Gilles et Claudette ont construit leur chalet à la sueur de leur front en 1995. Le projet leur a coûté 80 000$ en matériaux. Aujourd'hui, le couple est à l'aube de la retraite et songe à vendre sa résidence secondaire qui vaut environ 250 000$. La transaction suscite plusieurs questions fiscales.

Les matériaux ont coûté 80 000$, mais comment notre main-d'oeuvre est-elle considérée?

«Malheureusement, les gens qui construisent eux-mêmes ne peuvent pas inclure leur temps dans le calcul du coût», répond Sylvain Chartier, expert-conseil à Banque Nationale Gestion privée 1859.

Dans le cas de Gilles et Claudette, le gain sera calculé entre le coût de construction (80 000$) et le prix de vente (250 000$).

Tous les frais de rénovation (agrandissement, piscine, cabanon, etc.) et les frais de transaction (droit de mutation, frais de notaire, commission versée au courtier, etc.) permettent aussi de réduire le gain en capital imposable.

Les propriétaires devraient donc conserver systématiquement leurs factures, même pour leur résidence principale, car on ne sait jamais à l'avance quelle propriété il sera le plus avantageux de désigner comme résidence principale.

«Souvent les gens ne pensent pas à conserver leurs pièces justificatives quand il s'agit d'une résidence qu'ils ne louent pas. Mais ça peut poser problème, dans le cadre d'une vérification fiscale», indique Jean-François Thuot, fiscaliste chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Quelle maison faut-il désigner comme résidence principale: le chalet ou la maison en ville?

Tout d'abord, il faut savoir que chaque famille a droit à une seule «résidence principale», qui est exempte d'impôt. Il peut s'agir d'une maison en ville, d'un chalet, de la partie d'un plex habitée par les propriétaires, ou même d'une «maison mobile». L'important, c'est que la famille y ait vécu une partie de l'année, ne serait-ce qu'une semaine.

La décision se prend au moment de la vente. Pour prendre la meilleure décision, il faut comparer le gain réalisé sur les deux résidences, en tenant compte la durée de détention. Dans le cas de Gilles et Claudette, le chalet s'est apprécié de 170 000$ en 15 ans, soit environ 11 000$ par année. La valeur de leur maison en ville, construite il y a 25 ans, a grimpé de 80 000$ à 350 000$, un gain de 270 000$, soit un peu moins de 11 000$ par année.

Comme il y a peu de différence, il peut être avantageux de désigner le chalet comme résidence principale, pour éviter de payer immédiatement une facture fiscale. Plus tard, le couple pourra désigner sa maison en ville comme résidence principale, pour la période où il n'avait pas le chalet (de 1985 à 1995 et les années suivant la vente du chalet).

Mais il faut aussi tenir compte du taux d'imposition de chacun des conjoints...

Qui paiera la note fiscale: Gilles, Claudette, les deux?

Claudette a des revenus annuels de 15 000$, tandis que Gilles gagne environ 40 000$. Comme elle paie moins d'impôt que son mari, pourra-t-elle ajouter le gain en capital du chalet sur sa déclaration? Oui, car elle est l'unique propriétaire du chalet.

Cela démontre qu'il peut être avantageux pour un couple d'inscrire le chalet au nom du conjoint qui a les revenus les moins élevés. Mais attention: «On voit des situations où l'un des conjoints est propriétaire du chalet, sans n'avoir jamais travaillé de sa vie», dit M. Chartier. Le fisc pourrait considérer que c'est le conjoint le plus riche qui a réellement acheté la maison... et lui refiler une partie de la facture fiscale.

Faudrait-il attendre de prendre notre retraite pour vendre le chalet?

D'ici peu, Claudette prendra sa retraite et son taux d'imposition diminuera encore plus. Mais cela ne vaut pas nécessairement la peine de reporter la vente du chalet pour limiter la facture d'impôt. Si les taux d'intérêt remontent, si le marché immobilier se tasse, le couple pourrait avoir plus de mal à obtenir son prix. Et d'ici deux ans, il devra assumer tous les coûts d'entretien, les taxes, etc. Globalement, le décalage de la vente ne sera peut-être pas si payant. «Le conseil que je donne: arrêtez de penser à l'impôt! Soyez pratiques!» dit M. Chartier.

Est-il avantageux de léguer le chalet à notre fille pour qu'elle le vende à notre place?

Lorsqu'on donne le chalet à ses enfants, on est réputé en avoir disposé à la juste valeur marchande, exactement comme si on le léguait en héritage. Donc, il faut payer l'impôt sur le gain en capital quand même. On ne s'en sort pas.

Par exemple, si Claudette donne le chalet à sa fille, la mère devra payer l'impôt comme si elle lui avait vendu 250 000$. Si le chalet s'apprécie par la suite et que la fille le revend, disons à 350 000$, elle sera réputée l'avoir acquis de sa mère pour 250 000$ et devra payer de l'impôt sur le gain de 100 000$, à moins qu'il s'agisse de sa résidence principale.

Puis-je vendre à ma fille à un prix dérisoire?

Faire un prix d'ami, ça peut toujours passer. «Mais vendre à 1$, c'est le pire scénario», prévient M. Chartier. Le fisc imposera la mère en fonction de la juste valeur marchande (250 000$). Mais lorsque la fille vendra le chalet à son tour, son gain sera calculé en fonction d'un coût d'achat de 1$. Autrement dit, la famille paiera l'impôt deux fois!