Les inventions naissent aux moments les plus incongrus. En remplissant des déclarations de revenus, par exemple.

C'est en faisant le lien entre les frais d'utilisation de véhicules de ses clients et son nouveau système de navigation GPS que le fiscaliste Martin Turcotte a connu son eurêka. Il avait observé que parmi ceux qui utilisaient leur véhicule personnel pour le travail (ou, à l'inverse, le véhicule de leur employeur à des fins personnelles), à peu près personne ne tenait à jour le registre de ses déplacements, tel que requis par le fisc.

Trop astreignant. On préfère déclarer un hypothétique kilométrage qu'on estime raisonnable - ou rentable! -, avec l'espoir que le fisc ne nous demandera pas de rendre des comptes.

Bref, Martin Turcotte a eu cette idée: pourquoi pas un appareil électronique qui ferait le travail automatiquement, par repérage GPS?

Évidemment, il y a loin de l'idée au produit manufacturé. C'est pourquoi, au début de 2008, il a fait appel au jeune ingénieur Alexandre Faucher, avec qui il a fondé Logiciel Fiscal VL.

L'ingénieur aurait pu concevoir un nouvel appareil du premier électron jusqu'à la dernière soudure, mais il était plus rapide et moins coûteux de s'appuyer sur la technologie existante.

En juillet 2008, après quelques prototypes aux résultats peu concluants, les deux hommes ont déniché un petit appareil de repérage GPS fabriqué en Chine, suffisamment simple pour servir de base à «l'outil fiscal» dont rêvaient les deux associés.

«L'objectif était d'avoir l'outil qui serait le meilleur ami du représentant et du travailleur autonome, et il fallait que son utilisation soit la plus facile possible», décrit Alexandre Faucher.

Nouvel écueil presque fatal en novembre 2008: les coûts de transmission cellulaire des données étaient trop élevés. Il a fallu un voyage en Chine et une rencontre avec les ingénieurs du fabricant pour «redessiner l'architecture des protocoles de communication».

Odotrack était fin prêt en février 2009, après que l'entreprise de Laval eut dépensé plus d'un million de dollars en recherche et développement.

En route

Odotrack se branche dans la prise auxiliaire de la voiture. Dès que le véhicule commence à se déplacer, il détecte le mouvement et se rappelle à votre bon souvenir avec un délicat bip. Vous appuyez alors sur le bouton correspondant à votre type de déplacement - personnel ou d'affaires. Les distances et les trajets sont mesurés par système GPS et relayés sur réseau cellulaire jusqu'à l'ordinateur central d'Odotrack.

Toutes les données sont compilées automatiquement dans un registre kilométrique, où figurent les heures et les lieux de départ et d'arrivée, le kilométrage parcouru, le type de déplacement. Avec l'internet, vous pouvez ajouter des commentaires explicatifs pour chaque déplacement - une fonction qui peut dorénavant se faire avec son cellulaire, de sa voiture.

Une fois que vous avez inscrit toutes les dépenses d'utilisation du véhicule - essence, entretien, amortissement, etc. -, le système calcule les déductions et produits des rapports de gestion et des rapports fiscaux.

L'appareil coûte 289,95$, auxquels s'ajoute un abonnement de 24,95$ par mois pour un contrat de 3 ans. «Juste avec les déplacements qu'on n'oublie plus, il va se payer seul», assure Martin Turcotte. Sans registre, explique-t-il, les travailleurs autonomes évaluent souvent à la baisse leur kilométrage d'affaires, question de ne pas éveiller la suspicion du fisc. Avec Odotrack, ils auront un portrait exact, sans effort, avec toutes les pièces justificatives.

Odotrack sera rentable «pour les gens qui font beaucoup de kilomètres pour affaires», estime pour sa part Stéphane Leblanc, fiscaliste chez Ernst&Young, qui confirme que la compilation des déplacements à la main est aussi laborieuse que peu courante.

«Tant que vous n'êtes pas vérifié par le fisc, vous n'en avez pas besoin», ironise-t-il. En ce sens, Odotrack se compare à une assurance.