Un jour, peut-être, toutes les voitures auront ces caractéristiques. Commande par reconnaissance vocale. Détection des obstacles par télémétrie laser. Navigation robotisée.

Mais en attendant ce lointain idéal, c'est dans un fauteuil roulant électrique que vous aurez le plus de chances - façon de parler, bien sûr - de tester cette technologie.

Trois chercheurs montréalais travaillent conjointement à la conception d'un fauteuil roulant intelligent destiné aux personnes qui, en raison de leur dextérité restreinte ou de leur vision limitée, ne peuvent utiliser les commandes habituelles.

«Cette technologie va leur permettre de se déplacer de façon sûre et indépendante», indique Robert Forget, professeur à l'École de réadaptation de l'Université de Montréal.

À un fauteuil motorisé muni des commandes standards, les chercheurs ont ajouté un ordinateur, un système de reconnaissance vocale, trois télémètres lasers, un écran tactile et quelques autres machins.

«La difficulté est de créer un robot qui soit capable de prendre des décisions dans son environnement», commente Paul Cohen, professeur à l'École polytechnique et spécialiste en robotique. «Il faut essayer de mitiger le contrôle humain et le contrôle automatique.»

La chaise répond déjà à une trentaine de commandes dites de haut niveau, telles «passe la porte», «longe le mur» ou «demi-tour».

Quand l'usager prononce les mots «monte la rampe», par exemple, l'ordinateur reconnaît la commande et en demande la confirmation sur l'écran tactile. «Avec un système de reconnaissance de la parole qui a des failles, il est important que l'usager sache ce que le fauteuil a compris ou n'a pas compris», indique Joelle Pineau, professeure à l'École d'informatique de l'Université McGill.

L'ordinateur repère ensuite la rampe avec les télémètres lasers, engage les moteurs à la vitesse appropriée, oriente la trajectoire et arrête le fauteuil une fois l'obstacle franchi. Un système d'odométrie mesure la distance parcourue au sol, pendant qu'une boucle de commande numérique corrige constamment le déplacement du fauteuil.

Dans une version plus avancée, il suffira de dire «va à la cuisine» pour que le fauteuil obtempère (il n'est pas encore question qu'il y fasse un café). «Toute la technologie est là pour réaliser ce genre de scénario dans l'environnement domiciliaire», assure Joelle Pineau.

Le fauteuil a été testé par des intervenants en réadaptation sur une piste à obstacles aménagée au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau. Les essais se poursuivront avec des usagers normaux de fauteuils roulants - donc handicapés.

Pour l'instant, les concepteurs n'ont travaillé qu'en fonction d'une utilisation intérieure. Un déplacement à l'extérieur est beaucoup plus complexe. Un télémètre laser peut détecter ce qui se dresse en obstacle. Mais comment repérer une absence - un trou dans le trottoir, par exemple, ce que les chercheurs appellent un obstacle négatif?

Ergonomie... émotive

Sous sa forme actuelle encore très préliminaire, le fauteuil bardé de bidules électroniques est aussi sympathique qu'un satellite espion.

Aucun designer industriel n'a encore été intégré dans l'équipe de conception. C'est encore trop tôt, expliquent les chercheurs, car les technologies et les solutions ne sont pas encore suffisamment arrêtées.

On doit admettre que le design n'est pas la qualité la plus évidente des fauteuils roulants qui circulent chez nous. Les contraintes techniques, ergonomiques et financières leur imposent bien sûr un lourd carcan. Mais un fauteuil roulant peut tout de même sortir des sentiers battus, comme le démontrent certains des projets illustrés ci-contre.

«Quand on parle d'ergonomie, les gens pensent aux critères physiques, observe le designer industriel Alvaro Diaz, chargé de cours à l'École de design industriel de l'Université de Montréal. Mais c'est aussi une question d'ergonomie cognitive, d'ergonomie émotive.»

La chaise roulante doit faire plus que fournir un service à son usager: elle doit lui procurer une expérience, tout comme un vélo ou une voiture constitue souvent pour son propriétaire davantage qu'un simple moyen pour se déplacer du point A au point B. Sa chaise roulante doit lui appartenir et refléter sa personne de la même manière qu'une paire de chaussures soigneusement choisie.

En fait, dit Alvaro Diaz, le design devrait être tel qu'une personne non handicapée puisse dire: «J'aimerais avoir un fauteuil roulant comme celui-là.»

 

Fauteuil robotisé, qui règle le problème des sanitaires avec une trappe dans l'assise. Projet de Julia Kaisinger, Xiulian Benesch et mathias mayrhofer, étudiants en design industriel à l'École des arts appliqués de Vienne.

Un projet de fauteuil roulant polyvalent qui se déploie en civière, du designer Christen Halter.

Le prototype de fauteuil roulant motorisé I Real, de Toyota.