Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, William De Vijlder, de PNB Paribas

Q - À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Pour le moment, le thème dominant est clairement la guerre des devises. On en parle partout. Ça va être intéressant de voir ce qui ressortira de la réunion du Fonds monétaire international, à Washington.

On voit que la coordination des politiques économiques mondiales est très déficiente, pour ne pas dire qu'il n'y en a pas du tout. Chaque décision est rationnelle. Mais dans l'ensemble, ça crée des pressions à certains endroits. C'est le vrai problème.

Présentement, il y a une crainte que des pays en situation difficile mettent en place une politique d'assouplissement quantitatif (ndlr : en imprimant des billets de banque) pour tenter d'exporter leurs problèmes vers leurs voisins qui se portent un peu mieux. C'est ce qu'on a vu dans les années 30.

Q - Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

D'un point de vue macro-économique, les chiffres d'emplois aux États-Unis sont importants à surveiller pour s'assurer de la pérennité de la reprise économique hésitante. Mais les marchés financiers suivront les chiffres d'emplois pour une autre raison. Ils cherchent un indicateur, un signal pour évaluer la probabilité de la mise en place d'un assouplissement quantitatif. Mais il faut dire qu'il y a déjà eu beaucoup d'anticipation dans le marché : l'euro s'est raffermi de 14% par rapport à son creux, en bonne partie au cours des semaines récentes, depuis que la Réserve fédérale américaine a clairement fait comprendre qu'elle songeait à un assouplissement.

D'un point de vue microéconomique : la saison des résultats trimestriels des sociétés américaines qui va commencer, est un facteur très important. Si les sociétés donnaient des indications pour atténuer les attentes des investisseurs pour les prochains trimestres, cela pèserait sur les indices.

Q - Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'irais vers des obligations de société qui offrent le couple risque baissier/rendement le plus attrayant. Les investisseurs se demandent : quel est le risque de perdre beaucoup à relativement brève échéance? Du côté des actions, la visibilité est très réduite et la volatilité est grande avec le rebond boursier qu'on a eu en septembre.

Q - Quel placement évitez-vous à tout prix?

Je me méfie de l'or. Les gens pensent toujours que l'or est la valeur refuge par excellence. Mais ils oublient que la volatilité de l'or est équivalente à celle d'un panier d'actions. En fait, l'or est une catégorie d'actifs très incertaine. Il est plus sage de se rabattre sur une bonne répartition d'actif que de placer tout son argent dans de soi-disant valeurs refuges.

Mais pour l'instant, les marchés n'ont pas confiance. Ils ne croient pas que les banques centrales réussiront à tout contrôler, à garder le train sur les rails. Si le train déraille, elles devront injecter encore plus de liquidités. Et qui dit plus de liquidité, dit plus d'inflation, ce qui fait monter l'or. Mais plus le prix de l'or monte, plus c'est risqué. Et maintenant que le dollar américain commence à remonter, il sera intéressant de voir comment le prix de l'or va se comporter.

Q - Qu'est-ce que les marchés surestiment le plus présentement?

Je pense qu'il y a un peu trop d'optimisme quant à l'efficacité des mesures d'assouplissement quantitatif. Moi, j'ai un certain scepticisme face à ces mesures dans un contexte d'économie mondialisée. J'ai tendance à voir l'assouplissement quantitatif comme une source de bonheur à court terme, mais comme une source de maux de tête à moyen terme.

L'eau qui coule descend! De même, avec une politique d'assouplissement, les liquidités chercheront la voie de la moindre résistance. Ça veut dire que les marchés qui en bénéficieront sont très loin des endroits où l'on veut provoquer des effets réels. Concrètement, une politique d'assouplissement quantitatif aux États-Unis est une mesure qui fera le bonheur des détenteurs d'actions asiatiques.