« On est rendu là. » À l'approche des 80 ans, il est temps pour Gérard et Marie-Anne de vendre leur condo et de déménager dans une maison de retraite.

'appartement qu'ils ont identifié leur coûterait 1800 $ par mois, plus les frais de télécommunications.

Gérard touche une rente de 37 800 $ de son ancien employeur. Il reçoit 6200 $ en pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et 7400 $ de la RRQ.

Marie-Anne, pour sa part, ne perçoit que les 6200 $ de la PSV.

Leurs revenus totalisent 57 600 $, avant impôts.

Hormis 35 000 $ en placements non enregistrés, tous leurs actifs sont concentrés dans leur condo, d'une valeur de 155 000 $.

La vente de la propriété, après les frais de transaction, l'acquittement du solde hypothécaire de 16 000 $ et le remboursement du prêt auto de 17 000 $, leur laisserait 115 500 $.

Mais Gérard et Marie-Anne ont à ce propos un petit différent. « Moi je dis qu'avec nos revenus et la vente de notre condo, on est capable de rester longtemps dans une maison de retraite, dit Gérard. Ma femme pense qu'on va épuiser l'argent du condo en une dizaine d'années. »

Qui survit à qui ?

Daniel Laverdière, planificateur financier et expert-conseil chez Banque Nationale - Gestion privée 1859, a été appelé à trancher la question.

Premier paramètre: quel sera le coût de vie du couple ? Gérard estime ses dépenses courantes à 18 500 $ par année. Avec le loyer de 1800 $, plus 200 $ par mois en frais de télécommunications et autres, le budget atteindrait 42 500 $.

Deuxième facteur : avec les placements et la vente du condo, le couple comptera sur un capital de 150 500 $. Quel rendement accorder à cet investissement ? Daniel Laverdière utilise les plus récentes Normes d'hypothèses de projection de l'Institut québécois de planification financière, soit 3,75 % pour un investissement conservateur. Ces normes fixent en outre le taux d'inflation à 2,25 %, applicable notamment aux dépenses du couple.

Pour la rente de retraite de Gérard, indexée au coût de la vie jusqu'à concurrence de 2 %, notre expert retient une indexation moyenne de 1,5 %, « pour refléter la non-linéarité de l'inflation », précise l'expert.

En outre, chaque année, Marie-Anne et Gérard déposeront chacun 5000 $ de leur capital dans un CELI afin d'en soustraire le rendement à l'impôt.

Enfin, il suppose que le capital du couple ne devra pas s'épuiser avant que les conjoints n'aient plus que 20 % de probabilité de survie. Cette précaution mène Gérard à 93 ans, et Marie-Anne à 97 ans.

Avec ces paramètres, les projections de notre conseiller montrent qu'ils peuvent maintenir des dépenses de 54 000 $ par année si tous deux atteignent leur horizon de vie. Ils peuvent donc, semble-t-il, s'offrir cette résidence, avec le budget de 42 500 $ qui l'accompagne.

Mais que se passe-t-il dans le cas où un des deux conjoints meurt à brève échéance ?

Si Marie-Anne décède demain, sa pension de la Sécurité de la vieillesse de 6200 $ cessera d'être versée. Gérard perdra aussi la possibilité de fractionner ses revenus avec sa conjointe, et d'ainsi réduire sa facture d'impôt. Les 5000 $ de droits annuels pour un CELI de Marie-Anne disparaissent aussi. Malgré tout, Gérard serait en mesure de maintenir un train de vie de 48 000 $ jusqu'à 93 ans.

La situation inverse est plus délicate. Pour mieux en comprendre l'impact, comparons les revenus de rentes dans les trois situations : 57 600 $ si les deux conjoints sont vivants, 51 400 $ pour Gérard si Marie-Anne meurt... et 29 500 $ pour Marie-Anne dans le cas contraire.

La PSV de Gérard disparaîtrait avec lui, de même que 40 % de sa rente de la RRQ. Mais surtout, Marie-Anne n'encaisserait plus que la moitié de la rente de retraite de Gérard.

Pour que son capital ne s'épuise qu'à 97 ans, Marie-Anne devra alors planifier un budget de 31 500 $ par année.

Rien ne dit bien sûr que Gérard décédera demain, ni que Marie-Anne atteindra 97 ans, mais c'est justement l'objectif d'une planification de retraite que d'en prévoir les conditions limites.

Daniel Laverdière rappelle qu'au moment de la retraite, un employé peut dans certains cas choisir de réduire légèrement sa rente pour augmenter celle qui serait versée à son conjoint survivant. Il pourrait par exemple opter pour une réversibilité de 66 % plutôt que de 50 %. « Il faut prendre une réversibilité qui soit adaptée à la baisse anticipée des revenus en cas de décès », avise-t-il.

Pour Gérard toutefois, on ne peut refaire le passé.

Tant que celui-ci sera en vie, le couple devra surveiller le budget pour le maintenir aux 42 500 $ prévus et indexés, et épargner les surplus au profit de Marie-Anne. Au décès de Gérard, Marie-Anne devra faire le point avec un nouveau budget et une nouvelle planification... et peut-être déménager dans un appartement plus petit.

LA SITUATION

Il est temps pour Gérard et Marie-Anne de gagner une maison de retraite. Mais alors que Gérard ne s'en inquiète pas, Marie-Anne craint que le loyer de 1800 $ ne dilapide en dix ans le capital de 150 000 $ dont ils disposeraient après la vente de leur condo.

« Dans une maison de retraite, on n'aura pas à déranger les enfants pour qu'ils fassent quoi que ce soit. » - Gérard

LES DONNÉES

> Gérard, 79 ans

Rente de retraite : 37 800 $

RRQ : 7400 $

PSV : 6200 $

REER : aucun

> Marie-Anne, 77 ans

Régime de retraite : aucun

RRQ : non

PSV : 6200 $

REER : aucun

Condo : valeur de 155 000 $

Solde hypothécaire : 16 000 $

Prêt auto : 17 000 $

Placements non enregistrés : 35 000 $

L'ANALYSE

Le couple peut soutenir sans peine le budget de 42 000 $. Mais au décès de Gérard, Marie-Anne ne recevra plus que 50 % de la rente de retraite de son conjoint, qui constitue la plus grande part de leurs revenus. Son budget se réduira alors à 31 500 $.

« On voit l'incidence de ne pas avoir choisi une rente réversible à 66 % ou 70 %. »

- Daniel Laverdière, expert-conseil, Banque Nationale – Gestion privée 1859