La dégringolade de l'euro et des Bourses européennes a fait perdre 13% aux fonds communs d'actions européennes depuis un mois. Les investisseurs sonnés voient des étoiles. Comment réagir? Voici cinq questions à se poser avant de prendre des décisions...

Partout dans le monde, les investisseurs voient des étoiles... les étoiles de l'Union européenne dont les finances publiques sont en crise.

Comme on le redoutait, les problèmes ne se limitent pas à la Grèce. Cette semaine, l'Italie et l'Espagne ont d'ailleurs adopté des plans d'austérité. Mais cela n'a pas empêché l'agence Fitch d'abaisser la cote de crédit de l'Espagne, estimant que la cure minceur freinera la reprise économique.

La chute de l'euro et des places boursières européennes se répercute jusque dans le portefeuille des détenteurs canadiens de fonds communs de placement.

Au cours du mois de mai, les fonds d'actions européennes ont encaissé le pire recul de toutes les catégories de fonds. Plus précisément, ils ont déboulé de 13% durant la période d'un mois terminée le 26 mai. Cela s'additionne aux pertes de plus de 5% déjà subies au cours des quatre premiers mois de 2010. De quoi décourager les investisseurs qui ont déjà perdu beaucoup d'argent avec l'Europe.

En fait, les fonds d'actions européennes ont livré un rendement annuel composé de -3,7% depuis 10 ans. Imaginez: un investisseur qui aurait un placé une somme de 10 000$ en 2000 n'aurait plus que 6800$ à sa disposition aujourd'hui.

Comment réagir? À tous les investisseurs qui ont de l'Europe dans leur portefeuille, Christian Charest dit: ne vendez pas... à moins que cela ne cadre plus avec votre degré de tolérance au risque.

«On déconseille toujours aux gens d'essayer de synchroniser le marché. C'est la meilleure façon de perdre de l'argent, de manquer la reprise qui peut être très rapide», dit le rédacteur en chef adjoint de la firme d'évaluation de fonds Morningstar Canada.

«Il ne faut pas se retirer complètement d'un marché à cause d'un événement temporaire», enchaîne Yanic Chagnon, directeur général pour les solutions gérées du Groupe financier Banque Nationale.

Mais il admet que son équipe de gestionnaires n'est pas très optimiste pour l'Europe. «Pour l'instant, on est légèrement sous-pondéré en Europe. Comme la plupart des gestionnaires d'actions mondiales, d'ailleurs», indique M. Chagnon. Concrètement, dans un portefeuille équilibré contenant 45% d'obligations et 55% actions, on peut donc se limiter à une tranche de 10 à 12% du portefeuille total en actions internationales, ce qui inclut l'Europe et Asie-pacifique.

Mais indépendamment des perspectives sur l'Europe, les fonds communs d'actions européennes ont moins la cote. «Il y a de moins en moins de gens qui sélectionnent les fonds un par un. C'est une tendance lourde. Ils optent pour des produits clé en main, une solution équilibrée qui aura une présence en Europe», dit M. Chagnon.

Justement, Patrick Ducharme, vice-président chez De Champlain Services financiers, n'utilise plus de fonds européens pour sa clientèle. «Pourquoi investir directement dans un fonds qui est contraint d'investir dans une zone géographique? On préfère des fonds d'actions mondiales où le gestionnaire a toute la latitude d'investir où il le veut», dit M. Ducharme qui conseille de réduire les actions européennes de façon importante.

Mais avant de prendre des décisions, voici cinq questions à se poser.

1- Mon fonds a-t-il beaucoup investi en Grèce et dans les PIGS?

La crise des finances publiques en Europe est née en Grèce, pour ensuite toucher le Portugal, l'Espagne et l'Italie.

Seulement une dizaine de fonds européens consacrent plus de 10% de leur portefeuille aux PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne ou Spain). AGF est celui qui est le plus présent dans les PIGS. D'ailleurs son rendement en 2010 laisse à désirer.

Mais il ne faut pas sauter trop vite aux conclusions. Le fonds Dynamique valeur européenne qui est le plus présent en Grèce, s'en est tiré à merveille, avec un gain de 6% depuis le début de l'année, soit le meilleur rendement de sa catégorie.

D'ailleurs, certains gestionnaires estiment que les PIGS sont sous-évalués et qu'il est temps de saisir les aubaines afin de profiter d'un éventuel rebond.

Les fonds les plus exposés aux PIGS:

> AGF catégorie actions européennes (20%)

> Investors croissance dividendes européens (16%)

> Standard Life actions européennes (12%)

Les fonds les plus présents en Grèce:

> Dynamique valeur européenne (7,8%)

> Mac Universal européen occasion investissement (3,9%)

> CIBC actions européennes (2,8%)

2- Est-ce que mon fonds est protégé contre les fluctuations des devises?

Les fluctuations de l'euro et des autres devises européennes ont un impact majeur sur le rendement des investisseurs canadiens. Certains fonds d'actions se couvrent entièrement contre les mouvements de devises. D'autres ne se protègent pas du tout. Et certains se couvrent partiellement, de façon tactique. «Ça varie énormément d'un fonds à l'autre. Ce n'est pas un élément que les sociétés de fonds sont tenues de divulguer. Cela rend les comparaisons difficiles», dit M. Charest.

Les investisseurs peuvent quand même consulter le prospectus de leur fonds pour connaître la politique du gestionnaire à l'égard des devises. «Si on décide d'investir dans un fonds européen, est-ce qu'on veut se couvrir? Absolument! Car l'euro risque encore de baisser», dit M. Ducharme.

3- Mon fonds prélève-t-il des frais de gestion raisonnables?

Au Canada, les fonds communs de placement sont très gourmands. Et c'est encore plus vrai pour les fonds d'actions européennes qui gobent 2,7% de votre actif chaque année (versus 2,5% pour l'ensemble des fonds). Il vaut donc la peine de vérifier jusqu'à quel point votre fonds à les dents longues.

Les fonds les plus gourmands:

> Stone&cie europlus croissance de dividende (3,8%)

> AGF cat. actions européennes (3,1%)

> Investors cat. actions européennes B (2,9%)

Les fonds les moins gourmands:

> TD indiciel européen (0,48%)

> CIBC indiciel européen (1,1%)

> Standard Life actions européennes (1,2%)

4- Est-ce que le gestionnaire amène une valeur ajoutée?

«Beaucoup de fonds se contentent de reproduire l'indice de référence», dit M. Charest. Alors assurez-vous que le gestionnaire a style particulier qui amène une valeur ajoutée.

Parmi les fonds européens, le préféré de Morningstar est le Trimark Europlus. Son gestionnaire se distingue grâce à sa stratégie prudente axée sur les sociétés de bonne qualité sous-évaluées. Même si le fonds a connu des moments difficiles, durant la crise du crédit, il a battu le rendement médian de sa catégorie et celui de son indice de référence, sur 10 ans.

Si votre gestionnaire ne se démarque pas de l'indice, alors achetez carrément un fonds indiciel qui sera beaucoup moins gourmand en frais. Autre option: les fonds négociés en Bourse (FNB), un panier de titres qui reproduit la composition de l'indice, mais qu'on achète comme une action à la Bourse. La difficulté: il n'y a pas de FNB d'actions européennes à la Bourse canadienne.

Il est possible de se rabattre sur un FNB de marchés internationaux qui investit pratiquement les deux tiers de leur portefeuille en Europe, et le reste au Japon et en Australie. Trois exemples:

> iShares CDN MSCI EAFE

> Claymore International Fundamental Index

> BMO FINB actions internationales couvert en$CA

5- Comment s'en tire mon fonds?

Enfin, il faut regarder la performance historique du fonds. «Une contre-performance sur une courte période, comme un an, n'est pas nécessairement significative. Un horizon de trois à cinq ans nous en dit plus long sur la valeur ajoutée d'un gestionnaire», dit M. Chagnon.

Pour comparer des pommes avec des pommes, il faut s'attarder à la performance relative du fonds, en vérifiant si le rendement du fonds est supérieur à la médiane et à l'indice de référence.

Sur trois ans, tous les fonds d'actions européennes sont dans le rouge. Sans exception! Le rendement annuel composé médian est de -14%, tandis que l'indice MSCI Europe a fondu de 12,6%.

Les meilleurs fonds (ou les moins pires!) sont:

> Mac Ivy européen (-4,7%)

> CIBC actions européennes (-9,2%)

> Fidelity Europe (-10,3%) qui est le champion sur 5 ans

Et les pires sont:

> AGF cat. actions européennes (-20%) qui est le champion sur 10 ans

> Templeton cat. sociétés européennes (-18%)

> Scotia européen (-17%)