Sylvie vit les joies et les misères, les hauts et les bas de la condition de pigiste. La femme de 55 ans a connu des années plus fastes, mais elle s'attend à gagner 45 000$ en 2010.

Sa conjointe Carole, âgée de 59 ans, a surtout connu les bas. «Elle aimerait prendre sa retraite mais n'a que très peu d'argent, ayant travaillé la majeure partie de sa vie dans la restauration au salaire plus que minimum, narre Sylvie. Évidemment, elle n'avait droit à aucun avantage social, ni REER, ni chômage, rien.»

Depuis quelques années, Carole est travailleuse saisonnière, pour un revenu annuel de 35 000$. Elle a ainsi pu accumuler 10 000$ dans un CELI, 15 000$ dans un REER et 30 000$ en placements non enregistrés.

Sylvie détient pour sa part 10 000$ en CELI et 270 000$ en REER. «Tous nos placements sont hyper-sécuritaires et le resteront car ni l'une ni l'autre ne tolère l'incertitude», précise la pigiste.

«Au cours des dernières années, il nous a été très difficile d'économiser», ajoute-t-elle. Les surplus budgétaires ont été drainés dans leur copropriété centenaire, évaluée à 400 000$. Elle est libre d'hypothèque mais coûteuse en entretien. En 2010 seulement, elles ont dû y consacrer 15 000$ en réparation, puisés en partie dans leurs économies. Les charges de copropriétés, les taxes foncières, les assurances, le chauffage et les frais connexes totalisent à eux seuls 1250$ par mois.

Sylvie et Carole ne veulent pas prendre de retraite hâtive - elles la planifient toutes deux à 65 ans - mais la souhaitent confortable.

Sur la base de leur train de vie actuel, elles estiment leurs dépenses à la retraite à 60 000$ par année. Pour le 65e anniversaire et la retraite de Sylvie, elles projettent faire un voyage d'immersion linguistique de six mois, dont elles estiment le coût à 20 000$.

Espoirs fondés?

Des revenus en baisse

L'ennui, c'est que leur budget se dresse déjà devant leurs projets de retraite.

Elles ont estimé leurs dépenses à la retraite en utilisant la proportion courante de 70% de leur coût de vie actuel. «Mais elles sont habituées à un train de vie coûteux d'environ 86 400$ par année et à des revenus annuels dépassant 125 000$», observe Pierre D'Argenzio, planificateur financier chez RBC Gestion de patrimoine. Or, ces revenus des années fastes ne se concrétiseront plus.

Sylvie prévoit une diminution de ses contrats en raison d'une concurrence plus active. En 2010, les revenus du couple se chiffreront plutôt à 80 000$. «Ce montant étant inférieur à leur coût de vie actuel, elle devront sans aucun doute s'ajuster, avise notre conseiller. Lors de nos discussions, elles se sont tout de suite rendu compte qu'elles dépensaient beaucoup trop.»

Ayant travaillé 18 ans dans la fonction publique québécoise avant de devenir pigiste, Sylvie aura droit à 65 ans à une rente de 10 000$. Avec la rente de la RRQ et la pension de la sécurité de la vieillesse (PSV), elle touchera des revenus récurrents de 25 580$ par année.

Les diverses rentes de Carole totaliseront pour leur part 19 960$.

Pour compléter ces 45 000$, il faudra évidemment compter sur les 340 000$ d'épargne du couple. Sylvie prévoit y ajouter quelque 4500$ par année, grâce à un REER collectif auquel elle contribue avec le soutien de ses clients.

Pierre D'Argenzio applique à ces fonds un rendement de 3,75%, question de respecter la prudente prédilection du couple pour les CPG. Ses projections révèlent que Sylvie et Carole pourraient ainsi soutenir jusqu'à 90 ans des dépenses de 43 000$ en dollars courants, indexées à 2,25%. Nous sommes loin des 60 000$ espérés.

«La tendance pour certains serait d'augmenter le risque dans le portefeuille pour se rapprocher de leurs revenus de retraite, indique le planificateur. Cependant, tout en visant l'atteinte des objectifs de retraite, il est essentiel de respecter le profil de l'investisseur. Il ne faut surtout pas céder à l'appât du gain au détriment de sa tolérance aux risques et ce, même si les investissements sans aucun risque amènent une érosion plus rapide du capital et donc du pouvoir d'achat.»

Il faudra chercher la solution ailleurs. Le remplacement de leur condo par une copropriété moins coûteuse permettrait à la fois de réduire les dépenses et de procurer du capital frais.

«Après discussion avec elles, l'achat d'un condo d'environ 250 000$ dans deux ans pourrait leur convenir», signale M. D'Argenzio.

Les fruits de la vente libéreraient une somme de 115 000$. Ce capital porterait à 51 000$ les revenus nets du couple durant leur retraite.

Heureusement, les 20 000$ du futur voyage d'études, ajustés eux aussi à l'inflation, sont prévus au scénario.

LA SITUATION

Sylvie est une pigiste dont les revenus, longtemps confortables, s'amenuisent. Carole a longtemps travaillé au salaire minimum et n'a pas pu épargner autant qu'elle l'aurait voulu. Elles visent maintenir à leur retraite, à 65 ans, 70% de leur train de vie actuel.

«Depuis quelques années, je jongle avec de multiples chiffres, je lis tous les articles que je trouve sur la retraite. Et malgré toutes ces lectures, je suis encore indécise, incertaine et inquiète.»

- Sylvie

LES PARAMÈTRES

Sylvie, 55 ans

Revenus de pigiste prévus en 2010: 45 000$

Rente d'un ancien employeur à 65 ans: 10 080$

REER: 270 000$

CELI: 10 000$

Autres épargnes: 5000$

Carole, 59 ans

Revenus: 35 000$

Rente de retraite à 65 ans: 10 060$

REER: 15 000$

CELI: 10 000$

Autres épargnes: 30 000$

Propriété: 400 000$, libre d'hypothèque

LA RÉPONSE

Leurs estimations de dépenses étaient basées sur des revenus qui ne se concrétiseront plus. Déjà, leur budget excède les revenus prévus en 2010. Elles devront réduire dès maintenant leurs dépenses et se procurer d'ici deux ans un condo moins coûteux.

«Ce sont les clientes parfaites pour une planification financière: elles ont du temps devant elles pour se préparer.»

Pierre D'Argenzio, planificateur financier et représentant en épargne collective, RBC Gestion de patrimoine.