Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, David Tremblay, d'Intact.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Dans le cadre de l'accord de Bâle III, la Banque des règlements internationaux qui veille à la stabilité financière dans le monde a confirmé que les actions privilégiées qui ne satisfont pas aux nouvelles exigences seront progressivement abolies entre 2013 et 2023.

Pour remplacer les actions privilégiées actuelles, les banques devront maintenant émettre du capital contingent. Ces titres sont convertis automatiquement en actions ordinaires si la banque devient insolvable. Ainsi, les porteurs de ces titres écopent, tout comme les actionnaires ordinaires, advenant la situation peu probable où le gouvernement est forcé d'injecter de l'argent pour sauver l'institution.

Même si ce changement était déjà prévu, la nouvelle a eu un léger impact positif sur les actions privilégiées existantes: comme elles ne satisfont pas aux futures exigences, les banques seront davantage motivées à les racheter. Les actions privilégiées de banques qui se négocient présentement à escompte devraient bien performer dans ce contexte.

Mais il faudra attendre la prochaine étape, soit la confirmation par le Bureau du Surintendant des institutions financières du Canada, pour connaître le traitement de ces instruments dans le contexte canadien.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Dans mon esprit, la clé dans le monde, c'est l'emploi aux États-Unis. Si le marché du travail reprend du poil de la bête, cela redonnera de l'élan aux économies occidentales, tant du côté américain qu'européen.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

En tant que gestionnaire d'actions privilégiées, je regarde du côté des actions à taux flottant, qui versent un dividende variant en fonction du taux préférentiel des banques, comme les actions privilégiées de BPO Properties. Ces titres se négocient présentement à escompte et si l'économie va mieux, le taux de dividende pourrait monter.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Je suggère d'être prudent avec certaines actions privilégiées à taux ajustable qui ont été émises ces dernières années. Leur dividende s'ajuste aux cinq ans, en fonction des taux d'intérêt, ce qui protège les investisseurs contre les risques d'une remontée des taux qui ferait perdre de la valeur aux actions privilégiées.

Mais les actionnaires ne sont pas protégés contre les risques de crédit. Ces titres demeures des actions privilégiées perpétuelles(sans rachat au gré du porteur). Il faut analyser minutieusement le risque de crédit de l'émetteur, si on ne veut pas être coincé avec un mauvais crédit à perpétuité!

Demandez à votre conseiller s'il a fait ses devoirs, surtout pour les actions privilégiées qui ont un crédit évalué à P3. Sur une échelle de P1 à P5, les titres qui obtiennent une note de P1 et P2 sont les plus solides. À P3, certains émetteurs sont bons, d'autres moins. Il faut être très sélectif, en achetant les actions privilégiées qui se négocient à escompte et qui offrent un risque de crédit acceptable.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Ce que les gens oublient, c'est que la liquidité est encore phénoménale dans le marché. Cela va continuer de supporter l'ensemble du marché des capitaux en 2011. C'est l'élément le plus important à court terme. Les taux d'intérêt sont presque à zéro. Les investisseurs cherchent un endroit pour redéployer leur argent. Cela met beaucoup de pression à la hausse sur les marchés.

Diplômé de l'Université de Sherbrooke, David Tremblay oeuvre depuis 2000 en finances. À titre de vice-président et gestionnaire d'actions canadiennes chez l'assureur Intact, il gère deux milliards de dollars d'actifs, notamment pour deux fonds communs distribués au grand public: le Fonds Omega d'actions à dividendes élevés et le Fonds Omega d'actions privilégiées.