

LES DONNÉES

Jacqueline, 68 ans

Revenus de retraite : 52 000 $ avant impôts

REER : 116 000 $

CELI : 10 000 $

Épargnes non enregistrées : 43 000 $

Propriété : valeur de 270 000 $, libre d'hypothèque

L'ANALYSE

Travaillant à rebours, et en supposant que la propriété serait vendue à 75 ans, Daniel Gladu calcule que Jacqueline pourrait maintenir un coût de vie indexé de 53 000 $. Soustrayons 10 000 $ comme marge de sécurité, et Jacqueline peut encore voyager sans inquiétude.

«Le budget que vous aurez préparé vous aidera à prendre les bonnes décisions.»

- Daniel Gladu, planificateur financier, BMO Banque de Montréal, succursale d'Outremont