Linda Bérubé en a marre de se battre pour faire appliquer la politique d'exactitude des prix, pourtant clairement affichée à la caisse de son épicerie Adonis.

Depuis au moins quatre ans, elle se trouve régulièrement en désaccord avec le gérant de la succursale (pas toujours le même) lorsqu'il y a une erreur de prix sur les produits non emballés, comme les fruits et légumes.

Chaque fois, on lui rebat les oreilles, en prétendant que la politique ne s'applique pas à ce type de produits. Mme Bérubé garde son calme, sans baisser pavillon. «Voyant que nous ne lâcherons pas prise, il nous remet l'article en question. Toutefois, le directeur prend toujours bien soin de nous indiquer qu'il nous fait une faveur», dit-elle.

Après l'énième mauvaise expérience, la semaine dernière, Mme Bérubé s'est tournée vers La Presse Affaires pour avoir l'heure juste. Est-ce que l'épicier a tort ou raison? «L'entreprise doit appliquer la politique d'exactitude des prix à l'égard de TOUS les produits», nous a confirmé Me André Allard, avocat à l'Office de la protection du consommateur (OPC). Cela inclut les produits non emballés, comme les fruits et légumes.

D'ailleurs, l'OPC a envoyé un avis à Adonis, en 2010, en relation avec l'application de la politique d'exactitude des prix.

Toutefois, le gérant de la succursale Sauvé, Raed Abdo, a répondu à La Presse qu'il appliquait la politique sur tous les produits, y compris les fruits et légumes.

Exactitude des prix 101

En cas d'erreur d'étiquetage, à quoi les consommateurs ont-ils droit?

À la base, il faut savoir que les détaillants québécois doivent étiqueter tous leurs produits, sauf pour 13 catégories de produits, notamment les aliments non emballés, les produits qui coûtent moins de 60 cents, les objets de très petite dimension, etc.

En cas d'erreur d'étiquetage, le détaillant est tenu de corriger le prix du produit. Point final.

Mais, depuis 2001, certains commerçants peuvent être exemptés de l'obligation d'étiqueter individuellement chacun de leurs produits, dans la mesure où ils respectent la politique d'exactitude des prix. Ils doivent alors afficher le prix des produits sur la tablette et munir leurs caisses d'un système de lecture optique.

Lorsqu'une erreur survient à la caisse sur un produit qui vaut plus de 10$, le détaillant doit corriger le prix de l'article et accorder un rabais de 10$ au client. Si la valeur exacte de l'article est inférieure à 10$, le détaillant doit le remettre gratuitement au client.

Mais attention: le client n'a droit qu'une seule fois au rabais lorsque l'erreur touche plusieurs produits identiques, dans son panier.

Disons qu'un client est victime d'une erreur sur le prix de trois bouteilles de shampoing à 5$. Eh bien! le détaillant doit lui remettre une bouteille gratuitement, et corriger l'erreur de prix sur les deux autres.

Mais si l'erreur touche une douzaine de clémentines que le client a déposées lui-même dans un sac, le commerçant doit lui offrir gratuitement le sac au complet, et non pas une seule clémentine.

«Peu importe la raison de l'erreur, la politique s'applique», insiste Jacinthe Nantel, conseillère en consommation à l'ACEF des Basses-Laurentides.

Et la politique s'applique sur tous les articles en magasin, à l'exception des produits dont le prix est réglementé (lait, bière, vin d'épicerie) ou lorsque la loi interdit les rabais (médicament d'ordonnance, tabac).

Des excuses cocasses

Les commerçants trouvent toutes sortes d'excuses pour esquiver la politique, comme en témoignent Me Allard et Mme Nantel. Voici les plus cocasses:

- «La politique ne s'applique pas le lundi, car c'est la journée des changements d'étiquettes.»

- «La politique ne s'applique pas à nous, car nous sommes une société ontarienne», prétend-on dans une succursale de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

Pour aider les consommateurs à faire respecter la politique, l'ACEF des Basses-Laurentides a produit 40 000 cartes plastifiées qui sont distribuées dans le réseau des ACEF. Les consommateurs peuvent la glisser dans leur portefeuille et s'en servir comme outil pour faire appliquer la politique.

D'autres conseils de la part de Mme Nantel:

- Les erreurs surviennent le plus souvent sur les articles en solde. Regroupez-les à la fin, afin d'y porter une attention plus particulière.

- Après avoir payé, arrêtez-vous pour examiner la facture immédiatement. Si vous découvrez une erreur à la maison, il y a peu de chances que vous retourniez au magasin.

- Avec la politique, tout repose sur la mémoire du client et sa capacité de se souvenir que le prix affiché sur la tablette ne correspond à celui à la caisse. «C'est pour cela que nous étions radicalement contre», rappelle Mme Nantel. En guise de contestation, certains organismes proconsommateurs ont déjà suggéré de se munir d'un marqueur pour écrire le prix sur chaque produit au fur et à mesure!

En cas de litige avec un commerçant, les clients devraient porter plainte à l'OPC qui interviendra si les plaintes s'accumulent. Plusieurs détaillants ont déjà eu des amendes à payer.

LE PRODUIT

Des fruits et légumes à l'épicerie.

LE HIC

L'épicier prétend que les produits non emballés ne sont pas assujettis à la politique d'exactitude des prix. «Voyant que nous ne lâcherons pas prise, il nous remet l'article en question. Toutefois, le directeur prend toujours bien soin de nous indiquer qu'il nous fait une faveur.» Linda Bérubé

AU BOUT DU COMPTE

La politique d'exactitude des prix s'applique à tous les produits, emballés ou pas. En cas d'erreur, le commerçant doit corriger le prix et offrir 10$ de rabais au client ou lui remettre gratuitement le produit si sa valeur est inférieure à 10$.