Si une image vaut mille mots, comme dit l'adage, celle que projette le graphique de l'indice S&P 500 de la Bourse de New York a de quoi inquiéter. Elle révèle en effet que la situation actuelle est à plusieurs égards identique à celle d'avril-mai 2010.

Rappelons que c'est à ce moment que la Bourse américaine avait été secouée par ce que l'on a surnommé le «flash crash». Le marché s'était soudainement écroulé de 10 % en l'espace de 20 minutes en milieu d'après-midi avant de récupérer une partie  importante des pertes avant même la fin de la séance. On s'explique encore difficilement ce qui a pu se passer.

Néanmoins, cet épisode annonçait quelques mois ardus pour les marchés. De mai à juillet, les principaux indices boursiers ont reculé de plus de 15 %. Il a fallu que la Réserve fédérale américaine (Fed) annonce son intention de procéder à une deuxième ronde d'assouplissement monétaire à la fin du mois d'août pour que les marchés reprennent confiance.

L'éloignement de sa moyenne et l'état de sur-achat du marché, combiné à la complaisance des investisseurs, nous offre aujourd'hui une situation identique à celle d'avril dernier, explique Ismaël Chiadmi, vice-président principal chez Montrusco Bolton.

En date du 19 janvier, comme en avril dernier, l'indice S&P 500 est 12,3 % plus haut que sa moyenne mobile de 200 jours. «Nous savons que les marchés tendent à revenir vers leur moyenne lorsqu'ils s'en sont beaucoup éloignés», dit M. Chiadmi.

Le légendaire stratège de Merrill Lynch, Bob Farrell, retiré en 1992 mais célèbre pour son énoncé des 10 grandes règles à suivre pour prévoir l'évolution des marchés, en avait fait sa règle numéro un. «Quant le marché va trop loin dans une direction, il reviendra forcément vers sa moyenne», disait Farrell. La règle peut sembler simpliste, mais elle permet de retrouver une certaine perspective lorsqu'un trop grand optimisme, ou pessimisme, brouille la perception des investisseurs.

Marché suracheté et complaisance

L'enthousiasme pousse parfois les cours boursiers trop hauts, trop vite. On dit alors que le marché est sur-acheté. L'indicateur de force relative (RSI) mesure cet état de sur-achat ou de sur-vente, indique M. Chiadmi. Il s'agit d'un indicateur de momentum calculé à partir de l'ampleur des gains récents comparés aux pertes récentes. Oscillant entre 0 et 100, l'indicateur informe que le marché est suracheté lorsqu'il excède 70.

C'est la situation que nous vivons depuis un mois. C'était également le cas en avril dernier. «Certes, le marché peut demeurer suracheté pendant quelques temps, mais l'expérience démontre que tôt ou tard, une correction s'en suit» dit M. Chiadmi.

De plus, les retournements de marché se produisent généralement lorsque la confiance des investisseurs est à son sommet. L'indice de volatilité des options sur l'indice S&P 500 (VIX) est l'indicateur préféré de nombreux analystes pour mesurer cette confiance. Une baisse du VIX indique que les investisseurs sont devenus complaisants et ne sentent plus le besoin d'assurer leurs positions en achetant des options de vente au cas où les marchés baisseraient.  

Le 14 janvier, le VIX est tombé en bas de 16. Comme en avril dernier. C'est aussi son plus bas niveau des trois dernières années. «Je ne dis pas qu'un nouveau flash crash est imminent, mais je crois que nous avons besoin d'un recul pour corriger un marché beaucoup trop étiré actuellement», dit M. Chiadmi.  

Une correction devrait ramener le S&P 500 à 1220 dans un premier temps. Mais si ce niveau ne freine pas la baisse, elle pourrait être alors substantielle. Un retour au creux du mois d'août à 1 040 serait une possibilité si la confiance culbutait totalement, craint M. Chiadmi.

Des attentes élevées

Mais si l'indice S&P 500 s'est apprécié de 22 % depuis septembre, il y a sûrement de bonnes raisons. On sait que la Fed continue d'injecter des liquidités en rachetant les obligations du gouvernement fédéral dans le cadre de son deuxième programme d'assouplissement quantitatif. Mais il y a aussi les attentes quant aux profits à venir des entreprises qui sont très élevées, explique Larry Berman, co-fondateur et associé d'ETF Capital Management, une firme de gestion tactique de portefeuille de Toronto. «Si l'on se fit aux prévisions de profits des analystes, le marché n'est pas dispendieux actuellement», dit-il

Le consensus des analystes indique que les compagnies du S&P 500 réaliseront des bénéfices par action de 95 $ au cours des 12 prochains mois. En appliquant un ratio cours/bénéfices de 15 fois, on peut projeter une valeur de 1425 pour l'indice.

Mais il s'agit bien sûr de prévisions. Elles pourraient s'avérer trop optimistes. L'embellie récente des profits des entreprises a été réalisée principalement grâce à des programmes de rationalisation et de contrôle des dépenses. Mais il y a une limite à la rationalisation. Les profits futurs devront venir d'une accélération de la croissance économique. Ce qui n'est sûrement pas chose faite.      

Pour l'instant, M. Berman ne prévoit qu'une correction mineure durant laquelle l'indice se repliera à 1225-1250. Une correction plus importante se produira plutôt au deuxième ou au troisième trimestre, selon lui. Les marchés rencontreront alors plusieurs obstacles, tels le risque de défaut de dettes souveraines, un débat acrimonieux sur le relèvement du plafond d'emprunt du gouvernement américain qui sera atteint dès le mois d'avril, la fin des programmes de stimuli temporaires des gouvernements, et des coupures majeures dans les budgets des états et des grosses municipalités américaines.