Comment équilibrer les choses quand deux conjoints contribuent inégalement à la mise de fonds? Mélissa et Mathieu cherchent une solution.

Dilemme: faut-il déposer une petite mise de fonds à parts égales ou une grosse mise de fonds asymétrique?

Pour l'achat de leur première maison, en périphérie de Montréal, Mélissa et Mathieu ont choisi la seconde option, question de réduire leur emprunt. Leur mise de fonds de 57 000$ représente 20% des 285 000$ du prix d'achat. Mélissa y a mis 10 000$ et Mathieu 47 000$. Avec des revenus semblables, chacun paie la moitié de l'hypothèque et des taxes foncières.

Cette décision les a menés à un second problème: s'il fallait vendre, comment tiendraient-ils compte de leurs mises de fonds inégales? Se partageraient-ils la plus-value réalisée dans les mêmes proportions?

«Ce qui complique l'affaire, commente Mathieu, c'est que ça fait un an et demi qu'on est ensemble, mais on n'a jamais vécu ensemble. On ne connaît pas la façon de dépenser de l'autre.»

Proposition

Mathieu a fait une proposition. Puisqu'ils ont déposé une mise de fonds de 20%, 20% du profit réalisé serait partagé en proportion de leur propre contribution à la mise de fonds. Le reste serait séparé également.

Mais ils n'ont pas adopté cette solution. «On ne s'entendait pas, raconte Mélissa. La façon dont je voyais ça, c'est que si on se sépare, il reprend 47 000$, je reprends mes 10 000$ et le profit, étant donné qu'on paie à deux, est séparé en deux. On s'est finalement entendus là-dessus... pour l'instant du moins.»

Pour compliquer les choses, ils veulent, avec le temps, équilibrer la participation de chacun à la mise de fonds, afin que la maison soit véritablement partagée pour moitié. Mélissa remboursera donc peu à peu 18 500$ à Mathieu, de telle sorte que chacun ait contribué des mêmes 28 500$.

En quête d'une solution

Ils ont fait d'intenses recherches à ce propos sur l'Internet et n'ont rien trouvé. Ils ont effectué la transaction chez leur notaire le 28 juin, sans que celle-ci ait pu les éclairer davantage. Leurs contributions respectives à la mise de fonds ont été inscrites dans l'acte d'achat. «La notaire a indiqué que la maison était séparée à 50%, mais que la mise de fonds a été de 47 000$ pour moi et 10 000$ pour Mélissa», indique Mathieu.

«Il arrive très souvent que la mise de fonds ne soit pas égale, constate la notaire et planificatrice financière Guylaine Lafleur. Et la solution avancée par Mélissa est celle qui est la plus souvent retenue.»

Mais cette formule d'une simple récupération de sa part de la mise de fonds a un défaut. Elle ne tient pas compte du fait que Mélissa tire un bénéfice du supplément de mise de fonds versé par Mathieu: elle profite elle aussi de mensualités plus petites et d'une réduction de l'assurance prêt hypothécaire.

Elle néglige en outre la valeur de l'argent dans le temps. Si la maison est vendue dans 15 ou 20 ans et que Mathieu ne récupère que ses 47 000$, ceux-ci vaudront largement moins qu'au moment de l'achat. En proportion de la valeur acquise par la propriété, ce remboursement apparaîtra dérisoire.

«Si on ne prévoit pas d'intérêt ou un certain partage de la plus-value au niveau de la mise de fonds, c'est comme si on faisait un prêt sans intérêt au conjoint, poursuit la juriste. Souvent, cette question n'a pas été soulevée auprès des parties.»

Une des manières de corriger ce déséquilibre consisterait à considérer la mise de fonds comme un investissement. Si, au moment de la revente, la maison a acquis une plus-value de 25%, ce même taux s'appliquerait à chacune des mises de fonds initiales. Mathieu récupérerait donc 47 000$ plus 25%, soit 58 750$, et Mélissa 10 000$ plus 25%. Le solde du produit de la vente serait ensuite partagé en deux.

Mais dans le cas où un des conjoints rembourse occasionnellement sa part de mise de fonds à l'autre, comme Mélissa en a l'intention, faut-il estimer la valeur acquise par la propriété lors de chaque paiement? Difficile...

Aux fins de simplification, Guylaine Lafleur propose plutôt d'ajuster le remboursement à l'inflation. «C'est ce que nous utilisons dans nos projections, souligne-t-elle: à long terme, la plus-value dans l'immobilier équivaut à l'inflation, quand on considère tous les coûts d'entretien pour maintenir la valeur de notre bien.»

Ainsi, si Mélissa rembourse après deux ans 5000$ sur le capital de la mise de fonds initiale, son paiement tiendra compte de l'augmentation du coût de la vie depuis l'acquisition de la propriété. Si l'indice des prix à la consommation s'est accru de 5% en deux ans, elle devra remettre 5250$ à son conjoint.

Au moment de la vente de la propriété, Mathieu récupérera la part de la mise de fonds non encore remboursée, accrue de la valeur de l'inflation depuis le moment de l'achat. Le solde du produit de la vente sera ensuite partagé en deux.

Reconnaissance de dette

Cette entente constitue en fait une reconnaissance de dette, qui aurait pu être inscrite comme telle dans l'acte d'achat. «Mais je préfère le faire dans une convention de vie commune», insiste Guylaine Lafleur. Cette convention signée devant notaire stipulera le montant de la dette, les conditions de remboursement, l'année de référence - 2010 dans le cas de Mathieu et Mélissa -, et la mesure de l'inflation qui est retenue - l'indice des prix à la consommation pour le Québec, par exemple.

Par ailleurs, une telle stratégie, sans léser Mathieu, reconnaît la valeur émotive de ce projet commun: tout ne peut être calculé.