Ils se connaissent et se fréquentent depuis près de dix ans, mais ne s'étaient jamais présentés en société comme conjoints.

Lise, âgée de 61 ans, et Marcel, aux 65 ans bien sonnés, sont prêts à faire le (grand) pas. « Nous désirons nous marier, et nous installer dans la résidence de mon conjoint », exprime Lise.

Ils ont entendu parler de l'union civile et se questionnent sur les avantages de ce type d'union par rapport au mariage traditionnel.

Jusqu'à récemment, chacun a vécu dans sa propre maison. Lise vient de vendre la sienne pour habiter chez Marcel. Elle voulait compléter la transaction avant le mariage « car je crois que si nous nous marions avant que ma résidence soit vendue, celle-ci devient résidence secondaire et nous devons payer des impôts ».

La maison de Marcel, libre d'hypothèque, vaut environ 240 000 $. Lise prévoit lui verser 80 000 $ pour acquérir un tiers de la propriété. Marcel emploierait une partie de cette somme à la rénovation de sa maison, pour laquelle il a déjà engagé une marge de crédit.

« Quelle serait la meilleure manière de s'assurer que je détienne le tiers de la résidence ? demande Lise. Est-ce par un legs testamentaire ? Est-ce à dire que je ne paierais pas de taxe de bienvenue ? »

Mariage et union civile

Questions complexes... réponses en duo. Deux planificatrices de Banque Nationale Groupe financier, la fiscaliste Natalie Hotte, expert-conseil, Gestion privée 1859, et la fiscaliste et notaire Caroline Marion, conseillère, Support aux conseillers, ont joint leurs compétences pour l'occasion.

Elles observent d'abord qu'« il existe bel et bien trois formes d'union légale au Québec : le mariage religieux, le mariage civil et l'union civile ».

Plusieurs personnes confondent l'union civile avec les conjoints de fait. Erreur. Les conjoints de fait ne sont pas reconnus au Code civil du Québec. Seules certaines lois ont défini ce statut à leur usage, mais les critères varient. Ainsi, « aux fins de l'impôt, les conjoints doivent vivre maritalement pendant 12 mois, tandis qu'aux fins de la Loi sur les régimes de retraite au Québec, on parlera d'une période de trois ans », informent les conseillères.

Pour sa part, l'union civile, introduite dans le Code civil en 2002, est soumise aux lois sur le patrimoine familial, tout comme le mariage civil ou religieux.

Inconvénient, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas l'union civile. Si Lise et Marcel s'unissent civilement, ils seront acceptés comme conjoints par l'impôt québécois dès le premier jour de cette union, mais le fisc fédéral ne leur accordera le statut de conjoints de fait qu'après 12 mois de vie commune !

En vendant sa maison avant sa cohabitation ou son mariage avec Marcel, Lise cherchait à préserver l'exemption fiscale pour le gain en capital réalisé sur la résidence principale, qui ne s'applique qu'à un seul bien par famille. Et c'est en effet ce qui se produit.

Toutefois, même si elle avait emménagé chez Marcel quelques mois avant la vente, l'exemption n'aurait pas été réduite pour autant, puisqu'ils n'auraient été reconnus comme conjoints de fait à des fins fiscales qu'après avoir vécu maritalement pendant 12 mois.

Investir dans la propriété de Marcel

Lise veut verser à Marcel 80 000 $ et s'assurer qu'elle détient en retour le tiers de la propriété. Sa suggestion d'un legs inscrit dans le testament de Marcel ne répond pas à cette préoccupation : le testament peut être modifié à volonté et le legs ne serait effectif qu'au décès de Marcel, même si la propriété a été vendue plusieurs années auparavant. La seule façon d'obtenir un droit de propriété consiste à consigner, dans un contrat notarié, l'achat ou le don d'une quote-part indivise de l'immeuble.

Cette transaction devrait-elle se conclure avant le mariage ? N'étant pas considérée encore conjointe de fait, Lise devrait alors acquitter le droit de mutation immobilière calculé sur le tiers de l'immeuble, comme si l'acquisition était effectuée par une pure étrangère. En supposant une valeur de 240 000 $, ce droit sur 80 000 $ s'élèverait à 550 $.

Cette situation présente toutefois l'avantage d'évacuer la question du partage du patrimoine familial, puisque le bien aurait été entièrement acquis et payé avant le mariage. Lors de la vente de la maison, Lise récupérerait le tiers qu'elle a acquis, et Marcel les deux-tiers qui lui reviennent.

« Évidemment, l'investissement après le mariage a exactement l'effet inverse », commentent Caroline Marion et Natalie Hotte. La transaction s'effectuant entre conjoints reconnus, le droit de mutation ne s'appliquera pas, quoique certaines municipalités puissent exiger un droit supplétif de 200 $. Par contre, en regard du patrimoine familial, la valeur du tiers de la propriété acquis par Lise après leur union serait partageable pour moitié entre les conjoints.

Marcel, de son côté, a déjà contracté une marge de crédit pour des travaux de rénovation, qu'il rembourserait seulement après le mariage, avec une partie des 80 000 $ versés par Lise. Cette dette sera acquittée pendant l'union, et serait donc soumise elle aussi au partage du patrimoine familial. Si cette dette représentait 20 % de la valeur de la propriété au moment de l'union, la même proportion de 20 %, calculée sur la valeur de la propriété au moment de sa vente ou de la dissolution de l'union, sera partageable.

Bref, un sérieux casse-tête.

Mariage ou union civile ? Dans le cas de nouveaux conjoints qui ne sont pas animés par des convictions religieuses et pour qui il n'y a aucune nécessité à être reconnu immédiatement comme conjoints, les deux planificatrices recommandent à l'unisson de rédiger plutôt un contrat d'union de fait devant un notaire compétent.

C'est plus tard qu'on s'en félicite.