«Ma conjointe m'a avoué avoir un vieux prêt étudiant datant de près de 10 ans, d'un montant de 6000$ à l'époque, ainsi qu'une vieille dette de 500$ provenant d'une carte de crédit, décrit Pascal. Comme elle a vécu des problèmes lourds par le passé, elle a fui ces dettes.»

Annie a déménagé deux fois depuis, et vit maintenant avec Pascal.

«Ses créanciers ont perdu sa trace, poursuit Pascal. Elle n'a jamais emprunté un seul dollar depuis.»

Annie travaille dans la restauration, où elle touche un revenu annuel d'environ 15 000$.

Au fil des ans, elle a réussi à économiser 10 000 $. «Elle n'a aucun autre actif sauf une télévision», précise son conjoint. «Tout dans notre appartement m'appartient. Elle n'a pas d'auto, de maison. Comment prendre arrangement avec eux sans se faire harceler, menacer?»

Les inquiétudes d'Annie pèsent plus sur sa santé que ses dettes sur ses finances. Elle fait de l'insomnie, craint la saisie. Doit-elle communiquer avec sa banque, déclarer faillite?

La dette d'études

La syndic de faillite Josée Pomerleau, de Lemieux Pomerleau et associés, rappelle d'abord que les prêts étudiants sont garantis par le gouvernement du Québec.

La Banque Nationale n'a reçu aucun paiement d'Annie, dont elle a perdu la trace. L'institution a certainement demandé le remboursement de cette dette à l'Aide financière aux études (AFE) du gouvernement du Québec, sans doute dans l'année qui a suivi la fin des études d'Annie.

La situation d'Annie n'est pas plus confortable pour autant. Lorsque l'AFE rembourse le capital et les intérêts dus à l'institution financière, l'organisme gouvernemental se substitue à celle-ci pour ses droits à l'égard de la créance.

«L'ex-étudiante devient donc une débitrice du gouvernement du Québec», résume notre conseillère.

Elle entrouvre une porte: peut-être la dette d'Annie se trouve-t-elle prescrite en vertu de la Loi sur l'Aide financière aux études. En effet, explique-t-elle, la dette envers l'AFE s'efface cinq ans après le moment où elle a commencé à être exigible... à moins que l'organisme, durant cette période, ait fait une tentative de recouvrement ou de reconnaissance de dette.

Ce fut sans doute le cas. « Une simple mise en demeure envoyée à la dernière adresse déclarée est suffisante pour interrompre la prescription », observe Josée Pomerleau, refermant aussitôt la porte.

Comme défense, Annie ne peut soutenir qu'elle n'a reçu aucune mise en demeure à sa nouvelle adresse. Elle a l'obligation de communiquer tout changement d'adresse à ses créanciers.

La dette d'études, qui s'élevait à 6000$ il y a dix ans, atteint peut-être 12 000$ à l'heure actuelle. Josée Pomerleau recommande qu'Annie communique avec l'Aide financière aux études pour connaître la somme exacte et négocier une entente de remboursement. Elle devra alors produire un état complet de son avoir et un budget.

Les agents de recouvrement n'ont pas l'autorisation d'accorder une réduction de sa dette. Mais Annie pourrait par exemple proposer un premier paiement forfaitaire, puisé dans ses 10 000$ d'épargnes, suivi d'une série de versements mensuels. À ce propos, Mme Pomerleau rappelle que tant que la dette à l'AFE ne sera pas acquittée, Revenu Québec y appliquera tout remboursement d'impôt auquel Annie aurait droit.

La carte de crédit

La dette de 500$ sur carte de crédit, qui traîne depuis plus de dix ans, pourrait elle aussi être prescrite. Elle s'efface après trois ans si l'institution financière n'a fait aucune tentative de recouvrement ou de reconnaissance de dette. Cependant - et pour compliquer les choses -, l'institution aurait pu obtenu un jugement contre Annie. Le droit qui résulte de ce jugement s'éteint après dix ans s'il n'a pas été exercé.

Comment le savoir? Pour en avoir le coeur net, Annie devra contacter cette institution financière pour vérifier si la dette existe encore, et le cas échéant, conclure une entente de paiement. «Je suis convaincue que cette dette n'existe plus», indique toutefois Josée Pomerleau.

Annie devrait elle déclarer faillite? Le syndic serait alors en droit de saisir ses économies de 10 000$ et son dossier de crédit serait durablement entaché. Notre experte déconseille cette avenue. Avec des ententes de paiement, Annie est clairement en mesure de rembourser ses dettes, croit-elle.

Ce ne serait que si le gouvernement obligeait Annie à des conditions de remboursement incompatibles avec son budget que Mme Pomerleau lui recommanderait la proposition de consommateur. Moins draconienne que la faillite, elle consiste en un arrangement avec ses créanciers, en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, pour ne rembourser qu'une partie des dettes ou pour prolonger la période de remboursement.

Quoi qu'il en soit, Annie «ne doit pas tarder à négocier une entente afin de réduire la charge d'intérêts qui continue de s'accumuler à tous les jours», avise Josée Pomerleau. Elle éviterait ainsi le risque que Revenu Québec la retrace, obtienne un jugement contre elle, et fasse saisir son salaire et ses épargnes.

La sérénité est à ce prix.