Armés d'un dollar fort, les investisseurs canadiens peuvent se permettre de partir à la chasse aux sociétés américaines. Ils devraient viser surtout les technologies de l'information, la consommation de base, les soins de santé et les sociétés industrielles, quatre secteurs où les cibles sont plutôt rares au Canada.

Avec le dollar canadien à parité, il n'y a pas que les chasseurs d'aubaines qui seront tenté d'aller magasiner dans les centres d'achats américains. Pour les investisseurs canadiens, c'est aussi l'occasion de faire le plein d'actions à la Bourse américaine.

«Oui, oui, oui, c'est définitivement le temps de profiter de la devise forte pour diversifier son portefeuille à l'étranger», assure Luc Girard, directeur du Groupe de conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins.

Grâce à un dollar fort, les Canadiens ont accès à un bassin beaucoup plus large d'entreprises américaines. Ils pourront se permettre d'élargir leurs horizons au-delà de la Bourse canadienne qui est particulièrement concentrée dans les titres cycliques.

Faut-il rappeler que les ressources naturelles composent presque la moitié de la Bourse canadienne? En fait, le secteur de l'énergie représente 26% de la Bourse, tandis que les matériaux pèsent pour 19%. D'autre part, plusieurs secteurs sont très effacés, notamment les sociétés industrielles (5%), les technologies de l'information et la consommation de base (3% chacun), et les soins de santé qui se résument presqu'à un seul titre : Biovail Corp.

La parité bien installée

Bien sûr, le huard pourrait prendre encore de l'altitude : les investisseurs canadiens perdraient encore au change. Mais les experts ne s'attendent pas à ce que la devise touche à 1,10$US, comme l'espace d'un instant à la fin de 2007... avant de replonger à 77 cents US en 2008.

«Il y a peu des raisons de croire que cela se reproduira», soutient Michael Gregory, économiste principal pour les Marchés des capitaux BMO, qui s'attend à ce que le huard flotte légèrement au dessus de la parité.

Il est vrai que la Banque du Canada pourrait relever ses taux d'intérêt plus vite de la Réserve fédérale américaine, ce qui attirerait les investisseurs étrangers et favoriserait le dollar canadien. Mais le cours du huard le reflète déjà.

D'ailleurs, plusieurs autres arguments classiques en faveur du huard sont déjà pleinement intégrés dans le prix de la devise, estime Luc de la Durantaye, premier vice-président chez Gestion d'actifs chez CIBC.

Oui, le Canada est en meilleure situation fiscale. Oui, le système financier canadien est plus solide qu'aux États-Unis. Mais les marchés financiers en tiennent déjà compte.

Reste le cours des matières premières : «C'est sur que si le pétrole grimpe à 100$US le baril (nous, on travaille avec un scénario de 85$US) ça pourrait donner encore un erre d'aller au dollar canadien», dit M. de la Durantaye.

Mais autrement, le huard ne s'élèvera pas beaucoup plus haut que la parité. «Selon nos modèles, le dollar canadien nous paraît surévalué d'environ 14%, par rapport au dollar américain», ajoute-t-il.

Les États-Unis, oui mais...

Outre l'évolution de la devise, il faut aussi tenir compte des perspectives économiques, avant de traverser la frontière.

Présentement, l'économie américaine se remet sur les rails. La création d'emplois est de retour. Le marché immobilier se stabilise. Les profits des entreprises grimpent. Et le prochain trimestre réserve encore de bonnes surprises, puisque les dirigeants ont fait peu de mises en garde.

Maintenant que la crise s'est dissipée, les gestionnaires de portefeuille se réchauffent pour la Bourse américaine. Leur optimisme a grimpé de 44 % à 53 % envers les actions américaines, tandis que leur pessimisme a plongé de 32 % à seulement 15 %, selon un sondage réalisé en mars par les Investissements Russell.

Même si la Bourse américaine pourrait surperfomer d'ici trois à six mois, M. de la Durantaye remet les choses en perspectives. «À long terme, on voit les actions surperformer les obligations. Et à l'intérieur des actions, on voit les pays émergents surperformer les pays développés. Et puis, en ce moment, de façon plus tactique, on voit les États-Unis surperformer le Canada», concède-t-il.

Combler les vides du Canada

À court terme, la Bourse américaine devrait profiter de la vague de réinvestissement en technologie et en équipement de la part des sociétés.

«Dans les années 2000, les entreprises ont complètement gelé leur budget. Maintenant, elles doivent réinvestir sinon elles vont devenir obsolètes», dit M. Girard. Au Canada, Research in Motion est la seule entreprise d'envergure en techno. «Aux États-Unis, on peut en nommer jusqu'à demain matin!» lance M. Girard.

À son avis, le titre d'Intel est alléchant : il pourrait grimper de 20% d'ici 12 mois. La société est toujours en avant de la parade avec des produits concurrentiels. Apple et Cisco sont d'autres perles qui pourraient briller ces prochaines années.

Les Canadiens peuvent aussi se tourner vers un fonds négocié en Bourse, pour acheter un panier de titres de techno, comme le PowerShare QQQ qui renferme les 100 plus grands noms du Nasdaq, ou encore le iShares S&P North American Technology Sector Index Fund qui couvre encore plus large.

Les soins de santé, les sociétés industrielles et la consommation de base sont trois autres secteurs intéressants à la Bourse américaine, selon M. Girard.

Il pointe John Deere et Caterpillar, deux sociétés de machinerie qui devraient profiter du prochain cycle économique et du thème de l'agriculture.

Côté consommation, il estime qu'un titre comme Kellogg's pourrait très bien combler un vide dans le portefeuille dans Canadiens, car il y a très peu de grands noms de la fabrication alimentaire à la Bourse de Toronto.

«Aujourd'hui, le dollar canadien nous donne la possibilité d'investir dans les grands noms des États-Unis», dit M. Girard.