La Banque du Canada devrait amorcer, en juin, une hausse des taux d'intérêt. Cela se répercute déjà sur le marché obligataire qui est dans le rouge depuis janvier dernier. Dans ce contexte, voici trois stratégies pour éviter que l'ours écrase vos obligations...

Ce printemps, l'ours est sorti de sa tanière et il a écrasé le rendement des obligations, particulièrement pour les titres qui ont une échéance de 3 à 7 ans. Les investisseurs verront les traces de la bête en ouvrant leur prochain relevé de compte: les fonds communs d'obligations canadiennes ont fondu de 0,6% en moyenne, depuis trois mois. Et les fonds d'obligations mondiales ont baissé 2%, selon les données de Morningstar Canada en date de la fin d'avril.

Sur les marchés, on parle de «Bear Flattener» un phénomène qui survient lorsque les taux d'intérêt à court terme remontent plus vite que ceux des obligations à long terme, aplatissant l'écart entre les deux. Un classique en période de resserrement de politique monétaire.

Or, c'est un secret de polichinelle, la Banque du Canada s'apprête à remonter son taux directeur qui gît à un plancher de 0,25%. Les marchés s'attendent à une première hausse de 0,25%, peut-être plus, dès le mois de juin.

Ce n'est qu'un début. Le taux de financement à un jour devrait s'établir à 1,75% d'ici la fin de 2010, et à 2,75% d'ici la fin de 2011, prévoit Paul-André Pinsonnault, économiste principal, pour les revenus fixes, à la Financière Banque Nationale.

L'ennemi numéro un

Une remontée des taux d'intérêt fait toujours fondre la valeur des obligations que les investisseurs ont dans leur portefeuille. Il faut savoir que les obligations se négocient sur les marchés financiers, contrairement aux dépôts à terme ou aux certificats de dépôts dont le capital est gelé jusqu'à l'échéance.

Quand les taux d'intérêt montent, le prix des obligations déjà émises diminue. Normal : elles deviennent moins attrayantes puisque leur taux est plus faible. À l'inverse, une baisse des taux d'intérêt fait augmenter la valeur des obligations.

Les obligations à long terme sont plus vulnérables à une remontée des taux d'intérêt. Normal aussi : plus l'échéance est lointaine, plus les investisseurs exigeront un escompte important pour racheter une obligation moins payante que les titres comparables nouvellement émis.

Dans l'attente d'une remontée des taux, bien des investisseurs sont donc restés cantonner le court terme. En 2009, de nombreux gestionnaires suggéraient de ne pas toucher aux plus longues échéances.

«Mais le long terme a mieux fait au premier trimestre», souligne Rémi Roger Vice-président et chef des titres à revenus fixes, chez Seamark Asset Management.

Que s'est-il donc produit? En fait, les taux d'intérêt ont remonté seulement sur les obligations de courte et de moyenne échéance.

C'est que l'évolution des taux sur titres à court terme est dictée par la politique de la Banque centrale, tandis que les taux d'intérêt des obligations de 30 ans sont beaucoup plus influencés par les prévisions d'inflation à long terme, explique M. Pinsonnault.

«Si j'ai des obligations 30 ans, ça m'importe peu ce que la banque centrale va faire demain matin. Je suis plus intéressé à savoir comment va se comporter l'inflation durant cette période-là, pour savoir si je conserverai mon pouvoir d'achat», explique l'économiste.

Résultat : Depuis la fin de janvier, les taux ont remonté d'environ 0,75% sur le court terme (2 ans). Mais comme ces titres sont moins vulnérables à une remontée des taux, leur rendement total est resté légèrement positif, comme le démontre notre tableau.

Par contre, les investisseurs ont perdu 1% avec les titres de moyenne échéance (5 ans et 7 ans). Les taux ont grimpé de seulement 0,50%, mais ces titres sont plus sensibles à une remontée. «Dans une situation de retournement de la politique monétaire, les obligations de 5 ans sont l'ennemi numéro 1», dit M. Roger.

Pendant ce temps, les taux d'intérêt n'ont pas bougé sur les plus obligations à long terme (20 ou 30 ans) qui ont produit un rendement total supérieur à 1%.

Or, les obligations n'ont pas fini de souffrir, car la remontée des taux n'est pas terminée. D'ici 12 mois, M. Pinsonnault croit que le court terme gagnera plus de 2%, le moyen terme plus de 1% et le long terme environ 0,5%.

Mais tous ne sont pas de cet avis. «Je ne pense pas que les banques centrales vont devoir monter les taux énormément», dit Michel Pelletier, premier vice-président responsable des titres à revenus fixes pour les Investissements Standard Life.

Selon lui, le taux directeur reviendra à un niveau plus normal d'ici 12 mois, soit autour de 1%. «Ça ne serait pas exagéré et ça n'aurait pas un impact marqué dans le marché des obligations».

De quoi rendormir l'ours...

Le papillon

Les obligations de 5 ans sont souvent les plus touchées lorsque les taux à court terme remontent. «C'est l'endroit à éviter», dit M. Pinsonnault. Pour se protéger, les investisseurs peuvent adopter la stratégie du papillon. Au lieu de détenir des obligations de cinq ans, ils iront aux extrémités, avec 75% d'obligations de six mois et 25% d'obligations de 30 ans, par exemple. Depuis trois mois, les investisseurs auraient gagné quelques poussières (environ 0,3%) avec un portefeuille en papillon, au lieu de perdre 1% avec des obligations 5 ans. «Mais ce n'est pas facile à faire, pour un particulier», dit M. Pelletier. Il conseille plutôt d'acheter un fonds communs géré par des professionnels. «C'est notre travail de mettre en place des stratégies comme ça!» Voici les fonds d'obligations préférés de Morningstar Canada :

> PH&N Obligations rendement global

> TD Obligations canadiennes

> PH&N Obligations

> Beutel Goodman revenu

L'échelle

«Pour le particulier, la meilleure chose à faire, c'est d'avoir une échelle», estime M. Pelletier. Il suffit de détenir un portefeuille d'obligations échelonnées le long de la courbe des échéances : trois mois, 1 an, 2 ans, 5 ans... peut-être même jusqu'à 10 ans. À long terme, l'investisseur aura toujours des obligations qui arriveront à échéance, qu'il pourra renouveler au taux du marché. «Si les taux sont plus hauts, vous êtes chanceux! Vous pourrez réinvestir à un meilleur taux. Si les taux ont baissé, vous avez quand même d'autres échéances dans votre portefeuille qui vous amènent du rendement», explique M. Pelletier. Pour ceux qui ne veulent pas acheter les obligations une à une, la famille de fonds négociés en Bourse (FNB) Claymore a lancé deux produits clé-en-main fondé sur cette stratégie :

> Claymore 1-5 Yr Laddered Government Bond ETF (CLF)

> Claymore 1-5 Yr Laddered Corporate Bond ETF (CBO)

Provinces et sociétés

Les obligations de sociétés et de provinces sont une autre option à considérer, souligne M. Pelletier. Même si les écarts de taux d'intérêt se sont beaucoup résorbés depuis la crise, ils restent extrêmement attrayants. Par exemple, les obligations de banques canadiennes (7 ans) versent environ 1% de plus que les obligations du Canada. Quant aux obligations de l'Ontario, le taux est environ 0,6% supérieur aux titres de Canada. «Ça vaut encore la peine... si on reste dans les titres de haute qualité», dit M. Pelletier. Avec les obligations de société, il est essentiel de détenir plusieurs titres en portefeuille pour réduire les risques. Autrement, l'achat d'un fonds négocié en Bourse (FNB) est une bonne alternative :

> iShares DEX All Corporate Bond Index Fund (XCB)

>BMO obligations de sociétés à court terme (ZCS)

> BMO obligations de sociétés à moyen terme (ZCM)

> BMO obligations de sociétés à long terme (ZLC)

> BMO obligations provinciales à court terme (ZPS)