«Je suis un pigiste de 35 ans, et je n'ai donc aucun programme de régime de retraite d'un employeur, constate Charles. Je dois donc prévoir ma retraite tout seul!»

Seul au travail, seul dans la vie. Célibataire, il habite un logement pour lequel il paie 575$ par mois, chauffage et internet compris. Il n'a aucune dette. Après un début de carrière où ses revenus avoisinaient 40 000$, il a réussi, ces dernières années, à taquiner les 80 000$.

Charles détient 87 000$ en REER, 12 000$ en CELI et 41 000$ en placements non enregistrés. Cette dernière somme provient de la récente vente de son condo. Pour cet achat, il avait retiré 20 000$ de ses REER en vertu du Régime d'accession à la propriété. Il doit commencer le remboursement cette année.

«Devrais-je investir une partie de l'argent de mon condo en cotisations REER ou devrais-je rembourser mon RAP?», demande-t-il. «À ce rythme, à quel âge pourrai-je envisager la retraite?»

Prudence, prudence...

Le planificateur financier Denis L'Hostie, directeur principal, planification financière, à la Banque Laurentienne, a d'abord corrigé quelques chiffres. Sur les cinq ans, Charles a en fait touché un revenu moyen de 75 000$ par année. «Pour être conservateur et comme il est pigiste, nous avons convenu ensemble d'utiliser plutôt 60 000$», explique-t-il.

Charles maintient des dépenses annuelles d'environ 36 000$.

À ces dépenses et aux revenus de 60 000$, le planificateur applique un taux d'inflation de 2,5%.

Les épargnes de Charles sont toutes investies sur le marché boursier. Pourtant, il se décrit comme un investisseur modéré. «Même un investisseur très audacieux doit avoir au moins 20% de son portefeuille en titres de revenus», observe Denis L'Hostie. Le portefeuille d'un investisseur modéré devrait être équilibré, réparti à raison de 60% en titres de revenus - obligations, coupons détachés, placements garantis - et de 40% en actions, rappelle-t-il. «Comme il est à son compte, ajoute le planificateur, il est primordial de conserver une portion de ses investissements en titres moins volatils, pour compenser le risque relié à son statut de pigiste.»

C'est cette répartition d'actifs qu'il a retenue dans ses projections. Il applique à ce portefeuille un rendement de 6%. Si Charles suivait ces suggestions, le remaniement des placements lui donnerait l'occasion de transférer une partie de ses actifs non enregistrés dans un REER afin d'utiliser ses droits de cotisation inutilisés. Ce transfert serait effectué en un minimum de trois ans, pour maximiser les déductions fiscales.

À ce propos, l'intuition de Charles de ne rembourser son RAP qu'au rythme minimum requis était juste. Il peut ainsi consacrer le reste de ses épargnes annuelles à ses REER, ce qui lui procure des déductions d'impôts.

Le planificateur suppose enfin que le taux d'imposition de Charles à la retraite s'établirait à 30%.

Dans ces conditions, pour prendre sa retraite à 60 ans et soutenir son coût de vie actuel jusqu'à 90 ans, il aurait besoin d'un capital de 1 165 000$. Pour y parvenir, il lui faudrait économiser 10 500$ par année, ce que son budget actuel n'autorise pas.

S'il prend plutôt sa retraite à 63 ans, le capital nécessaire s'élèvera à 900 000$. L'épargne annuelle requise s'établit à 3000$ - un objectif parfaitement réalisable.

«En utilisant ces données, nous arrivons à la conclusion que Charles devra prendre sa retraite à 63 ans pour conserver le même rythme de vie», déclare Denis L'Hostie.

Charles souhaite acheter une propriété d'une valeur d'environ 225 000$ dans deux ou trois ans. «Malheureusement, il ne peut se permettre cet achat», constate encore le planificateur.

En supposant que Charles consacre 55 000$ de ses économies à une mise de fonds de 25%, le prêt hypothécaire de 170 000$, amorti sur 25 ans à un taux d'intérêt moyen de 6,5%, produirait une mensualité hypothécaire d'environ 1140$. En ajoutant les impôts fonciers, les charges de copropriété et en soustrayant le loyer actuel de 575$, les dépenses de Charles augmenteraient de 11 000$ à 12 000$ par année. Dès la première année de l'acquisition, son budget serait déficitaire.

«Charles a intérêt à prendre une assurance salaire afin de conserver son rythme de vie en cas d'invalidité et de maintenir ses stratégies d'épargne pour son objectif de retraite, recommande le planificateur. Sans protection de ce genre, un travailleur à son compte ou pigiste devient excessivement vulnérable et peut mettre en péril son avenir financier très rapidement.»

Les hypothèses de notre spécialiste sont prudentes, afin de tenir compte des fluctuations inhérentes à la vie de pigiste. Il suggère vivement une révision régulière de la situation avec un planificateur. Chaque fois que les revenus annuels de Charles seront supérieurs au scénario, il devra verser l'excédent dans ses épargnes. Il pourra ainsi engranger en prévision des années maigres. Et sans doute voir apparaître sa propriété.

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LA SITUATION

Pigiste, Charles se demande s'il économise suffisamment pour la retraite et à quel moment il pourra la prendre. Sera-t-il en mesure de se procurer une nouvelle propriété dans un délai de deux à trois ans?

«De plus en plus de jeunes sont pigistes et doivent construire leur retraite à même leurs économies.»

- Charles

LES DONNÉES

Charles, 35 ans

Revenus: de 70 000 à 80 000$

REER: 87 000$

CELI: 12 000$

Placements non enregistrés: 41 000$ (provenant de la vente de son condo, incluant un RAP à rembourser de 20 000$)

Droits de cotisation REER non utilisés: 47 000$

Aucune propriété

Aucune dette

LES RECOMMANDATIONS

En posant des hypothèses très prudentes pour tenir compte des aléas de la vie de pigiste, notre planificateur calcule que Charles doit épargner 3000$ par année pour prendre sa retraite à 63 ans. Pour l'instant, ce budget n'autorise pas l'achat d'une propriété.

«Les travailleurs autonomes ont une situation financière qui fluctue beaucoup à travers les années. Une révision régulière (trois à cinq ans) serait un incontournable pour s'assurer de respecter leurs objectifs de retraite.» - Denis L'Hostie

Photo fournie

Denis L'Hostie, directeur principal, planification financière, Banque Laurentienne.