Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc L'Écuyer, de Cote 100...

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Pour nous, c'est ce qui se passe en Europe. Cette semaine, c'est au tour de l'Irlande : il va y avoir un plan de sauvetage dont on ne connaît pas encore tous les détails. Mais, à notre avis, cela s'inscrit dans un long processus de désendettement des pays industrialisés qui est loin d'être terminé. Ce sera la toile de fond pour plusieurs années.

On va voir d'autres plans de sauvetage comme ça. En Europe, l'Espagne et le Portugal sont probablement les prochains sur la liste. Ailleurs, on ne sait trop comment ça va se dérouler, notamment pour certains États américains, ou encore au Japon qui est à un point de non retour. Le Canada est peut-être en meilleure posture, mais il n'échappera pas aux contrecoups.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Malgré tout, on demeure assez positifs pour les marchés boursiers. Par contre, il y a une chose qui est inquiétante, c'est la déflation. Si l'économie a une croissance modérée, avec un peu d'inflation, les investisseurs pourront tirer leur épingle du jeu. Mais si on a de la déflation, ce sera excessivement difficile à la Bourse.

Ce qui nous intéresse, c'est les États-Unis. Depuis quelques mois, les indicateurs sont un peu inquiétants. Cet été, on voyait une déflation apparaître, mais elle était concentrée dans l'immobilier. Depuis quelques mois, la déflation se retrouve un peu partout, et plus seulement dans l'immobilier. On est d'avis que la Réserve fédérale américaine réussira à ramener de l'inflation aux États-Unis. Par contre, on ne peut pas en être certain. Et c'est le principal risque pour notre portefeuille.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

En ce moment, on ajouterait de l'argent dans les actions, et non pas dans les obligations. Par contre, on mise sur la qualité. On recherche des leaders en bonne santé financière, dans des secteurs peu ou pas cycliques, avec une présence à l'international pour profiter de la croissance dans les pays émergents.

Aux États-Unis, on aime bien des multinationales dans le secteur de la consommation comme Colgate Palmolive (NY, CL) et Kraft Foods (NY, KFT). Au Canada, on peut citer Thomson Reuters (TRI) qui est présente partout dans le monde, dans le secteur de l'information et des bases de données. Le Groupe CGI est aussi intéressant.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les obligations en général, et plus particulièrement celles qui ont une échéance de 5 ans. Ce n'est pas que l'on est des partisans du discours inflationniste, mais on n'aime vraiment pas aller geler de l'argent à des taux dérisoires. À notre avis ce n'est pas très intéressant.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

On prévoit qu'il pourrait y avoir un ralentissement de l'économie mondiale, car les pays industrialisés vont continuer de se désendetter : il risque d'y avoir d'autres chocs. Cela pourrait être couplé d'un ralentissement dans les pays émergents. Pour l'instant, la Chine est repartie. Mais ce n'est pas soutenable à long terme si les Chinois ne développent pas leur consommation.

À date, le ralentissement de l'économie mondiale ne se reflète pas dans les marchés boursiers. Au contraire, depuis le début de l'année, ce sont les secteurs plus cycliques et plus sensibles à la reprise économique (matériaux, industriel) qui ont remonté le plus vite. Nous, on préfère rester dans les secteurs plus défensifs.

Marc l'Écuyer est gestionnaire de portefeuille au sein de l'équipe de gestion COTE 100 depuis 2003. Fondée par Guy Le Blanc en 1988, la firme de Saint-Bruno gère quelque 200 millions d'actifs pour des investisseurs privés.