Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stéphanie Lessard, de Gestion globale d'actifs CIBC.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

L'événement de la semaine, du côté des revenus fixes, a été la réunion de la Banque du Canada, mardi. Les taux ont monté d'un quart de point, à 0,5%. Mais la Banque a signifié très clairement que toute hausse future sera conditionnelle à ce qui se produira à l'international.

Justement, durant la nuit de jeudi à vendredi, le premier ministre de la Hongrie a laissé entendre que son pays est en difficulté financière. Comme la Grèce, il veut de l'aide du Fonds monétaire international (FMI) et des banques centrales européennes. Le FMI veut éviter à tout prix qu'un gouvernement fasse défaut, que les problèmes se répandent à travers l'Europe, que l'euro s'affaisse.

Dans ce contexte, la Banque du Canada se garde une porte de sortie. Je pense qu'elle va continuer avec des hausses tranquilles de 25 points de base, au moins pour les trois prochaines réunions, pour ensuite faire une pause, comme l'a fait la banque centrale australienne. Je vois le taux à 1,5% -1,75% d'ici un an. Mais tout va dépendre de la Fed, car le Canada ne peut pas être trop en avance sur la banque centrale américaine.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

Il faut voir si la croissance économique va se poursuivre aux États-Unis. Ce mois-ci, il y a eu une forte création d'emplois (431 000). Mais 411 000 postes étaient en relation avec le recensement. Donc, ce sont des emplois très temporaires. Mais c'est la tendance qui est importante, pas nécessairement la grosseur du chiffre.

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

J'irais dans un fonds d'obligations de sociétés de bonne qualité, avec des échéances moyennes qui vont me rapporter un bon rendement. Le taux des obligations du Canada est très bas (2,6% pour 5 ans). Un fonds d'obligations de sociétés peut amener une valeur ajoutée et une diversification dans le portefeuille.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Je resterais loin des obligations internationales. La Grèce, c'est bien pour les vacances... mais c'est tout! Il y a trop de volatilité et d'incertitude dans les obligations. On le voit dans les écarts de crédit qui sont très différents d'un pays à l'autre.

Présentement, les obligations (5 ans) de l'Espagne versent 200 points de base (2%) de plus que les obligations de l'Allemagne. Et les obligations de la Grèce sont environ 800 points (8%) au dessus des titres allemands qui servent de référence sur le marché obligataire européen. Les obligations allemandes (5 ans) versent 1,5%, un taux très faible car les investisseurs, en quête de sécurité, se sont rués vers l'Allemagne.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

Le Canada a un problème de déficit structurel. Le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent pour repartir l'économie. Ce sera très difficile de revenir à l'équilibre budgétaire. Et ce sera encore plus difficile de le maintenir pas la suite.

À moins que le gouvernement trouve un moyen de réduire ses dépenses ou d'augmenter ses revenus, le déficit va recommencer à augmenter d'ici la fin de la décennie, car les programmes sociaux coûtent très cher.

La population ne veut pas se faire retirer des services et ne veut pas payer plus cher en taxes ou en impôts. Il va falloir que le gouvernement trouve des solutions. Il y a des décisions difficiles à prendre. C'est un débat de société.

Oui, le Canada va beaucoup mieux que plusieurs pays d'Europe et que les États-Unis. Mais il ne faut pas s'asseoir sur nos lauriers.

Stéphanie Lessard compte une quinzaine d'années d'expérience dans le marché des titres à revenus fixes. À titre de vice-présidente, Marchés monétaires, Mme Lessard veille sur des actifs de 12 milliards de dollars chez Gestion globale d'actifs CIBC, dont elle a joint les rangs il y a neuf ans.