Dans l'industrie des billets spectacle, la loi de l'offre et de la demande est en train de remplacer la règle du «premier arrivé, premier servi».

Vous étiez prêt à faire la file pendant des heures pour voir votre idole? Oubliez ça! Pour avoir de bons billets, les fans doivent maintenant se résoudre à payer plus cher que le prix de vente régulier.

Forfait VIP, courtier en billet, enchères, billets dynamique, billets virtuels... «La personne qui n'a pas acheté de billets depuis cinq ans, elle est totalement perdue! Le marché a vraiment changé», avoue Éric Bussières, président du site de revente Billets.ca, une industrie en pleine expansion.

Aux États-Unis, le marché de la revente de billets sur Internet devrait atteindre 4,5 milliards de dollars en 2012, prévoit la firme de recherche Forrester.

En 2007, le géant des enchères eBay a payé 310 millions US pour acheter StubHub, le plus important site web de revente de billets en ligne au monde. StubHub revendait alors pour 400 millions de dollars US de billets pas année. Et malgré la récession, StubHub connaît une croissance soutenue. En 2009, ses ventes de billets de billets ont bondi de 40%.

Aux dernières loges

Les revendeurs sont peut-être populaires, mais ils n'ont pas toujours la cote. Certains consommateurs leur reprochent d'exercer une pression sur les prix des billets en créant une rareté.

«Les gens disent que les revendeurs ont tous les billets! Oui, on en a... mais ce n'est pas juste ça. Il y a beaucoup de billets réservés pour les membres du fan club, pour les forfaits, pour la prévente», se défend M. Bussières.

Par exemple, pour le prochain spectacle de Lady Gaga, à Montréal, une partie des billets ont été offerts en pré-vente, exclusivement aux clients de Virgin Mobile, qui commandite l'événement. Aussi, les fans pouvaient obtenir des billets à l'intérieur d'un forfait, incluant un souvenir ou une fête avant le spectacle. Le prix varie de 220$ à 435$ par personne.

Au moment de la mise en vente, l'acheteur «ordinaire» est relégué aux dernières loges... surtout quand des acheteurs aguerris accaparent tous les billets à l'aide de tactiques déloyales.

Au début d'avril, les autorités américaines ont accusé Wiseguy Ticket d'avoir contourné les règles de la billetterie Ticketmaster pour rafler plus de 1,5 millions de billets de spectacle entre 2002 et 2009.

À l'aide de programmeurs, la société californienne parvenait à commander instantanément, dès la mise en vente électronique, des tonnes de billets à partir de 100 000 adresses courriel différentes.

Rien de neuf. En 2007, Ticketmaster a obtenu 18 millions de dollars US en menant une affaire semblable devant les tribunaux.

La billetterie contre-attaque

La plus grosse billetterie au monde n'est pas en reste : Ticketmaster a acheté le numéro deux de la revente de billets en ligne, TicketsNow, pour 265 millions US.

Mais ce mariage a entrainé des dérives. Lors d'une tournée de Bruce Springsteen, plusieurs acheteurs ont été redirigés vers TicketNow, où ils ont dû payer le gros prix. Le «boss» s'est fâché. En février dernier, la Federal Trade Commission a forcé Ticketmaster à rembourser les consommateurs pour les sommes versées en trop.

Au Canada, le Bureau de la concurrence a aussi mené une enquête à la suite de plaintes de représentations fausses ou trompeuses contre Ticketmaster et TicketNow. Mais l'affaire a été classée en janvier. Par contre, le Bureau investigue chez Ticketmaster pour des questions d'abus de position dominante.

Il faut dire que Ticketmaster s'est attiré les foudres des revendeurs en lançant un nouveau concept de billet virtuel. L'acheteur paie ses sièges à l'aide de sa carte de crédit, mais il ne reçoit pas de billet... un peu comme un billet d'avion. Les clients présentent simplement leur carte de crédit pour être admis au spectacle.

Il s'agit d'une pratique anti-concurrentielle, selon la National Association of Ticket Brokers, un regroupement de revendeurs de billets, qui compte 10 membres au Canada, dont le chef de file Showtimetickets.com.

StubHub considère que cela brime les consommateurs. Avec les billets virtuels, impossible d'offrir un spectacle en cadeau, impossible de changer ses plans en cas d'empêchement de dernière minute.

Mais ce n'est pas tout. Cet hiver, Ticketsmaster a fusionné avec le plus grand promoteur de spectacles, Live Nation, malgré les pétitions de consommateurs et les protestations des concurrents.

Ce regroupement a donné lieu à une autre innovation : le billet dynamique, lui aussi inspiré de l'industrie aérienne. Le prix fluctue continuellement selon l'offre et la demande pour le siège. L'objectif est de récupérer les revenus excédentaires réalisés par les revendeurs, pour les ramener dans les poches de la billetterie, du promoteur et de l'artiste.

On dit que les prix plus élevés pour les billets dans les premières rangées permettront de réduire le prix des moins bons billets... et de remplir les gradins au complet. En moyenne, le prix des billets serait le même.

Reste que le prix moyen des billets a augmenté de 54%, entre 2000 et 2009, pour atteindre 62,50$US, selon Pollstar.