Chaque samedi, un financier différent répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Luc Fournier, de l'Industrielle-Alliance.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?Le focus est sur la politique internationale. Tous les jours, les marchés se demandent ce qui va arriver en Grèce, ce qui va se produire ailleurs en Europe. Est-ce qu'il va y avoir une contagion? C'est vraiment ce qui mène les marchés à court terme.

Il faut dire que tout est inter-relié. En Europe, chaque pays détient des obligations des pays voisins. Alors, il pourrait y avoir un effet domino si l'un d'eux tombait en défaut. Cela paraîtrait dans le bilan de plusieurs banques et banques centrales.

C'est un phénomène qui fait peur. Les investisseurs gardent encore à l'esprit l'impact de la crise du crédit qui a eu des ramifications partout à travers le monde. Les marchés sont très nerveux. C'est un marché de «traders», on l'a vu avec la volatilité extraordinaire, jeudi, lorsque les Bourses ont chuté de près de 10% en une vingtaine de minutes.

Quel indicateur surveillez-vous le plus attentivement en ce moment?

L'euro donne une bonne lecture de la confiance des investisseurs qui attendent de voir s'il y aura une entente européenne appuyée par tout le monde ou si, au contraire, il y aura un effet domino.

La Grèce, comme telle, ce n'est pas si important. La question reste à savoir si d'autres pays comme l'Espagne, le Portugal ou l'Italie seront touchés. Si l'Europe a de la misère à s'entendre pour aider la Grèce, imaginez à quel point ce sera difficile pour de plus grands pays!

Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

Si on s'attend à ce que l'incertitude persiste, on peut acheter un indice boursier de sociétés aurifères. L'or récupère en temps d'incertitude. Cette semaine, le prix de l'once d'or a atteint 1200$US.

L'or joue un rôle de refuge monétaire face à l'euro. Si les craintes s'estompent en Europe, l'euro reprendra des forces... mais cela fera baisser le dollar américain. Et la situation fiscale n'est pas beaucoup plus réjouissante aux États-Unis. L'or pourrait donc être un cheval gagnant dans un cas comme dans l'autre. Où est-ce que cela pourrait amener l'or? Aucune idée! Mais je ne serais pas surpris que ça monte.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Les pays européens ne sont pas des endroits très intéressants. Même si leurs Bourses ont été sous pression, ce n'est pas le moment d'en acheter.

Ce sont des pays qui ont longtemps vécu au-dessus de leurs moyens, qui donnaient des conditions de travail et des plans de retraite incroyables à leurs travailleurs. Maintenant, ils doivent payer la facture. Si les pays veulent se prendre en main, ce sera un processus long et difficile.

En Grèce, on parle de réduire la main-d'oeuvre publique d'un tiers. Ça va faire mal, quand on sait que presque la moitié de la population travaille pour le gouvernement.

Si on doit imposer des mesures d'austérité aussi draconiennes à des pays plus importants, cela freinera considérablement la croissance économique en Europe.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus présentement?

En Amérique du Nord, tout va bien sur le plan économique. Ce qui pourrait faire mal, c'est une crise financière. Il y en a une en Europe. Mais on n'en connaît pas l'ampleur. Ça peut se résorber, comme ça peut être très long. La surprise, c'est qu'on pourrait voir l'économie européenne qui en arrache... sans trop affecter le reste du monde.

Au Canada, nos partenaires économiques sont surtout les Américains et les Asiatiques. Donc, pour l'investisseur canadien, est-ce que c'est dérangeant de voir tout ce qui se passe en Europe? Psychologiquement oui, mais économiquement... je ne suis pas certain.